Causses et vallées

Contre Pinet (commune de Rivière-sur-Tarn)

Ces caves doivent leur nom au fait qu’elles font face au village de Pinet. Elles se situent à une centaine de mètres  de la route D.907, sur la rive gauche du Tarn, et à 1 km en amont de Rivière sur Tarn. Nous nous y rendons en montant la petite côte indiquée « quartier de Contre Pinet ». Ce village est composé de 42 caves, assez bien groupées, étagées sur deux voies parallèles. Certaines sont creusées dans la terre, d’autres sur un éboulis de roches, ce qui permet de bénéficier d’un courant d’air plus frais.

Plan des caves de Contre-Pinet. (DR)

Presque chaque famille de Rivière possédait sa cave à Contre-Pinet ; beaucoup y entreposaient leur vin où il pouvait se conserver quelques années. Pour avoir de l’ombre, nos parents avaient planté de chaque côté de la porte de leur cave, un noyer, parfois un marronnier, un tilleul, un cerisier, un buis ; on y trouvait aussi une tonnelle.

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En déambulant dans ce paisible cadre, on remonte à plus de trois siècles si on est attentif à la lecture des dates gravées sur les linteaux ou les portes en voûte placées sous un pignon, les « capas » qui rehaussent leurs entrées, on est transporté dans le temps : 1688, 1714, 1720, 1779,1806, jusqu’à la restauration la plus récente du siècle dernier.

Une des plus anciennes dates, 1688, surmontée d’une croix. (DR)

Certaines sont vieilles de plus de trois siècles. Ici plus qu’ailleurs, les dates sur les linteaux foisonnent, une date a particulièrement retenu mon attention, celle de 1711 que l’on voit sur trois linteaux. 1711 apparaît aussi sur le plus beau linteau de porte entre deux tonneaux, construit en anse de panier, il porte des sculptures en relief, sur la cartouche au-dessus de la date apparaît Bacchus, le dieu romain du vin, chevauchant une barrique, outre et verre à la main, et dont le contenu, on s’en doute n’est pas de l’eau.

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Bacchus (DR)

Nous voyons aussi que toutes ces caves ont des portes solides, avec une puissante serrure et la maçonnerie encadrant l’entrée est toujours composée de jolies pierres de taille. Ainsi j’ai pu relevé les dates qui suivent sur les linteaux et quelques initiales et noms de famille : T.B.A. 1711, 1802, 1851, 1806, 1815, 1822, un nom Maury sur une porte, 1839. La plus récente date relevée est 1951, il s’agit d’une cave construite en 1809 et restaurée. Il y a encore cinquante ans, la plupart étaient bien entretenues.

Comme nous le rappellerait si besoin Marcel Portalier : « Le syndicat des eaux des Gorges du Tarn et la Mairie y ont fait installer une prise d’eau dans le centre, afin que les viticulteurs puissent plus facilement nettoyer leurs futailles. A remarquer qu’il existe plusieurs citernes intérieures. Dans ces caves, on y loge un peu moins de vin qu’au siècle dernier ; les vins rosés d’œillade ou de terret-bourret y deviennent de plus en plus rares, mais depuis quelques années on peut y déguster les vins sélectionnés de Gamay et de Jurançon…il y a 24 caves ayant à l’extérieur une table en pierre, reposant sur le sol du chemin ou fixée dans le mur ; il ne faut pas oublier que cette table rustique était souvent utilisée pour déguster le vin ou y faire la collation (vins de qualité des Gorges du Tarn). » (Les gorges et la vallée du Tarn, 1972)

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 « On y faisait bouillir le vin » raconte Jean Dardé. On y ajoutait trois grammes de sulfites et on les conservait là-bas. Certaines sont à 8°C, elles fonctionnent comme des caves à fleurines. »

Une des dernières traditions aujourd’hui disparues, se tenait le lundi de la fête votive, tous les jeunes qui avait organisé les réjouissances allaient manger le « méchoui » aux caves de Contre-Pinet.

Depuis, l’endroit, sur les hauteurs, a perdu de sa superbe. Les caves sont fermées, les toits en lauze détériorés. « Le dimanche, beaucoup y allaient, s’asseyaient sur une comporte et buvaient, s’amuse Jean Dardé. Ils faisaient aussi de la rebarbe, avec de l’eau-de-vie et elle était forte. » Il y a encore quelques années, quelques personnes âgées de Rivière les utilisaient. L’une d’elles a été aménagée en résidence secondaire.

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« Des gens aimeraient bien les retaper, mais c’est au niveau du prix que ça ne passe pas, regrette Christian Forir, maire actuel de Rivière-sur-Tarn. On pourrait faire un circuit touristique avec le village de caves, le piédestal de Fontaneilles et le château de Peyrelade. »

D’autres « villages » s’égrainent tout au long de la vallée du Tarn. Après Entre Deux Monts, auront-ils la chance, à leur tour, d’être restaurés ? Ce vœu est-il illusoire ou trop ambitieux ?

Marc Parguel

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