Comme partout en France ce mardi 12 décembre, des enseignants du lycée professionnel Jean Vigo de Millau font le piquet de grève devant l’établissement pour demander le retrait de la réforme « Grandjean », et la reprise de négociations « pour une éducation de qualité pour tous les élèves ». « 50 % des professeurs sont grévistes, mais 100 % sont mécontents », préviennent les enseignants.
Malgré quelques ajustements dans la réforme annoncée par la ministre déléguée chargée de l’Enseignement et de la Formation professionnels, Carole Grandjean, la pilule ne passe pas. À tel point que ce mardi 12 décembre, tous les syndicats d’enseignants de la voie professionnelle ont appelé à la grève et des rassemblements sont organisés devant tous les rectorats de France.
À Millau comme ailleurs, les enseignants du lycée professionnel manifestent contre cette réforme que le conseil supérieur de l’éducation devrait adopter ce jeudi 14 décembre.
Que prévoit cette réforme ?
Dans ses grandes lignes, la réforme Grandjean prévoit qu’à partir de la rentrée 2024, les examens pour les terminales de bac pro seront avancés à mi-mai (« ce qui veut dire qu’élèves et professeurs auront moins de temps pour préparer l’examen »). Suivront six semaines de stages en entreprise pour s’insérer dans le monde professionnel ou une préparation à la poursuite d’études pour les autres.
Si sur le papier ces nouvelles mesures semblent aller dans le bon sens, les professeurs intéressés ne manquent pas de fustiger une mesure « qui répond à des impératifs économiques et budgétaires ». « La réforme de l’année de terminale en 2024, répond encore une fois à une annonce présidentielle et non à une concertation avec les acteurs du système éducatif, expliquent les grévistes. Ce qui a conduit à cette grève unitaire, tous les syndicats ayant quitté les réunions ministérielles en novembre devant l’inflexibilité du gouvernement. »
« Cette réforme s’inscrit dans un processus de délégation de la formation aux entreprises qui contribue au démantèlement des lycées professionnels, estiment-ils. Sur le Bac pro, il y aura entre 170h et 200h de formation en moins, soit six semaines environ de moins sur le cycle du Bac pro dont 71h en enseignement professionnel, que sur la terminale. »
C’est un recyclage qui n’a pas fonctionné l’an dernier au LGT pour lequel le gouvernement vient de faire marche arrière et qui voit le jour au LP ! »
« Ce stage va aussi creuser les inégalités de traitement et de réussite », assurent les professeurs qui dénoncent « un parcours différencié » entre des élèves qui voudront s’insérer directement dans le monde professionnel et d’autres qui préfèreront préparer la poursuite de leurs études. « Tout ce petit monde se retrouvera pour passer les oraux et quelques matières restantes après, cette césure et ces changements de rythme et d’objectifs risquent de fortement les déstabiliser », souligne le corps enseignant.
« Une épée de Damoclès »
« C’est une usine à gaz qui va démobiliser davantage les élèves qui auront choisi les stages professionnels, et refondre les emplois du temps pour les autres. C’est une inégalité des chances de réussite aux examens pour nos élèves. C’est un recyclage qui n’a pas fonctionné l’an dernier au LGT pour lequel le gouvernement vient de faire marche arrière et qui voit le jour au LP !, notent les professeurs. Aujourd’hui, nous dénonçons une réforme à pas forcés et dans l’urgence, qui creuse les inégalités entre lycéens en fonction de leur cursus, qui démantèle le lycée professionnel en poussant un peu plus nos élèves vers un parcours de formation en entreprise en faisant la soustraction des savoirs et de l’éducation à la citoyenneté. »
Autre sujet d’inquiétude, le rôle et les missions du responsable du bureau des entreprises en lycée professionnel créé à la rentrée 2023. « Il existe, on l’a vu à la rentrée », ironisent les professeurs, qui voient là « une épée de Damoclès » sur leurs têtes.
« Avec le concours de la Préfecture et des acteurs économiques locaux, il va faire un audit des cursus qui fonctionnent sur le bassin et ceux qui attirent moins. Potentiellement, on va avoir droit à des ouvertures ou des fermetures de filières, on est dans l’expectative… Le gouvernement souhaite fermer les formations ciblées comme non insérantes dans le secteur géographique. Pour un bassin rural comme le nôtre en sud Aveyron, il est difficilement adaptable et fortement préjudiciable au choix d’orientation de nos élèves et au développement d’activité dans le bassin ». « Quelles sont les formations insérantes ? BTP, petite enfance, aide à la personne, hôtellerie-restauration, commerce, sécurité, mécanique auto… ? », demandent les professeurs, qui craignent que l’offre de formation à Millau et en sud Aveyron se réduise comme une peau de chagrin, accentuant « une sensation d’injustice ».
Sans compter l’impact que pourraient avoir ces choix sur la prochaine Dotation Horaire Globale (DHG) qui doit être annoncée au mois de janvier…