Aimé Artières, né le 8 mai 1921, a été écolier à Saint-Rome-de-Tarn, puis collégien à Millau, avant de suivre l’enseignement de la faculté de Montpellier. Âgé de 23 ans en 1944, il note au village les évènements de janvier à septembre de cette même année. Ces extraits de son journal de bord, déposés aux archives du Païssel Saint-Romain, offrent un aperçu unique des derniers mois d’occupation allemande à Saint-Rome-de-Tarn.
« Le 9 août, enlèvement des fils électriques de l’éclairage extérieur. Le 10, à Millau, trois jeunes se baignant dans le Tarn sont tués par les Allemands. Il est annoncé que la Populaire, l’autocar desservant quotidiennement la ligne Millau – Saint-Rome – Le Viala) passe aujourd’hui pour la dernière fois.
Le 11, plusieurs autos blindées d’Allemands fortement armées sont signalées route du Pont ; un groupe de jeunes se camoufle sous l’aqueduc du Garric, un autre groupe se trouve sur le pont face à face avec un side-car portant mitrailleuse et ouvrant la route à un énorme convoi ! Il y avait là : R. Gros, J.-M. Plagnes, H. Rudelle, R. Bonnefis, E. Rascalou. A. Fabre et moi-même arrivons à notre tour sur le pont et servirons d’interprète pour arranger une situation qui finit bien. Pendant plus d’une demi-heure, le convoi défile dans le village, non sans avoir créé la panique surtout parmi les joueurs de boules au Monument.
Le 15, c’est le Débarquement Allié en Provence Côte-d’Azur, un orage gronde dans la journée et semble se mêler au bruit lointain des bombes que l’on entend pendant plusieurs jours. Dans l’après-midi, des affiches du CFLN (Comité Français de la Libération Nationale) sont apposées sur un panneau de la mairie, on y voit un appel aux jeunes 1939-1944, avant une convocation et un départ possible.
La garnison allemande aurait évacué Rodez le 18 à l’aube, on apprendra plus tard que la veille, ils avaient, fusillé trente prisonniers à Sainte-Radegonde.
Le 22, parvient la nouvelle de la libération de Paris après quatre jours de combat. Des affiches invitent au départ ; une voiture noire avec drapeau français traverse le village, ce sont trois officiers anglais qui se dirigent vers Saint-Victor, à leur retour ils s’arrêtent et sont l’objet d’une ovation, le département est libéré, on danse jusqu’à une heure avancée de la nuit.
De bonne heure dans la matinée du 23, les maisons sont pavoisées, un drapeau flotte au sommet de l’horloge, les enfants parcourent les rues en chantant avec les jeunes filles tout enrubannées. Un camion de FFI passe et se dirige vers Saint Clément, plusieurs autres circulent, lorsque des Allemands sont annoncés venant d’Albi ; grand émoi général, les drapeaux disparaissent ! La pluie et l’orage éclatent sauvant la situation, cependant que deux camions de FFI arrivent et sont cantonnés dans la cour de l’école ; ils couchent et amènent quelque animation. Le maire s’inquiète de déposer le portrait de Pétain à la mairie, mais il a disparu, la municipalité risque-t-elle une révocation ? Nos jeunes FFI vont rester jusqu’à la fin du mois cependant que le 24 une colonne est annoncée et que parvient la triste nouvelle de la mort de vingt-quatre jeunes aux environs de la Pezade. »