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Patrimoine millavois : Les porches de la rue droite

Dans le prolongement de la rue droite qui tire son nom de sa trajectoire, et qui est l’une des plus anciennes rues de Millau puisqu’elle faisait partie du chemin Mage, aménagé par les Romains (route de Rodez à Lodève), se trouvent les vieux porches qui la terminent. Le niveau si bas où apparaissent des caves montre que cette voie autrefois pavée fut recouverte à de multiples reprises par des  dallages ou des couches d’asphalte qui ont augmenté d’au moins vingt centimètres le niveau du sol.

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Edouard Mouly (Mylou du Pays-Maigre) considérait la rue Droite avec celle du Mandarous et de la Capelle comme « aristocratique » : « c’est-à-dire celles qui semblaient autrefois monopoliser le commerce de la ville. Elles affirmaient leur prééminence par la qualité de leur pavage. Elles avaient de beaux pavés carrés ou rectangulaires, tandis que leurs sœurs, plus modestes, se contentaient des gros cailloux du Tarn » (Alades, Par les vieilles rues, 1948)

On appelait au Moyen Age ces passages voûtés dans le bas de la rue droite « petite rue de las torres » (petite rue des tours). Des familles importantes y avaient en ce temps-là leurs demeures, et certaines de ces maisons conservent encore quelques restes de leur ancienne élégance.

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Cependant comme nous le rappellerait si besoin Jules Artières : « ces vieux quartiers, dont l’examen faisait naguère les délices d’un archéologue, de nos amis, n’est pas de nature à faire ceux des hygiénistes, malgré les précautions prises pour les assainir » (Millau, ses rues, ses places, ses monuments, 1924). En effet, ils furent longtemps caractérisés par des relents peu agréables.

Ce quartier du vieux Millau n’a pas subi de démolitions, contrairement à d’autres, ce qui réjouissait en son temps Léon Roux (1858-1935) : « J’ai donné dernièrement mes impressions sur les transformations qu’une petite ville de province opère au nom de ce qu’on appelle le progrès. C’est beau le progrès ; l’hygiène y gagne ce qu’y perd le pittoresque. C’est comme au jeu » (Millau hier et aujourd’hui, l’Auvergnat de Paris, 11 août 1934).

Si, aujourd’hui, on n’y respire guère plus que le passé, on retrouvera sous ces porches un patrimoine des plus intéressants.

L’habitation de Charles Saint-Martin Valogne. (DR)

Au niveau de la rue Lucien Grégoire, le premier porche rappelle au souvenir de Monsieur Charles Saint-Martin Valogne (1750-1807), qui habita cette maison, Maire de Millau en 1791, et député de l’Aveyron en avril 1792,  il se fit remarquer à l’époque de la Révolution Française pour avoir voté la culpabilité du roi Louis XVI. Cette maison qu’il habita était  autrefois surmontée d’une tour qui a été par la suite écrêtée.

Nous continuons à avancer sous les porches.

L’impasse de la place Foch (DR)

A quelques pas de là, sur le côté gauche, s’ouvre une impasse où l’on voit également au fond un vieux porche qui donne dans la cour d’une maison d’habitation, celle-ci portait au XIVe siècle, le nom de courtial d’en Guilhem Bernad, puis des Bénastruc, et, plus tard, des Aussivels, on remarquera, une statuette qui parait représenter un chevalier.

Le chevalier (DR)

Pointant du bout de sa canne le chevalier avec sa cotte de mailles (armure défensive qui protégeait le corps), Georges Girard disait en souriant : « Voyez ce chevalier, il n’a pas les yeux bien engageants, il a dû passer chez un oculiste auparavant » (Visite guidée, journée du patrimoine, 21 septembre 2002).

L’ancienneté de cette maison se remarque par sa construction en encorbellement, construction en voûte réalisée à partir d’un assemblage de corbeaux, typique des maisons en pan de bois, de l’époque médiévale. On trouve ce même type de maison au 26 rue droite.

Maison en pan de bois du Moyen-âge remplacé par des briques. (DR)

Enfin faisant jonction avec la rue Guihem Estève, nous voyons la rue Etroite.

A son sujet, Georges Girard (1919-2009) pourrait nous raconter cette anecdote intéressante : « Cette rue Etroite, ne resta-t-elle pas longtemps à cause d’une telle exiguïté, la rue « Bombe-Cul » rue si étroite que les habitants se faisant vis-à-vis, se passaient à l’occasion, d’une fenêtre à l’autre, avec la pelle du feu, la braise pour leur chaufferette, une rue qui jusqu’à une époque toute récente aboutissait au presbytère Notre-Dame, ce qui fit dire un jour spontanément à une aimable, mais un peu naïve locataire de la maison qui jouxtait l’immeuble curial et qui voulait démontrer l’étroitesse de la rue : « Oui, Monsieur, notre rue est tellement étroite qu’en ouvrant mes volets, je touche le derrière de M. l’Archiprêtre ! » . Quelle affaire pour une si humble rue, en tout bien tout honneur, vous l’avez compris ! » (Des hommes dans nos rues, découverte du Rouergue, annales 1987-1988)

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Cet ensemble de passages voûtés qui ont bénéficié d’une rénovation sous la municipalité Deruy font partie de l’âme de Millau. Si Mylou du Pays Maigre était avec nous, il nous dirait : « Quand j’en ai l’occasion, je montre à mes visiteurs tout ce qui fait l’attrait de Millau, ses jardins, ses boulevards, son délicieux lavoir, son vieux pont, ses églises, son Beffroi ; mais je n’oublie jamais de leur montrer ce qui constitue un des aspects les plus originaux de la ville, ce dédale des vieilles rues avec leurs porches, qui rappellent l’époque où Millau, cité pacifique, mais obligée de se défendre contre l’ennemi du dehors, ceinturé de remparts, utilisait au maximum l’emplacement réduit que lui laissait son corset de pierre »  (Par les vieilles rues, Alades, 1948).

Marc Parguel

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