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Patrimoine millavois : le café Glacier

Situé dans un bel immeuble en pierre aux trois façades entre l’avenue de la République et l’avenue Alfred Merle (ex-avenue de la Gare), longtemps propriété d’un magistrat M. Vézinhet, et construit sur l’emplacement des anciennes « Messageries du Midi et d’Auvergne » tenues par Bimar, du temps des malles-poste, le café glacier fut ouvert de 1882 à 2002. Un établissement qui gardera ce nom pendant 120 ans ! Un record pour un café millavois.

Ouvert le jour de la traditionnelle foire du 6 mai 1882, on vit apparaître pour la première fois en lettres de zinc doré achetées chez Delpech à Toulouse « Grand Café Glacier » sur une façade, sur l’autre seulement « Café Glacier », et enfin le nom du gérant « Justin Causse » sur la troisième. La toile de tente, protectrice en toutes saisons, fut également mise en place ce jour-là.

 

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Un inventaire

Un inventaire du 4 juillet 1884 retranscrit par Georges Girard nous permet de faire un état des lieux : Aux murs de la vaste salle : des panneaux de bois peints comme les lambris et les ouvertures des portes et fenêtres, une grande glace dont les deux pièces s’encastrent entre les colonnes. Trente-deux petits rideaux blancs fournis par Genin agrémentent les grands vitrages de la devanture. Pour mobilier, quarante tables de marbre et cent vingt-quatre chaises noires qui les accompagnent.

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Dix neuf banquettes de velours rouge couvrent une surface de 39 m 50 autour de la salle. Dans un angle, un comptoir en marbre devant lequel s’adosse une imposante banquette de bois noir à fronton épousant une forme courbe, construite exprès pour l’angle où elle trouvait place. 19 portemanteaux vernis à 2 têtes. 36 tapis-moquette extra rouge et noir et 4 bancs renversés. On y voit plusieurs appareils : un Dorgaud à café d’une contenance de 150 tasses, une « pompe à bière », une machine à scier le sucre (alors livré en pain), un moulin à café volant et son brûloir à bascule. Le gaz de ville est utilisé pour le chauffage de « cheminées de cristal » et de l’éclairage d’un grand lustre en cuivre à 6 becs, d’un autre à 5 becs et de 12 bras ornés de boules opale fixés autour de la salle. Une arrière-salle, ouvrant sur un corridor, sert de cuisine et de plonge pour les verres. Dans une pièce spéciale, chauffée aussi et décorée de panneaux peints- suprême luxe- trônent un billard et ses accessoires sous deux réflecteurs opales.

Sur les tables munies chacune de deux tapis-moquette extra rouge, les jeux attendent : 2 tric-trac, 1 échec, 4 dominos et plusieurs jeux de cartes. Colonnes et plafond, par les motifs élégants des sculptures et la dorure de leurs peintures, ainsi que l’ensemble du mobilier de l’éclairage devaient créer une ambiance cossue et confortable. L’installation et l’achat du matériel coûtèrent au propriétaire Vézinhet, au total, 14.460 francs, le bail annuel fixé à Justin Causse, époux Tournier, se montait à 3.000 francs.

Les plafonds du Glacier

Ils furent conçus par le Millavois Emile Martel, un compagnon qui avait fait son tour de France et qui réalisa à cette époque les plafonds de l’hôtel du Commerce, au Mandarous, et de la sous-préfecture, employant pour ce faire le gypse des carrières de Gissac. Devant ce très beau plafond, certains clients y voyaient un magnifique gâteau à la chantilly ou une crème fouettée qu’ils dévoraient des yeux, à défaut de l’avoir dans leur assiette. Les clients fumeurs étaient nombreux aussi on faisait appel régulièrement à une entreprise de peinture tous les deux ou trois ans pour « lessiver » les murs et plafonds qui étaient pleins de nicotine (surtout au-dessus du bar).

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Ce travail était considérable à cause des nombreuses moulures. Dans les années 1960, une tapisserie fut installée avec des motifs égyptiens. Quand le café ferma ses portes, et qu’une banque vint s’y installer, les staffs du plafond n’ont pas été démolis, mais seulement recouverts par un nouveau plafond uni en juillet 2003. De 1882 à 1884, il ne semble pas que le café Glacier, malgré son très bel emplacement ait eu une grande fréquentation puisqu’il fera faillite, fermant ses portes le 12 avril 1884, mais il devait les rouvrir le 12 juillet de la même année et les garder très longtemps ouvertes.

