Opinion

Opinion. « Un drôle de poisson d’avril »

Ceux qui comme moi, avançant dans l’âge, ont connu des premier avril où l’on découvrait des gens « très bien » qui se promenaient, en toute innocence, avec un poisson en papier pendu dans le dos, où les nouvelles les plus délirantes faisaient la une des journaux ou des radios et d’une façon générale où chacun essayait de faire avaler aux autres quelques inventions, ont du mal aujourd’hui à retrouver cette atmosphère cordiale et bon enfant.

Il me semble que ce temps est un peu révolu. Peut-être que ceux qui ne savent pas vivre sans portable, tablette ou autres trouvent, ce jour-là, dans les réseaux sociaux des satisfactions que j’ignore.

Toujours est-il que cette année le 1er avril nous a apporté une nouvelle, qui, compte tenu de sa nature et de sa portée, pourrait passer pour « poisson », mais qui hélas va perdurer au-delà de cette date pour ajouter une couche supplémentaire à l’empilement des réglementations et contraintes dont nos gouvernants ont le secret.

Il s’agit de l’audit énergétique.

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Obligatoire au 1er avril 2023.

Qui est concerné ?

Depuis le 1er avril, il est imposé à tout propriétaire de maison individuelle ou d’un immeuble collectif propriété d’une seule personne, dont le bilan énergétique ou d’émission de gaz à effet de serre est classé F ou G, destiné à la vente de réaliser un audit énergétique. Suivront en 2025 les immeubles classés E. Cet audit doit être réalisé avant toute proposition de vente et doit être présenté dès la première visite. Cette analyse doit présenter un état des lieux détaillé de l’immeuble et de sa performance énergétique et environnementale. Le grand mot est dit: environnementale ! Cette étude, qui, en fonction de l’importance du bien, risque de coûter plusieurs milliers d’euros, sera à la charge du vendeur et devra présenter des scénarios pour améliorer la performance énergétique et donner une estimation du montant des travaux pour y parvenir.

Concrètement cela revient, dans une négociation immobilière entre un candidat acheteur d’un bien concerné par cette réglementation et un vendeur à permettre au candidat acquéreur de négocier le prix de vente diminué du montant des travaux chiffrés par le diagnostiqueur.

On peut facilement imaginer que les candidats acquéreurs ne laisseront pas passer une si belle occasion pour imposer leurs conditions dans la transaction. En outre, et c’est là une absurdité supplémentaire, l’acheteur du bien qui aura ainsi bénéficié de l’étude gratuitement et des évaluations et conseils en matière de travaux ne sera pas tenu de les réaliser après être devenu propriétaire ! Le vendeur a perdu des sommes qui peuvent s’avérer importantes et l’environnement n’a rien gagné !

Cette nouvelle réglementation appelle de ma part une autre observation. Si les immeubles classés « Monument historique » ne sont pas concernés, pour le moment, il n’en reste pas moins que le patrimoine bâti de notre pays présente des constructions que l’on peut qualifier de « maisons de caractère » dont l’aspect extérieur ne permet pas d’envisager une isolation en façade sans risque de dommage esthétique et dont les dispositions intérieures ne permettent pas non plus de réaliser les travaux sans dénaturation du cadre. En effet il n’est pas envisageable de couvrir de la pierre de taille, du colombage, de la brique avec du polystyrène. De même lorsqu’à l’intérieur de l’immeuble les plafonds sont à trois mètres et au-delà peut-on cacher des corniches en staff, une rosace, en implantant un nouveau plafond isolant ? Peut-on isoler des murs à l’intérieur quand figurent des lambris en habillage ? En matière d’isolation il existe donc, dans nombre d’immeubles anciens, des impossibilités de réaliser ce qui ne devrait être que souhaitable surtout quand on sait à quel point ce type de problème n’a pas d’effet significatif sur l’évolution du climat.

Mme Ursula Von Der Leyen l’a proclamé : « Ensemble, nous ferons de l’Europe le premier continent climatiquement neutre ! »

Et pendant ce temps, les pays émergents construisent de nouvelles centrales à charbon, ouvrent de nouvelles mines et seront dans les années qui viennent de plus en plus consommateurs d’énergies carbonées pour assurer leur développement alors qu’ils représentent plus de la moitié de la population de la planète ! Mme Von Der Leyen en déclarant cela a oublié qu’elle était allemande et que son pays préfère pour fabriquer son électricité le gaz ou le charbon à l’atome.

Une fois de plus nous voulons être et nous serons exemplaires pour quel bénéfice ?

Me Jean-Louis Esperce,
Ancien maire de Millau

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