Causses et vallées

A propos du monument aux morts d’Aguessac (1926)

Au lendemain de la Grande Guerre, nombreuses étaient les communes d’Aveyron à vouloir rendre hommage à nos héros glorieux tombés sur les champs de bataille, aussi des comités se constituaient en vue de faire ériger un monument en leur honneur, par souscription publique.

Le village d’Aguessac qui comptait 573 habitants en 1926 devait en faire de même, et la réalisation fut confiée à Auguste Verdier (1871-1948), notre statuaire millavois qui avait déjà érigé d’autres œuvres dans la même veine tel le monument aux Morts de Meyrueis (1920), Nant (1921), Roquefort-sur-Soulzon (1922), ou encore à Rivière-sur-Tarn (1923). On retrouve aussi une de ses œuvres réalisée en 1921, au cimetière de l’égalité de Millau : le lanceur de grenade, sur la tombe de Marius Bessière, mort au champ d’honneur le 15 avril 1915.

Au cimetière de Millau sur la tombe de Marius Bessière. (DR)

Amédée Baldeyrou, nouvellement élu maire de la commune le 17 mai 1925 suivait ce projet de près, c’est même lui qui avait offert à la municipalité l’emplacement où allait s’élever ce monument.  L’œuvre projetée devait se finaliser aux premiers jours de l’été 1926.

Rappelons avant de revenir au monument le nom des soldats d’Aguessac mort pour la France : Alauzet Victorin, Alric Justin, Armand Emile, Barnier Basile, Barnier Léonce Jean, Belory Antoine Marius, Biau François, Bion Louis, Belory Eugène, Bonnemayre Louis, Brouilhet Henri, Brouillet Adrien, Covinhes Jules, Costeraste Baptiste, Fabry Jules, Belory, Fau Antoine Jules,, Forestier Marcel, Froment Auguste, Langier Justin, Malaval Jules, Nougarède Henri, Pelissier Joseph, Raynal, Raynal Gabriel, Raynal Paul, Rendu Fernand, Unal Joseph Félix, Unal Marius, Tournemire Jean-Louis, Verdier Joseph.

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Soldats nés à Aguessac inscrits dans d’autres communes : Alauzet Victor à Sévérac-le-Château, Galzin Emile, Galzin Marcellin, Grezes Victorin, Grezes Justin, Héran Joseph, Jammes Auguste-Louis tous à Millau (D’après le livre d’or de l’Aveyron publié par Emile Vigarié en 1922)

Début juillet « vient d’être hissé sur son piédestal le Poilu du Monument aux morts de la Grande Guerre. Le sculpteur Verdier va parachever son travail dignement exécuté et le 15 août prochain, paraît-il, aura lieu l’inauguration dudit monument » (L’Auvergnat de Paris, 10 juillet 1926)

Carte postale. (DR)

L’inauguration du monument fut fixée au dimanche 22 août 1926.

Comme nous le rappelle Bernard Maury : « Le monument aux morts se trouve sur le côté droit de la route Nationale 9 en venant de Millau (en face l’église). La statue du « poilu », datée de 1926, se dresse sur un piédestal dont on peut faire le tour pour remarquer l’équipement complet du fantassin : cartouchières, gourde et musette. Le « poilu » semble monter à l’assaut, mais il est arrêté net dans son élan par une balle reçue en pleine tête. Il porte sa main gauche à son casque à l’endroit de sa blessure mortelle, en lançant vers le ciel un regard désespéré où se lit l’étonnement. A ses pieds, l’inscription résume froidement la scène : « Tué à l’attaque ». C’est une hypothèse. Mais peut-être que l’artiste a repris dans cette œuvre le geste du bras gauche du « bleuet » du cimetière de Millau qui maintient simplement son casque en arrière pour l’empêcher de tomber sur les yeux. Par son attitude, le « poilu » ressemble à celui du monument aux morts de la Malène qui est également une œuvre exécutée en 1926 par Auguste Verdier. » (Sur les traces d’Auguste Verdier, Millavois.com, 8 juillet 2018)

Le monument. (DR)

Dans l’esprit de l’ « Union sacrée » de 1914, que pourtant les élections de 1924 avaient sérieusement malmenée, la cérémonie associa assez étroitement la religion et la patrie.

