Causses et vallées

Les chevaux de Przewalski (Le Villaret, Causse Méjean)

Direction cette semaine Hures-la-Parade en Lozère et plus précisément le hameau du Villaret. Là, au cœur du Causse Méjean dans un paysage qui ressemble fortement aux steppes mongoles évoluent les chevaux de Przewalski. Ancêtres de nos chevaux domestiques, appelés Takh ou Takhi en mongol, ce sont les seuls chevaux à n’avoir jamais été domestiqués par l’homme.

Derniers chevaux sauvages, ils ont bien failli disparaître. En 1879, alors inconnus des scientifiques occidentaux, ces équidés sont observés dans le désert de Gobi (Mongolie) par un explorateur russe d’origine polonaise, le colonel Nicolaï Przewalski. L’espèce héritera de son nom.

© Association Takh

Trapus (environ 1,40 m au garrot pour 300 kg) et dotés d’une robe isabelle (jaune orangé), ces chevaux rappellent immédiatement les fresques qui ornent les grottes de Lascaux ou celles de Niaux.

A en croire ces peintures, ces chevaux étaient donc présents à l’époque des dernières glaciations en Europe, il y a 10 000 ans. Des changements climatiques ou peut-être déjà l’action de l’homme l’ont ensuite relégué dans les steppes d’Asie.

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Alors que les nomades mongols vivaient avec ces chevaux depuis des siècles, quand l’espèce fut redécouverte en 1879, sa population a fortement décliné du fait d’une capture de grande ampleur (chasse pour sa viande notamment), mais également à cause de plusieurs hivers rigoureux.

Résultat : Dans les années 1960, l’espèce disparaît totalement de Mongolie à l’état sauvage. Seulement quelques individus ont survécu dans des zoos.

La réhabilitation de l’espèce

Comme nous le rappelle un panneau à l’entrée du site du Villaret : « L’élevage en zoo a permis de conserver l’espèce sans toutefois permettre aux mécanismes de sélection naturelle d’éliminer certaines tares. La population mondiale captive ayant de plus été réduite à treize individus reproducteurs au milieu du siècle dernier, une certaine consanguinité s’est développée. » 

© Gorges du Tarn, Causses et Cévennes

Il fallait sauver cette espèce menacée d’extinction. Pour cela, on devait réintroduire ces chevaux dans un milieu sauvage, proche de celui des steppes mongoles. A l’origine de ce projet, on trouve des personnels de la station biologique de la Tour du Valat (en Camargue), du WWF et du Parc national des Cévennes. Dans les années 1980, Claudia Fech, biologiste, a étudié depuis la station gardoise comment les chevaux de Camargue forment des groupes familiaux lorsqu’ils sont laissés en semi-liberté. Ses recherches la conduisent à l’étude du cheval de Przewalski et à la création de l’association Takh en 1990. Cette association a pour but de recréer une population de chevaux de Przewalski vivant en liberté avant de les réintroduire en Mongolie, territoire originel de cette espèce.

26 mai 2022 © Marc Parguel

Le site du Villaret a été choisi pour sa beauté sauvage, son climat (il peut y faire très chaud, mais aussi très froid) et sa ressemblance avec les steppes d’Asie centrale. Sur ce plateau calcaire du Causse Méjean traditionnellement tourné vers l’élevage de moutons, les chevaux pourront se reproduire et former un troupeau dans des conditions naturelles. L’espèce pourra ainsi prospérer une surface de près de 400 hectares.

Des parcs animaliers d’Angleterre, d’Allemagne et France sont mis à contribution.

En 1993 et 1994, les onze premiers individus sont arrivés sur le causse Méjean.

La réserve du Villaret © Marc Parguel

Sébastien Carton de Gramont, présent dès le début de l’aventure se souvient : « Le défi était de réunir toutes les conditions pour un « réensauvagement » des chevaux. Avec un minimum d’intervention humaine et donc avec les risques que comporte la sélection naturelle, prédateurs inclus… Au début, les chevaux étaient très stressés. La concurrence entre les étalons était exacerbée. Il a fallu près de dix ans pour observer des comportements plus cohérents, avec des rituels d’intimidation et de marquage du territoire qui ont mis fin aux combats violents, aux poursuites incessantes qui épuisaient les chevaux » (d’après L’épopée lozérienne des chevaux de Przewalski, Benjamin Calvez, cahiers de Midi Libre, 3 novembre 2019).

Le choix de ce site du Villaret est judicieux à double titre. D’une part, cette réserve permet aux chevaux de reconstituer des groupes familiaux, comme on l’observe au sein des autres populations naturelles de chevaux. La cohésion entre les individus à l’intérieur des groupes est indispensable pour faire face à une situation aussi stressante qu’une réintroduction en Mongolie, où les conditions seront extrêmement rudes.

D’autre part, l’élevage de ces chevaux sur ces terres participe à la conservation des pelouses sèches. En effet, le pâturage par les chevaux permet de lutter contre la colonisation par les buissons des parcelles les moins productives, qui ne sont plus entretenues.

26 mai 2022 © Marc Parguel

Après des débuts un peu difficiles, et dix ans de semi-liberté, la situation s’est stabilisée lorsque de jeunes mâles nés au Villaret sont devenus chefs de famille. Les chevaux ont retrouvé leur comportement sauvage. 22 d’entre eux se sont préparés à un long voyage en  2004-2005 vers leur Mongolie « natale ». Un véritable défi logistique pour l’association Takh qui les fait acheminer jusqu’à Khomyn Tal. Ce fut un véritable succès qui a su se pérenniser. En 2019, ce sont désormais 76 chevaux de Przevalski qui profitent des 14 000 hectares de la réserve mongole de Khomyn Tal.

Sur le site du Villaret, il y avait cette année-là, 28 chevaux de Przewalski qui vivent en petits groupes familiaux composés d’un étalon et d’une à trois juments ainsi que de leur progéniture.

Actuellement, on compte 31 chevaux qui vivent en semi-liberté sur 400 hectares !

© Marc Parguel

Ils ne sont pas toujours visibles, mais vous pouvez prendre rendez-vous avec l’association Takh qui œuvre ardemment pour la préservation de cette espèce et qui redonne vie un peu plus chaque jour au hameau du Villaret.

Grâce aux scientifiques qui les étudient et ont veillé à leur préservation, on peut dire que l’espèce si longtemps menacée d’extinction est en voie d’être sauvée. L’aridité du Causse Méjean, une association dynamique, tout est réuni ici pour réhabiliter le cheval de Przewalski, on peut dire que la Lozère lui a sauvé la vie.

Marc Parguel

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