Il y a longtemps que la place d’honneur du parc de la victoire n’avait pas été aussi remplie. Ce vendredi, les Millavois étaient venus en nombre pour la commémoration de l’armistice de la guerre 14-18.
Des élèves des établissements publics et privés ont lu des témoignages de proches et de Poilus de la Première Guerre mondiale.
Puis c’est Michel Durand, premier adjoint à la Ville de Millau en charge des anciens combattants qui a prononcé un discours teinté d’émotion.
« En ce dimanche 2 août 1914, à Millau comme dans tout le pays, les cloches ont sonné. La France appelle à la mobilisation générale, décrétée la veille. Les épouses et les enfants accompagnent les citoyens devenus soldats par la force des événements et les séparations sont douloureuses. Lueur d’espoir, la guerre sera courte dit-on… Elle fut la plus cruelle et la plus effroyable des guerres. Ce fut le grand massacre. On y utilisa les gaz qui feront des ravages, on y lança des tonnes d’obus, labourant les ventres et défigurant les visages, on contraint les hommes à vivre plusieurs mois dans des tranchées insalubres, envahies par les rats, la vermine, la fièvre espagnole… On y mourra autant des maladies, du froid et de l’humidité que des combats.
Sur un front qui s’enlise, la peur chevillée aux ventres, les journées sont longues. La puanteur et la mort, faucheuse infatigable, sont omniprésentes. C’est « l’enfer des tranchées »! « Ce que nous avons fait, c’est plus qu’on ne pouvait demander à des hommes et nous l’avons fait », écrira l’académicien récemment « Panthéonisé » Maurice Genevoix acteur et témoin de cette tragédie humaine. C’était ça la Grande Guerre. Difficile d’envisager de telles conditions dans le confort de nos vies actuelles, mais qui permettent peut-être de comprendre certains comportements d’alors.
Quatre longues années plus tard, avant même les premières lueurs de l’aube, dans un wagon aménagé pour l’occasion une page d’Histoire s’écrivait dans la clairière de Rethondes, dans la forêt de Compiègne. L’Armistice de la Première Guerre mondiale était signé. Il était 5h15, nous étions le 11 novembre 1918. Quelques heures plus tard, à 11h, le « cessez-le-feu » sonne sur tout le front mettant un terme à la guerre scellant la victoire des forces de l’entente. Dans toute la France, les cloches sonnent à la volée. La Première Guerre mondiale venait de prendre fin. Mais comment parler de victoire lorsque l’on dénombre dans notre pays 8 millions et demi de morts, cela représente 900 tués par jour, un quart des hommes de 18 à 35 ans sont morts dans ce conflit, une génération détruite, 21 millions de blessés, 6 millions d’invalides, 4 millions de veuves, 8 millions d’orphelins ?
Depuis, le 11 novembre est devenu un jour de mémoire ainsi qu’un moment d’unité nationale et de cohésion autour de ceux qui donnent leur vie pour la France, de ceux qui la servent avec dévouement et courage. Votre présence citoyenne ce matin, toutes générations confondues, témoigne de votre attachement à cette commémoration et je m’en réjouis.
Car c’est à nous qu’il appartient aujourd’hui d’entretenir le souvenir de toutes les victimes et de leurs familles. D’honorer la mémoire des victimes bien sûr, mais également de l’associer à la connaissance des causes, des circonstances et des conséquences de cette guerre. C’est un devoir nécessaire pour notre avenir. Il est en effet toujours nécessaire, en particulier aujourd’hui où le bruit des armes se font entendre aux portes de l’Europe, d’expliquer en quoi la connaissance du mécanisme qui a mené à un conflit mondial est vitale pour comprendre notre temps présent. Dans ce monde où de nouveaux dangers nous menacent sur le plan militaire, face à tous les terrorismes, et aussi sur les plans économiques, financiers, technologiques, et environnementaux, il nous faut être vigilants et déterminés dans la défense de nos valeurs et de nos libertés.
« L’Histoire ne s’apprend pas par cœur, elle s’apprend par le cœur », disait l’historien Ernest Lavisse. Aussi, c’est dès le plus jeune âge qu’il faut enseigner l’Histoire, l’Histoire de France, bien sûr, mais aussi celle de l’Europe et démontrer aux plus jeunes que la guerre et la haine entre les peuples ne sont pas une fatalité. Leur parler de coopération, de réconciliation, et surtout de paix dans un monde en perpétuel recommencement.
Lucide au soir du 11 novembre 1918, Georges Clémenceau aurait confié « nous avons gagné la guerre et non sans peine. Maintenant il va falloir gagner la paix, et ce sera peut-être encore plus difficile. » Il parlait vrai. S’il nous fallait tirer une leçon en nous recueillant chaque année au pied de ce monument aux Morts c’est bien que la paix n’est jamais acquise. Elle se mérite et se protège en permanence. C’est en allant vers la mer que le fleuve est fidèle à sa source », disait Jean Jaurès assassiné le 31 juillet 1914, trois jours avant le début du conflit. C’est aussi en transmettant notre Histoire que nous conserverons la paix.
Encore un grand merci aux enseignants pour le devoir de mémoire de ce vendredi avec tous les élèves des établissements scolaires millavois. Être fidèle à tous ceux qui sont morts pour la France et commémorer leur courage, c’est construire l’Europe pour construire la paix. C’est en conservant cette paix que nous serons fidèles à tous ceux qui, civils et militaires, sont tombés hier comme aujourd’hui et à tous ceux pour qui le 11 novembre 1918 sonna comme une délivrance.
Tournons-nous vers l’avenir sans oublier le passé. Vive la République et vive la France ! »
C’est ensuite André Joachim, sous-préfet de Millau qui a lu le message du ministre des Armées, Sébastien Lecornu. Un hommage a également été rendu à deux soldats morts pour la France depuis le 11 novembre dernier au Mali : le maréchal des logis-chef Adrien Quélin et le brigadier-chef Alexandre Martin.
La cérémonie s’est poursuivie par le traditionnel dépôt de gerbes, avant de se conclure par la Marseillaise interprétée par les enfants des écoles de Millau.