Causses et vallées

Jouquemerle : son moulin et son pont disparu

Jouquemerle se situe sur la commune de la Roque-Sainte-Marguerite (Gorges de la Dourbie) quelque 100 mètres en aval du ravin d’En Garenne lequel marque la limite des départements du Gard et de l’Aveyron. « Dans sa forme actuelle, le nom de Jouquemerle écrit avec ou sans s signifierait le perchoir du (ou des merles) », mais comme l’indiquait Pierre-Edmond Vivier, il faut se méfier de certaines étymologies trop faciles. Ne dit-on pas que Corp dérive de Corbeau ? Alors qu’en réalité il dérive de gouorp : gourg. Décidément ces noms de lieux proches des rivières évoquent bien des noms d’oiseaux. L’endroit fut habité depuis un temps immémorial et un moulin y fonctionna. Des Veyrier, puis des Bieysse l’exploitèrent, au XVIe siècle, des André le tinrent aussi.

Situé sur la rive gauche de la Dourbie, piémont du causse du Larzac, ce Moulin remplaça l’ancien moulin situé sous Saint-Véran, et à partir du XVIe il fut tenu par les André originaire de la Roque ; les André meuniers de Corp depuis 1406 jusqu’en 1930, appartenaient eux aussi à cette famille : « Paul Martial Laurens de la Bouteille épousa en 1795 l’héritière des André de Jouquemerles »(J.-L.Delpal, St Véran et les Montcalm, p.13).

Les grains que l’on y amenait moudre provenaient du causse du Larzac, mais aussi du causse Noir.

Au XIXe siècle, comme nous le rappelle P.-E.Vivier : « Ces lieux appartinrent aux Laurens, famille notable de la région, alliée aux Roussillon, aux Barrandons, etc. Un de ses membres, l’abbé Léopold Laurens, fut curé du Bourg (dans la vallée du Trébans) de 1890 à 1926. Son frère, Louis-Maurice, médecin établi à Naves (canton de Cassagnes-Begonhès) se maria à Flavin, et parmi ses descendants figure M. Jean Laurens, notaire ancien maire d’Entraygues-sur-Truyère. »

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Les André l’acquirent aux Maurel le 8 février 1935 ; lesquels le tenaient par héritage des Laurens. Ces derniers possédaient aussi le domaine du SÒT sur le causse du Larzac.

Lors d’une crue en 1910, une pierre ayant cédé, la chaussée en demi-cercle (en voûte) s’effondra et marqua la cessation d’activité du moulin. Les meules et les restes d’une installation ayant servi notamment à extraire l’huile de noix subsistèrent encore de nombreuses décennies au-dessous de la maison de M. André, mais l’inondation de 1994 fut fatale, elle noya toute la mécanique. Les engrenages, poulies, meules sont désormais en place, mais emmêlées et recouvertes en partie de terre d’alluvions.

Jusque vers 1918, le moulin était un relais de chevaux entre Saint-Jean-du-Bruel et Millau.

Après  que la crue de 1910 ait emporté la chaussée du moulin, celle du 31 octobre 1963 fera disparaître le pont à 3 arches qui reliaient les 2 rives de la Dourbie.

© Des Millavois parlent aux Millavois

Le pont était situé quelques pas en aval des maisons. Comme on peut le voir sur cette photo, il était de lignes fort élégantes et même graciles, mais ce n’était ni un défaut ni une faiblesse, car il était conçu pour opposer le moindre obstacle possible à l’écoulement des eaux. Il était même dénué de parapets, peut-être emportés lorsque quelques crues anciennes, et des blocs de pierre jalonnaient seulement les bords du tablier. Si cet ouvrage d’art finit par succomber aux assauts de la rivière, peut-être doit-on incriminer un certain défaut d’entretien consécutif à la désertification du pays. La date de 1862, marquée sur une pierre du pont effondrée indiquerait-elle la date de construction de celui-ci ?

Depuis, c’est une passerelle submersible qui a été mise en place, et qui permet de relier les deux rives, elle date de 1986.

Pour terminer, citons cette légende longtemps entendue dans les familles du coin : « Le maire de Jonquemerle a le pouvoir d’enlever des années ! » Bien que Jouquemerle n’ait jamais été chef-lieu de commune, un de ses occupants Laurens fut maire de la Roque-Sainte-Marguerite, et lors de ses fonctions d’officier d’état civil, il aurait commis un lapsus calami qui aurait rajeuni un administré. Il n’en fallait pas plus, pour faire naître une légende.

Marc Parguel

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