A 10 heures du matin, eut lieu à la Mairie la réception des autorités : le sous-préfet, les députés Balitrand et Molinié, le commandant Pébay, du 15e d’Infanterie de Rodez, le capitaine de gendarmerie.

On avait annoncé aussi la présence des sénateurs Monsservin et Massabuau et du député Borel, mais ils durent sans doute s’excuser.

De la Maison commune, on se rendit en cortège à l’église, où fut célébrée, accompagnée de chœurs de circonstance, une messe solennelle à l’intention des Morts de la Guerre. Ces faits sont rappelés dans le journal de l’Auvergnat de Paris : « A 10h.30, messe à laquelle assistaient les autorités civiles, militaires et une foule nombreuse qui n’a pu trouver place dans l’église. A l’évangile, M. l’abbé Anthérieu, curé de Laissac, grand mutilé de guerre, en termes éloquents et sublimes a glorifié le patriotisme, la bravoure et la foi des héros tombés au champ d’honneur. »

A la fin de l’office, on n’eut que quelques pas à faire pour gagner l’emplacement du monument et procéder d’abord à sa bénédiction : « Après la messe, le cortège va se ranger autour du monument, décoré avec le meilleur goût, que bénit M. le curé d’Aguessac. Les orphelines de guerre : Juliette Deltour, Marcelle Vernhette, M.-L. Andrieu, représentant respectivement la France, l’Alsace et la Lorraine, interprètent de façon parfaite une poésie : « Aux morts de la Grande Guerre », composée par une personne de la localité. » (L’Auvergnat de Paris, 4 septembre 1926).

« Bien des larmes coulèrent » dit le compte-rendu, à la nouvelle allocution de l’abbé Anthérieu, puis à la lecture du poème des trois orphelines, enfin lorsque les hommes de la paroisse entonnèrent une prière chantée en chœur pour les Morts.

Le jour de l’inauguration (26 août 1926) (DR)

Dans le silence et le recueillement, l’auditoire a écouté et applaudi les huit discours éloquents et patriotiques ouverts par l’abbé Anthérieu.

Ensuite, l’adjoint Arlabosse, président du Comité du monument prit la parole,  suivi, dans l’ordre,  du maire Baldeyrou, du député Molinié, Richard, président de la fédération des mutilés de guerre, du député Balitrand, du commandant du 15e R.I. Pébay, du sous-préfet de Millau Boisdé.

La photo que nous présentons de l’inauguration nous monte le maire A. Baldeyrou, prononçant son allocution. Derrière lui sont assis, de gauche à droite, le commandant Pébay, le sous-préfet Balitrand (en canotier) et Molinié (en chapeau mou) : ces deux adversaires politiques, élus ensemble deux ans plus tôt grâce au scrutin de liste départemental, n’avaient sans doute que peu d’occasions de se trouver ainsi côte à côte.

Pour ne froisser aucune susceptibilité, des chœurs de chant bien exercés ont fait entendre trois cantates, dont une religieuse et deux patriotiques. A la tombée de la nuit, belle illumination autour du monument devant lequel ont défilé tous les habitants d’Aguessac et leurs invités.

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Signalons que le monument aux morts d’Aguessac, dont la grille a été enlevée durant l’été 1994, porte 32 noms de tués en 14-18, auxquels on ajouta trois de 1870-71 et quatre de 1939-45.

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Signalons aussi qu’un mois à peine après l’inauguration du monument, le maire A. Baldeyrou devait décéder au cours d’une cérémonie qui aurait dû être plus heureuse, c’est-à-dire en plein mariage : « Lundi 27 septembre, à 10 heures, M. Amédée Baldeyrou, maire, se rendait à la mairie, pour procéder à la célébration du mariage de M. Louis Glaye et de Mlle Blanche Sarrouy. La cérémonie terminée, il adressa ses vœux de bonheur aux nouveaux époux et embrasse la jeune mariée. Aussitôt il tombe inanimé, frappé d’apoplexie foudroyante. Malgré les soins les plus empressés, il n’a pas repris connaissance. Cette mort soudaine a vivement impressionné et attristé toute la population d’Aguessac, et particulièrement les nouveaux mariés et leur cortège, dont faisait partie M. Baldeyrou » (L’Auvergnat de Paris, 2 octobre 1926). Il sera remplacé par Victor Arlabosse qui était jusqu’ici son adjoint.

Marc Parguel

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