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Patrimoine Millavois : L’adieu à Valentine

C’est en  1933, après quelques prudentes expérimentations durant les deux années précédentes d’un établissement de « sens giratoires », et sur un vote du 5 septembre, que la place du Mandarous eut son premier rond-point  qui, en réalité, était déjà un ovale.

Il était pavé et cimenté comme un trottoir de sorte qu’il pouvait servir de refuge aux piétons pour qui la traversée de la place était encore permise. Un agent de police y tournait en rond ou y battait la semelle, tout en surveillant d’un œil placide le mouvement environnant.

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Au milieu de cet œuf, on fit naître, un pylône avec trois horloges à mi-hauteur. S’inspirant de « Valentin le désossé » célèbre fantaisiste de la « Belle époque », ce triple cadran avec cette tige qui le supporte allait prendre, sous la plume de Louis Bretou le nom de « Valentine ».Signant ses articles sous le pseudo de « Jean Stéphane », dans la presse locale, il la dessinait et la faisait parler.

Pendant près de vingt ans, elle partagera la vedette avec la Marianne, le monument commémoratif de 1870, érigé en bordure de la place le 24 octobre 1897.

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Un « œuf » dessiné à son intention 

Après la Seconde Guerre mondiale, avec la circulation de plus en plus dense, on voulut dans un premier temps reculer le monument de « la Marianne » de quelques mètres, jusqu’au bord du trottoir puis le mettre au centre du Mandarous (Journal de Millau, 30 avril 1949). Même si le syndicat d’initiative applaudissait à cette idée, ce projet fut abandonné. Nos deux monuments ne devaient pas rester ensemble encore très longtemps.

On décida de positionner en haut du Parc de la Victoire « la Marianne ». Ce transfert s’effectua du 16 au 23 janvier 1950, pendant une période de grand gel. Heureusement, tout se passa sans accident. La grille qui l’entourait ne le suivra pas, mais elle sera réutilisée devant le lavoir de l’Ayrolle.

Avec l’enlèvement du Monument aux Morts, on put donner plus d’ampleur à l’ovale central. La chaussée pavée et cimentée de 1933 allait se transformer en un tertre gracieux, garni de pelouse et de massifs floraux aux couleurs chatoyantes et périodiquement renouvelés. Désormais la place du Mandarous sera entièrement dévolue à l’usage routier.

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Valentine, horloge tricéphale et unijambiste, fit la belle au centre de la demi-lune en trônant sur « l’œuf » dessiné à son intention. Mais comme nous le racontait Louis Bretou : « Valentine continua d’égrener ses heures fantaisistes, au grand dam des clients de l’Hôtel du Commerce. Le livre d’or de la maison n’en finissait pas d’enregistrer « on dort mal chez vous avec cette satanée pendule ».

Le chef-d’œuvre de Paul Belmondo

Dans les années 1950 vint la rencontre dans cet hôtel de quatre amis, dont le sculpteur Paul Belmondo. Le menu fut royal et fort apprécié, ce qui incita le maître queux de céans à exprimer sa requête : « Comme nous serions heureux de larguer cette foutue tocante à quelque brocante pour installer à sa place une de tes œuvres ».

« D’accord, répondit le sculpteur, à vous de jouer ». Un membre du quatuor, ayant ses petites et grandes entrées en haut lieu, se chargea de décrocher une commande de l’Etat.

Paul Belmondo réalisa un véritable chef-d’œuvre. Seule obligation pour la ville : prendre à sa charge le transport… Net refus du maire de l’époque. Une ville du nord de la France, dit-on accepta, sans sourciller, de profiter de l’aubaine inconsciemment refusée par la cité du gant. »

La demi-lune. (DR)

Durant près d’un demi-siècle, Valentine dispensa ses heures au gré d’une fantaisie débridée propre à déboussoler tous ceux faisant appel à ses services.

A la fin de l’année 1970, on commença à évoquer sa disparition, mais on ne voulait pas pour autant perdre l’heure !

On projette « deux parterres, et aussi une fontaine cascadant en plusieurs vasques, en trouvant le moyen de résoudre le problème de l’horloge, tout en conciliant commodité et esthétique, ce sera un nouvel obélisque ».  Le projet est accepté et en avril 1981, la vieille pendule après 48 ans de bons services allait disparaître et ce n’était pas « sans un certain « pincement au cœur » qu’on l’a vu quitter son socle où elle était encore solidement boulonnée » (Adieu vieille pendule !, Midi-Libre, 24 avril 1981)

Elle laissera place à une nouvelle stèle triangulaire épanchant ses pleurs dans un bassin de marbre.

Marc Parguel

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