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La grotte-fromagère de Brocuéjouls

Située à environ 500 mètres à vol d’oiseau au sud – sud ouest du hameau de Soulobres, en bordure gauche du chemin forestier desservant le ravin aboutissant à Peyre, la grotte-fromagère de Brocuéjouls apparaît blottie dans la roche, rare en cet endroit, et dans la verdure envahissante.

L’entrée (DR)

L’entrée est  petite, surbaissée (0,85m de haut x 1,20m de large) cachée dans les broussailles, avec son mur de pierres et sa porte à demi enterrée qui possède encore de belles pierres de l’encadrement, au fond de son entonnoir, très certainement victime de l’élargissement du chemin, au-dessus qui manqua de peu de colmater définitivement cette cavité.

Vestiges de l’ancienne porte demi-enterrée (photo © Hélène Castelbou)

Il faut se mettre à quatre pattes pour pénétrer dans la baume. Quelques mètres après on peut se relever. Nous sommes dans une première salle qui devait servir de cave à fromage, mais aussi d’essais pour sonder la roche afin d’y déceler du minerai de plomb, et zinc dans un filon de baryte supposé être la suite de celui des gisements exploités du Lavadous, que l’on voit, depuis la piste, ouverts d’ailleurs pour une éventuelle exploitation dans ce secteur, recherches qui se sont révélées infructueuses et le projet abandonné.

Des traces de forages sont bien visibles. Laissons la plume à Maurice Labbé et Jean-Pierre Serres pour nous décrire l’endroit : « L’entonnoir, plus le début de la cavité, dans sa partie extérieure sont caractéristiques d’une exploitation minière telle que la pratiquaient les Romains. Le travail à la pointerolle est bien visible. L’entrée débouche dans une salle de cinq mètres de large, à la hauteur réduite par le remplissage venant de l’extérieur. C’est cette partie qui a dû vraisemblablement servir de cave. »  

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Un autre passage au plafond bas avant d’atteindre la grande salle. (DR)

Après un autre passage à quatre pattes, on débouche dans une plus vaste galerie dont le plafond se relève. Au fond de cette galerie, on entend couler un ruisselet d’eau. Quelques marches humides et nous avons sur notre droite un petit lac souterrain. « Tout au long de cette galerie d’une trentaine de mètres, les travaux miniers sont visibles : dépilage de loupe de minerai (cuivre), traces de pointerolle dans la roche, escalier. Un ruisselet au fond se perd dans une galerie latérale en contrebas de direction S.O. Avec la cave de Cénomes, c’est le deuxième exemple d’une cave établie dans une galerie de mine romaine. Cependant, ni l’ampleur de la mine, ni l’importance des aménagements fromagers ne sont comparables. La tradition orale concernant cette cave est très forte parmi les habitants de la région, mais étant donné le peu d’ampleur des travaux effectués, nous pensons qu’il s’agit d’une cave n’affinant, ou ne conservant, que des fromages fabriqués par des particuliers et destinés à leur usage personnel. J.Artières dans Millau à travers les Siècles (1943, p.467) cite une mention du 13e siècle concernant une cabane : en 1261, Cécile de Soulobres reconnaît détenir ledit mas, lo mas que hom appela Solobre de l’église Notre-Dame de Millau. Il est réciproquement stipulé dans cet acte, écrit en langue romane, que si ladite Cécile fait une fromagerie, elle sera tenue de payer une redevance d’un fromage par an » (L’épopée des Caves Bâtardes, p.167-68, 1999).

Au fond de la grotte, un puits plein d’eau. (DR)

On sait, par les journaux locaux de l’époque qu’au début du XXe siècle, la recherche de minerais se pratiquait autour d’Azinières et de Saint-Germain, il devait en être de même pour la grotte qui nous intéresse aujourd’hui : « L’avenir du Pays. Jeudi 7 octobre (1909), M. le secrétaire de la mairie de Saint Beauzély, au nom de la société des Mines de Saint-Germain (Millau) s’est rendu à Azinières, pour faire signer les propriétaires, pour permettre la recherche de minerais dans la localité. Déjà les différents sentiers établis le long de la route nationale entre Saint-Germain et Azinières donnent de très bons résultats. A certains endroits il y a du 30 et même du 40 0/0, ce qui est énorme. Aussi, tout récemment, un surveillant-chef nous laissait-il entrevoir un rendement très riche et un avenir, pour le pays, des plus brillants. Souhaitons que les filets de zinc ou de plomb de Saint-Germain se continuent jusque dans notre paroisse ; car cela ferait notre richesse, vu que la société s’engage à nous payer 3 francs par tonne de minerai extrait, en sus des dégâts qui pourraient être faits, et qu’ensuite le minerai se trouve ordinairement dans les terrains rocailleux et incultes. » (Messager de Millau, 16 octobre 1909).

En août 1913, M. Dulyon de Rochefort sollicite l’autorisation de faire des recherches dans les communaux de Saint-Germain. Après l’échange d’observations et avis du Préfet, vu la loi du 21 avril 1820 modifiée par celle du 21 juillet 1880, le conseil municipal donne avis favorable à M. Dulyon de Rochefort domicilié à Millau, avenue de la Gare, sous la double condition de verser à la caisse communale, une redevance de 10 centimes par hectare et la remise des lieux en leur état primitif lorsque les recherches seront terminées (Délibérations communales de Millau, 21 août 1913)

Une des parois de la grotte. (DR)

Georges Penaroya (1920-2007) qui fut l’un des premiers à détailler cette cavité l’appelant « Grotte de Soulobres-Brocuéjouls » le détaille comme suit : « L’intérieur de la grotte porte des traces de forages, elle est pénible à visiter en raison de quelques passages où la galerie est basse de plafond, le couloir est arrêté par un puits plein d’eau, dont le trop plein s’écoule par un petit ruisselet, c’est tout simplement une source souterraine, la grotte continue un peu sur la droite par un ressaut de trois mètres, à la base duquel, une autre salle a été habitée, mais il n’est pas facile de s’y aventurer, elle ne présente d’ailleurs aucun intérêt. Sur le petit réservoir ou lac intérieur, à la voûte et sur les parois, des coulées minéralisées, les unes, imprégnées de sulfate de cuivre sont très belles. Cette grotte a donc été le rendez-vous de chercheurs de minerais, avant eux par les fromagers du coin, et sans doute un abri pour les premiers hommes, mais dans tous ces cas, il semble qu’elle n’a pas donné toute satisfaction, et que ces diverses utilisations ont été de courtes durées : ce qui explique qu’elle est pratiquement inconnue par les gens du voisinage » (Les caves naturelles à fromage de brebis, 1992).

Marc Parguel

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