Rendons cette semaine hommage à Louis Raynal « facteur des postes » qui au-delà de son métier de porteur de bonnes ou de mauvaises nouvelles, se dévoua et sauva bien des vies caussenardes.
Qui était Louis Raynal à qui nous consacrons une chronique aujourd’hui ? Il est né en 1844 à Comps la Grand Ville (dans le centre Aveyron), il se mariera avec Marie Caroline Blanquet originaire de Salmiech. De cette union naîtront neuf enfants : Louis, l’aîné qui reprendra plus tard son métier de facteur, Marie, Louise, Virginie, Eugène, Joseph, Augustine, Justin et Pierre.
Il apparaît comme facteur de Peyreleau dès l’année 1881 et on peut dire que sa tournée ne se limitait pas à ce seul village. Il devait aussi monter sur le Causse et couvrir le large territoire allant de Saint-André-de-Vézines à Veyreau. Par tous les temps, il parcourait le plateau, à pied et à bicyclette, et était le lien dévoué et précieux entre le chef-lieu du canton et la campagne profonde.
Sa grosse sacoche professionnelle en cuir était lourde, au départ des lettres et des journaux (Journal de l’Aveyron, Messager de Millau ou encore le Petit Journal), on s’abonnait de plus en plus pour avoir les nouvelles, qui était le lot normal de sa fonction. Mais il charriait aussi, croisée sur l’autre épaule, une musette aussi grande où s’entassaient tous les achats que les gens lui avaient commandés la veille.
Par tous les temps, il parcourait le Causse, par temps de pluie, par temps de neige.
Aussi des mésaventures n’étaient pas rares :
« Le 3 juillet 1886, le sieur Raynal, facteur des postes, desservant la commune de Veyreau, était en train de faire sa tournée, l’une des plus pénibles de notre région, lorsqu’il fut surpris en pleine campagne par un orage épouvantable. Il venait à peine de se mettre à l’abri sous un de ces rochers formant une voûte naturelle et désignés dans le pays sous le nom de « Baumes », lorsque la foudre éclatant sur sa tête le renversa inanimé sur le sol.
Revenu à lui après une heure d’évanouissement environ, il éprouvait dans tout le corps des douleurs atroces qui l’empêchèrent longtemps encore de faire un mouvement.
Convaincu qu’il ne passerait personne dans l’endroit désert où il se trouvait, il parvint, à force d’énergie et en surmontant les douleurs violentes qu’il éprouvait, à se traîner jusqu’à Peyreleau.
Ses habits déchirés, et ayant une forte odeur de souffre, sa poitrine noircie par la foudre et couverte de boue, sa figure blême attiraient une partie de la population sur son passage et chacun s’empressa à l’aider à regagner son domicile. Depuis ce jour, il garde le lit et les souffrances au lieu de diminuer, ne font que s’accroître. Raynal est père de six enfants en bas âge. C’est un homme très assidu à son service. Espérons que l’administration des postes n’oubliera pas de venir en aide à ce fidèle serviteur de l’État » (Auguste V., Bulletin d’Espalion, repris dans l’Auvergnat de Paris, 25 juillet 1886)
Il se remit néanmoins, et reprit du service, continuant sa tournée, jamais malade, jamais en grève, ce facteur rural en képi (et pèlerine en hiver) que les hommes, dans les champs saluaient de loin d’un geste de la main, était l’ami de tout le monde, excepté des chiens qui ne cessaient de lui courir après.
Le dimanche aussi, il faisait sa tournée. Ce n’était pas le jour le plus difficile par ailleurs, car il trouvait beaucoup de monde à la sortie de la messe et dans les cafés, ce qui le dispensait d’aller dans tous les écarts.
Bien vite, il devint indispensable aux villages du Causse, notamment au village de Veyreau, quand il apprit que Rosalie Salomon était tombée en plein hiver dans une citerne. C’est lui qu’on appelait pour aller avec vaillance chercher au fond du trou la malheureuse.
« La nommée Salomon, veuve Sévérac, a été trouvé morte dans une citerne. La mort de cette femme de 71 ans, ne peut être attribuée qu’à un suicide » (L’Auvergnat de Paris, 31 janvier 1892).
N’écoutant que son courage, il alla sauver des vies au péril de la sienne, notamment au cours d’un incendie, où un veyralenc bien accroché à ses meubles ne voulait pas quitter son logement et toutes ses économies, comme nous le relate cet article paru un an plus tard :
« Dimanche 5 février, un violent incendie a détruit une maison à Veyreau. Un locataire de l’immeuble, le sieur Joseph Truel, dit Carotte, en voulant sauver du feu quelques effets et une cinquantaine de francs, se vit entouré par les flammes et à demi asphyxié par la fumée. Comme il ne reparaissait pas, M. Louis Raynal, facteur rural de la commune, s’élança dans la maison pour sauver le malheureux. Au bout d’un instant qui parut fort long, Raynal sortit, la blouse en feu, traînant le malheureux Truel qu’on crut tout d’abord asphyxié, mais qui ne tarda pas à revenir à lui, grâce aux soins qui lui furent spontanément prodigués. Nous ne pouvons que féliciter chaudement M. Raynal qui, du reste, n’en était pas à son coup d’essai, pour sa belle conduite, son dévouement et son courage en cette circonstance. L’année dernière, à pareille époque M. Raynal sortit d’un puits, au péril de sa vie, la nommée Rosalie Salomon ». (L’Auvergnat de Paris, 19 février 1893).
Et il ne s’arrêta pas là. Lors de ses tournées, il sauva encore deux autres personnes. L’année suivante, c’est à Saint-André-de-Vézines, qu’il réalisa un double sauvetage : « Mardi dernier, 4 juin, le facteur Raynal Louis, a sauvé la femme Evesque et sa jeune fille qui se noyaient dans la mare située à l’entrée du village. C’est le quatrième sauvetage opéré par le facteur Raynal » (L’Auvergnat de Paris, 17 juin 1894).
Apprécié de tous, il continua d’exercer toujours avec assiduité son métier. Appréciant le village de Veyreau, il y habitera en 1896 , on le retrouve également avec sa femme et plusieurs de ses enfants en 1901 : son fils Louis, 25 ans, journalier, Virginie, 20 ans, Eugène 17, Joseph 13, et Justin 11 ans.
La retraite arrivant, il retourna à Peyreleau et coula des jours paisibles auprès de sa femme Marie. Son fils Louis reprendra le flambeau de facteur reprenant sa tournée. Louis Raynal père apparaît comme facteur en retraite sur le recensement de Peyreleau en 1906, tandis que son fils figure comme facteur rural de la commune.
Je n’ai pas trouvé sa date de décès. S’il apparaît encore le 30 décembre 1919 au côté de son épouse au mariage de Justin Auguste, il ne figure plus au recensement de 1921, tout comme sa femme décédée à 75 ans, le 31 janvier 1920.
Son fils Louis Raynal qui le suivit dans sa profession, né à Salmiech en 1874 devait décéder, après une courte maladie au début de l’année 1930. Le dimanche 19 janvier, une assistance nombreuse l’accompagnait à sa dernière demeure notamment sa famille Raynal-Gardès, plus que jamais unie dans ces circonstances.
Marc Parguel