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A propos des Saints de glace

Les saints Mamert, Pancrace et Servais se souhaitent les 11, 12 et 13 mai. Ce sont les redoutés Saints de Glace.

Il faut toujours se méfier du joli mois de mai et ne pas forcément se fier au dicton : « en avril ne te découvre pas d’un fil, en mai fais-ce qui te plaît ». Question légèreté vestimentaire, il faut faire attention, et question plantation aussi, car il continue de faire encore frisquet.

Depuis le Moyen-âge la croyance populaire est que cette période est la dernière au cours de laquelle les températures nocturnes peuvent descendre encore suffisamment bas pour entraîner des gelées.

Mais comme nous le rappellerait si besoin Jacques Bruyère lorsqu’il écrivait le 9 mai 2010 ces quelques lignes : « Rassure-toi lecteur, ça va s’arranger. Encore une semaine, même pas, et la chaleur sera là. Promis. Les épaules se découvriront, les décolletés s’échancreront, les shorts seront de sortie, pour le confort des unes et le plaisir des yeux des autres. En attendant, car il faut attendre, montrons du doigt les coupables, qui vont sévir dans les prochains jours.

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Ils sont trois. « Les trois saints au sang de navet, Pancrace, Mamert et Servais, sont bien nommés les Saints de glace, Mamert, Servais et Pancrace. Ce sont eux, les fameux saints de glace. Ne pas les confondre avec les “cavaliers”, attention ! » (Nature et Patrimoine, Laissons passer les saints de glace, Midi-Libre, 9 mai 2010).

 

Les trois saints de Glace. © DR

Paul Sébillot (1843-1918) écrivait à ce sujet : « Les froids tardifs et dangereux qui surviennent parfois vers la fin d’avril ou au commencement de mai sont, en raison de leurs coïncidences avec la fête de quelques saints, attribués à ceux-ci qui, au XVIe siècle passaient pour « gresleurs, geleurs et gasteurs du bourgeon ».

Aujourd’hui, on les désigne en plusieurs pays sous le nom de saints de glace… dans le midi Jourguet (Georges), Marquet (Marc), Troupet (Eutrope), Crouset (Croix) sont les quatre cavaliers (Croyances, Mythes et légendes de France, le ciel, les météores 1904-1906).

Il est cependant possible d’en compter cinq : “Saint-Georges (23 avril), Saint Marc (25 avril), Saint Eutrope (30 avril) ; Sainte-Croix, jour de la découverte de la Vraie croix (3 mai) et Saint Jean-Porte-Latine (6 mai) qu’on appelle ici Jeannet, un saint « qui ferme la porte du froid ». Dans le Midi, ces cinq « cavaliers » sont craints et vénérés.

Les trois saints de glace

Les saints de glace (grands chevaliers à ne pas confondre avec les cavaliers) sont donc au nombre de trois :

  • Saint Mamert que l’on fête le 11 mai
  • Saint Pancrace que l’on fête le 12 mai
  • Saint-Servais que l’on fête le 13 mai

« Saint Pancrace souvent apporte la glace ».

« Attention, le premier des saints de glace, souvent tu en gardes la trace ».

« Avant Saint-Servais, point d’été ; après Saint-Servais, plus de gelée ».

Saint Mamert de Vienne. Gravure de Diodore Rahoult (1819-1874). © DR

Il est fait référence, ici, au calendrier ancien : le 11 mai, saint Mamert (archevêque de Vienne, mort en 474) ; le 12, Saint Pancrace (martyr mort à 14 ans en 304) et le 13, saint Servais (évêque de Tongres, mort en 384). Telle est la triplette fatidique, on n’ose dire infernale. Les météorologues populaires ont observé que, durant ces trois jours (à peu près à cette période, en tout cas), la température baisse à nouveau, après, parfois un épisode de douceur. Le phénomène est avéré. Les jardiniers redoutent les 11, 12,13 mai, car c’est l’époque où les fruits sont noués, c’est-à-dire formés. Or, il suffit que pendant cette période, le gel reprenne pour anéantir une future récolte. Autrefois, le manque de fruit pouvait être synonyme de disette dans nos campagnes. Aussi ces dernières gelées nocturnes étaient redoutées des cultivateurs et en particulier des vignerons. Quand le froid fait son retour, la rime – toujours très utile dans le domaine des dictons proverbes et autres locutions aime le dire : ‘Saint Servais, Saint Pacrace et Saint Mamert, font à eux trois un petit hiver’ ou bien : ‘Pancrace, Servais et Mamert, au printemps ramène l’hiver’.

Tradition religieuse

La tradition religieuse veut que l’on prie ces Saints pour qu’ils protègent les récoltes. Car ils sont, en quelque sorte, à la fois responsables des calamités et protecteurs. De nombreux récits, pas toujours historiques, rapportent que, selon les cas, les fidèles remerciaient les saints avec des offrandes, ou alors les injuriaient et parfois même jetaient leurs statues à la rivière.

Ces faits ont été relatés par Paul Sébillot : « quelquefois les fidèles se montrent irrespectueux envers l’effigie de ceux auxquels ils attribuent du pouvoir sur les éléments. Henri Estienne raconte en 1580 que les habitants de Villeneuve-Saint-Georges ne se contentèrent pas de dire des injures à Saint-Georges (cavalier fêté le 23 avril) de ce qu’il avait gelé leurs vignes, mais le jetèrent en la rivière de Seine (d’après son livre Apologie pour Hérodote).

À une époque moderne, la statue de Saint Urbain, dans les Vosges, qui est invoquée contre les gelées, fut aussi maltraitée, une année qu’il avait gelé à pierre fendre le jour de sa fête ; les gens de Domptail lui reprochèrent, au moment où sortit la procession, de ne pas les avoir protégés, et le roulèrent dans les orties et dans la boue. Saint Sylvain ayant laissé geler les vignes que les habitants du pays avaient mises sous sa protection, ceux-ci le jetèrent dans la Vienne’ (Croyances, mythes et légendes des pays de France, Le ciel, les météores, 1904-1906).

Saint Mamert à l’initiative des Rogations. © DR

Autant vénéré que détesté, selon son rôle réfrigérant, le Saint invoqué n’avait pas un rôle de tout repos.

Aussi comme le rappelait Jacques Bruyère : « les saints se faisaient également, au sens propre, sonner les cloches, bon remède contre les gelées tardives. Une solution encore plus radicale a été suggérée en son temps par Rabelais. Le père François racontait qu’un évêque ayant remarqué que ces fameux saints de glace, fêtés au mois de mai faisaient du mal à la vigne, avait décidé de les transporter au mois de juillet. Ainsi estimait-il, ils cesserait de nuire… car des gelées en été, cela n’était pas concevable » (Nature et Patrimoine, Laissons passer les saints de glace, Midi Libre 9 mai 2010).

En résumé, il vaut mieux attendre jusqu’au dernier Saint de glace le 13 mai, Saint Servais, le plus redouté, car le tout dernier, avant de mettre ses plantations en pleine terre, car ne dit-on pas : « Avant Saint Servais, point d’été, après Saint Servais, plus de gelée ».

Marc Parguel

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