Opinion

Opinion. « Des vautours nocturnes ? »

Nous voudrions réagir à la nouvelle offensive de la FDSEA contre les vautours. Précisons que nous sommes éleveurs de brebis laitières et de vaches Aubrac sur les grands causses, et que nous côtoyons les vautours quasiment chaque jour depuis une bonne vingtaine d’années. Or nous n’avons jamais eu aucun problème avec les vautours.

Nous avons une placette agréée pour déposer nos brebis mortes. Il y a par ailleurs un dortoir d’été à 500 m de la bergerie : les vautours rentrent chaque soir se percher dans les pins du vallon pour y passer la nuit. Les brebis pâturent sur parcours de jour à l’automne, de nuit l’été, en parcs clôturés ; quant aux Aubrac, elles sont en plein air intégral, vêlage compris. Voilà donc que ces volatiles seraient devenus « prédateurs », et en plus nocturnes (cf. courrier de MM. Viala et Molières au ministre de l’Agriculture) ! Nous les voyons rentrer tous les soirs avant le coucher du soleil, et se lever à 9 ou 10 h du matin, en fonction de la météo et des courants d’air chaud (ascendances). Ce sont donc de gros feignants, qui ne bougent jamais la nuit !

Rappelons aussi que les vautours sont des nécrophages et non des prédateurs. Ce sont des équarrisseurs hors pair : rapides, gratuits et zéro carbone ! Ce sont aussi des culs-de-sac épidémiologiques : pour preuve, leur actuelle raréfaction en Inde cause de gros problèmes sanitaires.

Il n’y a pas de prolifération de vautours, mais une expansion géographique de leur territoire. Comme tous les animaux situés en haut de la chaîne alimentaire, leur population se régule par la disponibilité en nourriture et par les maladies (grippe aviaire cette année).

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Pour revenir dans l’Aveyron, comment se fait-il que les vautours des Grands Causses, site de leur réimplantation voilà 40 ans, s’imposeraient des dizaines de kilomètres de vol, qui plus est en terre inconnue, voire hostile, pour s’attaquer à du gros bétail, alors qu’ils dédaigneraient nos veaux, vaches, brebis et agneaux, dont ils disposent à volonté à proximité ?

Plus sérieusement, regardons les faits : premièrement, les plaintes en 2021 et 2022 viennent presque toutes de régions où le vautour est encore peu connu (Lévezou, Aubrac, monts de Lacaune, etc.), et non pas des causses où les charognards sont présents depuis des décennies. Ce n’est sans doute pas un hasard. Deuxièmement, la quasi-totalité des expertises concluent à une intervention post mortem des vautours, ce qui est logique pour des nécrophages !

En 2021 et 2022, 121 plaintes ont été déposées pour « attaques » supposées de vautours. Sur 34 expertises qui ont pu être réalisées, seules 4 ont conclu à une interaction des vautours ante mortem. Et pour ces quatre cas, il s’agissait d’animaux en état de faiblesse. Au total, depuis quinze ans, aucun cas d’interaction de vautours sur un animal en bonne santé n’a pu être prouvé (source : DDT, Direction départementale des territoires). A noter que parmi les signalements, certaines expertises n’ont même pas décelé d’indices de présence de vautours !

Si des interactions ante mortem existent, elles sont donc marginales et exceptionnelles. Elles relèvent davantage d’une dérive opportuniste sur un animal vulnérable (mise bas difficile) ou moribond. Elles ne constituent en rien un changement massif de comportement de la population de vautours. Elles ne nécessitent pas en tout cas l’orchestration de cette charge injustifiée de la part d’organisations agricoles et d’élus, relayée par des médias en mal de sensation et de titres-choc.

Pour preuve, s’agissant des trois veaux récemment exposés devant la DDT et prétendument tués par des dizaines, voire des centaines de « vautours nocturnes », les experts viennent de les disculper : ces veaux étaient morts avant leur consommation par les nécrophages !

Chantal Alvergnas et Thomas Lesay,
Eleveurs de brebis laitières et de vaches Aubrac sur les Grands Causses

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