Millau. Les syndicats hospitaliers mobilisés contre « un plan social déguisé »

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Les syndicats hospitaliers tirent la sonnette d’alarme. Vendredi 5 avril à 16h, l’intersyndicale hospitalière avait invité le personnel hospitalier à manifester contre d’éventuelles suppressions de postes dans le nouvel hôpital pour réduire le coût de fonctionnement.

L’origine de la discorde

Au fondement de cette mobilisation de dernière minute, un compte-rendu de la réunion du CoPil (NDLR Comité de Pilotage de l’hôpital commun du Sud-Aveyron) daté du 2 mars. C’est ce document et son contenu qui ont mis le feu aux poudres.

Dans le compte-rendu de cette réunion tel qu’expliqué au personnel par Pierre-Jean Girard Sud Santé Sociaux, responsable de l’intersyndicale, et Corine Mora, de la CGT, « des éléments qui ne provoquent que la surprise et la stupeur. »

Le Copil est cet organe qui préside au devenir du futur hôpital commun et regroupe 12 décideurs, élus (maires de Millau et Saint-Affrique, président du Département de l’Aveyron, député), représentants de l’État (préfet de l’Aveyron, sous-préfète de Millau), responsables de l’administration (directeur régional et départemental de l’ARS, directeur de l’Hôpital) et médecins (présidents des Commissions Médicales d’Établissement de Millau et de Saint-Affrique).

Comme l’explique Corine Mora, le 2 mars, « ces 12 personnes ont fondé en toute opacité la déconstruction de l’hôpital de Millau pas encore construit. » En question, des mesures d’économie demandées par l’ARS avec trois pistes à envisager.

En premier lieu, la biologie. Les hôpitaux de Montpellier se sont dotés d’un nouveau laboratoire dernière génération, il est donc demandé aux Sud aveyronnais d’envisager la possibilité de mutualiser avec l’Hérault pour faire des économies.

En second lieu, la cuisine. L’ARS demande une étude de faisabilité pour que la cuisine hospitalière soit intégrée au projet de future grande cuisine centrale porté par Emmanuelle Gazel.

En troisième lieu, le secteur médico-technique, comprenez la pharmacie, l’imagerie, etc.

De la stupeur à la mobilisation

À la lecture du fameux compte-rendu qui a fuité, le sang des représentants syndicaux n’a fait qu’un tour. Dans des interventions sans concession et très applaudies, Corine Mora et Pierre-Jean Girard n’ont pas mâché leurs mots, appelant d’abord « à la solidarité des personnels, puis à un grand soutien populaire ».

« On est très loin du projet initial de cet hôpital, c’est même exactement l’inverse. 21 personnes au laboratoire, 18 personnes à la cuisine, 100 personnes en médico-technique. » Elle demande avec fermeté des explications aux différents élus présents à cette réunion, surtout quant à leur silence. Puis d’ajouter : « ce que nous demandons, c’est un hôpital de plein exercice, pas une simple vitrine ! » déclare Corine Mora.

« Cet hôpital sera donc une vraie coquille vide, sans services, sans psychiatrie, sans SSR (NDLR Soins de Suite et de Réadaptation), pas de laboratoire, pas de plateau technique, pas de cuisine. Ils décident d’un sous hôpital entre eux », peste Pierre-Jean Girard qui avoue en aparté, être « en colère » car malgré sa qualité de « représentant du personnel dont le rôle premier est d’informer le personnel »,  il n’est « jamais destinataire d’aucune communication du CoPil  ». Il profite donc de cette fuite pour alerter le personnel et la population millavoise. « Ces gens-là mentent. Ils falsifient la vérité. Il est l’heure de défendre l’offre de soins en Sud-Aveyron. Au total près de 150 emplois en jeu, cela s’appelle un plan social déguisé ! Nous exigeons de garder l’offre de soins telle que définie dans le rapport Mupy de 2018. Nous devons sauver l’offre de soins en Sud Aveyron avec un hôpital efficient » lance le représentant syndical.

Une aberration

Fait exceptionnel, le Docteur Michel Jomier, biologiste et chef de service a tenu à s’exprimer publiquement lui aussi, puisque son service est directement mis dans la balance par l’ARS. Avec toutes les précautions rhétoriques nécessaires à un cadre de santé qui prend la parole sans vouloir prendre parti, il a d’abord rappelé qu’il était « très favorable au projet d’hôpital commun », et que « son service travaillait déjà sous forme mutualisée sur les sites de Millau et Saint-Affrique avec complémentarité et efficacité ». Mais le fameux compte-rendu l’interpelle.

« Comment fonctionnerait le nouvel hôpital sans laboratoire in situ ? Quel serait le bénéfice pour le patient au niveau de sa prise en charge ? Quid du dépôt de sang, aujourd’hui géré par l’hôpital pour le compte de l’EFS (Établissement français du Sang) ? Quid des effectifs à 5 ans dans un service qui a su se renouveler, être attractif et rajeunir (3 biologistes sont trentenaires, 1 a 40 ans) » demande-t-il aux membres du CoPil, avant de lancer que « ce projet est tout bonnement une aberration. »

« Je ne voudrais pas être à la place de M. Durand, le directeur de l’hôpital par intérim. Il est pris entre deux feux, le Directeur de l’ARS d’un côté, et les soignants de l’autre. Je remercie toute la communauté médicale qui nous a manifesté son soutien en premier lieu. À commencer par le Docteur Viader et l’ensemble de la maternité qui nous ont écrit pour nous soutenir. Mais je demande au CoPil des réponses et de nous donner des solutions » conclut Michel Jomier.

Même son de cloche pour le Docteur Emmanuel Halaili, pharmacien, chef de service, qui qualifie la séquence de « hasards du projet venant de Montpellier. »

Le prochain CoPil fixé au lundi 8 avril risque d’être agité, les organisations syndicales ayant déjà annoncé qu’elles seraient présentes pour se faire entendre et « accueillir  les élus et membres du CoPil » et ont même demandé à y être associées.

Une grande réunion publique est en préparation dans le but d’informer la population. Elle sera annoncée prochainement, le temps de trouver la salle et la date favorable pour continuer « toutes et tous ensemble. »

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