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Pour les amateurs de musique et de sport

En 1895, le grand café Glacier était tenu par Léonce Rabe. Le café était surtout connu pour accueillir des musiciens qui animaient les week-ends millavois. Le 10 avril 1897, on pouvait lire dans la presse locale : « Nous avons assisté jeudi et vendredi soir au Café Glacier, à une séance musicale hautement appréciée par les auditeurs compétents qui s’y étaient donné rendez-vous.

Le célèbre quintette des touristes mélomanes, la famille Roland, artistes possédant réellement le talent musical, a su y faire applaudir le programme merveilleusement exécuté dans ces deux séances de jeudi et vendredi. Aussi recommandons-nous aux amateurs de bonne musique, d’aller encore ce soir, samedi, et demain dimanche, profiter des dernières séances que ces artistes émérites donneront au Grand Café Glacier » (Messager de Millau, 10 avril 1897) Janvier 1920 fut marqué par la création du Sporting-Club Millavois.

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Le premier siège social fut au café Benoît, plus tard, il se transporta au Glacier. L’établissement était tenu en 1931 par Henri Pons. Café de rencontres, il servait aussi de limite pour faire « La Monte » après 1945. Les personnes qui partaient du Mandarous et qui faisaient « la Monte » seules n’allaient pas au-delà ce café.

Celles qui allaient jusqu’à la Barrière (passage du chemin de fer) étaient souvent accompagnées. C’est au café Glacier qu’on se rendait pour voir les rencontres sportives à la télévision alors naissante au début des années 1960 dans la cité du Gant. C’est aussi le lieu qui donna son nom au « Grand Prix du Glacier », grand prix cycliste dont le départétait donné par Albert Damoiseau en avril 1970. Dans les années 70, de jeunes Millavois organisaient des matchs de rugby «Interbistro»; le Cintra, la Brasserie, le Glacier, le Club, le Benoît ; chaque bar avait son équipe et la troisième mi-temps était bien meilleure que les deux premières…

Les nuits brûlantes du café glacier

Dans les années 1970, le café glacier apparaît plus que jamais comme un lieu d’échange où se retrouvaient les copains autour de partie d’échecs, de belotte, et de tarots. Il y en a pour tous les goûts, pour toutes les bourses. Café plein de vie où Jacques Vézinhet dit « Le caouzit » gérait de main de maître cet établissement, aidé par sa femme Renée qui prenait les commandes, généreuse et avec beaucoup de cœur, mais aussi impressionnante avec son verbe et sa gouaille.

Au Bar avec Renée (1983) © DR

Son mari Jacques Vézinhet était plein d’entrain, avec un débit de parole impressionnant. C’était un homme bienveillant qui écrivait des poésies sous le nom de Jacques Laclos. Il y avait aussi François le serveur remplacé plus tard par Joël et un chien nommé Ursaff !

Renée du Glacier. © DR

Puis la gestion du café fut gérée essentiellement par Renée Vezinhet, présentée dans un magazine comme « débonnaire, cheveux blonds et regard malicieux ; Renée présente les musiciens, Renée salue un client, fait une bise à l’un, un clin d’œil à l’autre. Renée c’est la Patronne du café Glacier.

La saison d’hiver s’annonce prometteuse, les concerts nombreux, les soirées animées. Quand vous irez prendre un pot au Glacier, n’oubliez pas demander à Renée la date du prochain concert, vous ne le regretterez pas » (Millau Magazine, n°3, octobre novembre décembre 1983).

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Parfois on se retrouvait au café pour des soirées politiques animées, parfois on y faisait des parties de billard, parfois on jouait à Pac-Man, parfois c’était le lieu de rendez-vous avant de partir en boite de nuit ou après une séance de cinéma. Aussi loin que remonte mes souvenirs du temps où j’allais au Glacier, j’avais 16 ans, en 1996 et c’était Arielle la patronne assisté par Mickaël, je me souviens des concerts et d’une superbe soirée passée lors du Mondial 1998. C’était le temps où en sortant du lycée et avant de reprendre les cours de l’après-midi, on s’asseyait pour aller boire un café, comme certainement dans les années 1960, d’autres lycéens allaient y raconter leur journée et leur projet autour d’un verre de menthe à l’eau ou de limonade.

Intérieur du Glacier fin des années 1990. © DR

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