Invité par l’ACSA, l’ancien bibliothécaire de la Vaticane et conservateur des Archives secrètes du Vatican sera à Millau ce jeudi 16 février 2023. A 15h, dans la salle René Rieux, Monseigneur Jean-Louis Bruguès, archevêque-évêque émérite d’Angers, tiendra une conférence sur les prestigieux lieux et précieux ouvrages et collections de la BAV (Bibliothèque apostolique vaticane) et de l’ASV (Archive secrète du Vatican) dont il a été le bibliothécaire et l’archiviste du 26 juin 2012 au 26 juin 2018.
Lorsqu’il accueillait des visiteurs, le prélat les conduisait à la Salle Sixtine, du nom du pape Sixte Quint. Réalisée par l’architecte Domenico Fontana entre 1587 et 1589, la Salle Sixtine mesure 70 mètres de long sur 15 mètres de large.
Cette salle qui est « l’espace le plus vaste de Rome peint à fresque, en dehors des églises » comprend deux nefs parallèles. Sur le côté gauche, figurent les « Grandes Bibliothèques de l’Antiquité : Jérusalem, Babylone, Athènes, Alexandrie, Rome » et de l’autre, se trouvent évoqués « les Conciles œcuméniques des premiers siècles : Ephèse, Nicée, Chalcédoine, Constantinople ». Au centre, une allée de sept piliers où sont représentés les inventeurs de l’écriture sépare les deux nefs.
Si le pape Sixte Quint a procédé à son agrandissement et à son embellissement, la BAV a été fondée par le pape Nicolas V vers 1450 et inaugurée le 15 juin 1475 par le pape Sixte IV.
La BAV possède une autre salle remarquable, la salle Léonine, mise à la disposition des chercheurs par le pape Léon XIII depuis 1892 et une troisième salle pour les périodiques, ouverte en 2002.
En plus de ces trois salles, des laboratoires destinés à la restauration et à l’entretien des manuscrits anciens et des imprimés font partie de la BAV.
La Vaticane s’étend le long de cinquante-quatre kilomètres de rayonnages qui recueillent environ un million et demi de livres et plusieurs milliers de gravures. Si, à la mort du pape Nicolas V, le 24 mars 1455, la BAV possédait 1200 manuscrits, elle en compte aujourd’hui plus de 150.000 ! Aucune bibliothèque n’en possède autant.
Autres richesses de la BAV, « sa somptueuse collection de médailles unique au monde » et surtout les 9 200 incunables (productions typographiques imprimées du XVIe siècle), qu’elle a rassemblés depuis sa création.
Voulant résolument être une « bibliothèque moderne », elle a continué de s’agrandir au cours des siècles, notamment avec la salle Pauline sous Paul V (1605-1621) et la galerie Clémentine sous Clément XII (1730-1740), en outre, elle est toujours alimentée en tant que « bibliothèque universelle et humaniste ». Ainsi la BAV possède le plus vieux manuscrit complet de la Bible en grec datant du IVe siècle. Elle détient aussi le papyrus écrit il y a dix-huit siècles qui comprend la fin de l’évangile de Luc et le début de l’évangile de Jean, mais aussi, « des extraits des épîtres de Paul et de Pierre ». Ces documents sont les plus anciennes versions du Nouveau Testament. Elle possède aussi l’unique manuscrit de l’Ethique de Spinoza, le livre VI de La République de Cicéron, un manuscrit du Ve siècle des textes de Virgile ayant appartenu au Moyen-Âge à l’abbaye de Saint-Denis et la splendide Bible de Ripoll réalisée entre 1015 et 1020 et « illustrée de très riches enluminures ».
Mais la BAV possède d’autres trésors comme en a témoigné Montaigne lors de sa visite le 6 mars 1581. Il a pu admirer un exemplaire des Déclamations de Sénèque l’Ancien, un livre de Chine de l’époque des Ming, intitulé Le Sommaire du miroir historique, la nouvelle Bible polyglotte d’Anvers dédicacée par le roi d’Espagne Philippe II au pape Grégoire XIII.
De son côté, comme la BAV, les Archives secrètes du Vatican (ASV) recèlent des trésors inestimables qui, à sa création, étaient conservés dans des secrétaires (du latin « secretum » : secret). Dans les 87 kilomètres de rayonnages des ASV, se trouvent par exemple : un papyrus remontant à l’an 200, un rouleau de parchemin de 60 mètres de long relatant les interrogatoires des Templiers, les minutes du procès de l’astronome Galilée, la bulle papale de Léon X prononçant en 1521, l’excommunication de Martin Luther, le « somptueux parchemin du 12 juin 1530 qui porte les 85 sceaux » des membres de l’assemblée réunie par le roi d’Angleterre Henri VIII afin d’ appuyer sa requête adressée au pape Clément VII, le 13 juillet 1530, pour faire annuler son mariage, les huit feuillets du manuscrit de « La Divine Comédie » de Dante illustré par Sandro Botticelli, etc.
Mais encore elles recèlent des millions de documents qui n’ont jamais pu être consultés par les chercheurs, car ils sont postérieurs à 1939, puisque « la règle veut que les documents soient conservés à l’abri des regards durant sept décennies avant d’être dévoilés ». Ainsi, en 2006, Benoît XVI a permis de travailler sur les pièces parues avant la fin du pontificat de Pie XI, le 10 février 1939. Le pape François aurait l’intention d’ouvrir la période 39-45. Quand il était archevêque de Buenos Aires, il déclarait dans un livre : « Qu’on ouvre les archives et que tout soit tiré au clair. On verra alors ce qu’il en est et, s’il y a eu des erreurs, nous devrons les reconnaître ». De son côté, Jean-Louis Bruguès qui est favorable à la transparence sur cette période avance : « Si on ouvre, il faut que ce soit la totalité des documents. Cela permettra de faire toute la lumière ».
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Mais qui est Jean-Louis Bruguès ?
Il est né le 22 novembre 1943 à Bagnères-de-Bigorre (Hautes-Pyrénées). Après avoir fait ses études secondaires à Béziers, il obtient successivement, à Montpellier une licence et une maîtrise en sciences économiques en 1965, un diplôme en sciences politiques à l’IEP Paris en 1966, puis un diplôme d’études supérieures en sciences politiques à Strasbourg en 1972. Jean-Louis Bruguès réussit à l’écrit du concours de l’ENA, mais il ne se présente pas à l’oral, car il prononce ses vœux comme religieux dominicain, le 2 octobre 1972.
Il est ordonné prêtre le 22 juin 1975. Prieur du couvent des Dominicains à Toulouse, puis à Bordeaux, il devient Prieur de la province de Toulouse. De 1976 à 1997, il enseigne la théologie morale générale à l’Institut catholique de Toulouse, puis à l’université de Fribourg en Suisse. A l’invitation du cardinal Jean-Marie Lustiger, il est prédicateur des conférences de carême à Notre-Dame-de-Paris de 1995 à 1997. Il est nommé évêque d’Angers le 20 mars 2000. Le 10 novembre 2007, il est élevé à la dignité d’archevêque. Devenu Docteur en Théologie, il est nommé au Vatican, secrétaire de la Congrégation pour l’éducation catholique. Il rejoint Rome le 28 janvier 2008. Le 26 juin 2012, il est désigné bibliothécaire de la Vaticane et conservateur des Archives secrètes (privées) du Vatican. Il est relevé de ses fonctions exactement six ans après le 26 juin 2018. Ayant presque atteint l’âge de la retraite théorique des évêques, 75 ans, il se retire à Béziers. Néanmoins, il continue d’être très actif en répondant à des demandes de voyages, de conférences, de retraites, de sermons, de cours, d’aides aux églises locales à mettre en valeur leur patrimoine culturel, mais aussi il souhaite « inviter les artistes, quelles que soient leurs convictions personnelles, à retrouver les chemins de la création de l’art sacré ».
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Bernard Maury,
Membre de l’ACSA
[box type= »infi » align= » » class= » » width= » »]Ce jeudi 16 février, après la conférence à la Salle René Rieu, Jean-Louis Bruguès dédicacera son remarquable livre, intitulé « La Bibliothèque monde. La Vaticane et les Archives secrètes ».[/box]