Causses et vallées

Puech Margue (commune de La Cresse)

Puech Margue se situe à 1500 mètres environ, au sud-est du Sonnac au pied d’un mamelon basaltique d’une hauteur de 30 mètres. Son nom signifie : Puech, sommet de colline, Margue : manche d’outil, de pioches. Dans le Bas Languedoc, le mot « Margue » désigne un travailleur de terre, un piocheur « Es un margue », « j’ai embauché un margue », le métier a pu devenir patronyme, ensuite toponyme.

Martel mentionne le mamelon basaltique (point 818) que l’on y trouve dans son ouvrage « les Causses Majeurs » publié en 1936 : « A l’extrémité occidentale du Causse Noir, M. Carrière a dépisté, vers 1925, à Puech- Margue, un pointement de basalte, analogue à celui de Sauveterre » (voir aussi la carte géologique Saint-Beauzély 1/50000, Brom, 1986).

A la base du mamelon, au sud, une étendue de plusieurs hectares de même nature semée d’amas de basalte formés pour la mise en culture ou en pâturage. Sa flore diffère de celle du terrain calcaire. Des frênes paraissent y croître spontanément. Quant aux plantes herbacées, on les compterait par centaines.

Pour le géologue et le botaniste, Puech Margue présente un intérêt exceptionnel. Sauf erreur, ce point basaltique n’est pas porté sur la carte géologique. E.-A. Martel a signalé également « des cailloux isolés de basalte au bord du sentier du Maubert à Montpellier-le-Vieux, ainsi qu’à la pointe du Causse de Sauveterre, au-dessus de Liaucous ». Proche de Puech Margue, on remarquera une grande carrière de sable dolomitique (La bresilièira), elle jouxte un four à chaux « ramier ».

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Non loin du Sonnac, un peu en contrebas et à droite de la route qui mène à Puech Margue s’étend sur plusieurs hectares une vaste dépression à fond plat sur arènes dolomitiques. Cette dépression, cultivée depuis toujours, est parsemée de gros clapas que des buis, devenus énormes avec le temps, étaient parvenus à coloniser, d’où son nom de « champ de buis ».

Sur la bordure de la parcelle, côté nord-ouest, au pied d’un modeste versant et à la faveur d’une minuscule dépression, le promeneur pouvait découvrir une petite lavogne dont le fond était tapissé d’argile rouge retenant l’eau des précipitations. A proximité immédiate, de gros buissons d’aubépines, d’églantiers et de buis la cachaient à la vue et offraient abri et nourriture aux nombreux passereaux qui venaient s’abreuver sur ce point d’eau. Tous les Cressois fréquentant le causse, et de nombreux promeneurs connaissaient la lavogne du « champ du buis », les chasseurs ne manquaient pas, à l’occasion, d’y attendre la grive à l’affût.

Durant l’automne 2002, au cours de travaux agricoles, d’importantes masses de cailloux provenant de l’arrasement d’anciens clapas et d’importantes masses de buis, genévriers et pins sylvestres déracinés ont été poussées mécaniquement, pêle-mêle précisément sur la l’emplacement de la lavogne qui est apparue irrémédiablement détruite (Christian Bernard, Disparition du petit patrimoine, journal de Millau, 19 décembre 2002).

Occupé par l’homme au Mésolithique : – 4500 ans av. J.-C. (Les premiers caussenards, revue du Club Cévenol, Alain Vernhet), deux abris ont été fouillés a proximité et ont donné des éléments datant du chalcolithique : perles calibrées en calcaire et jayet, des dizaines de tessons ayant appartenu à un vase de 15 cm de diamètre, ainsi qu’une pendeloque losangique en os à double perforation (G. Costantini, Bulletin de la Sté préhistorique française,1967). Au lieu dit « Le Mandarous » dans l’angle aigu formé par le carrefour des pistes menant respectivement à Puech Margue et au Sonnac, se trouve un dolmen cité par Martel et Carrière appelé « le tombel del Gigant » caché par la végétation.

A 300 ou 400 mètres au sud-est de la ferme de Puech Margue : station de distillation de résine non fouillée ; débris d’urnes à résine et de poteries de la Graufesenque. Une autre station du même type a été signalée à 600 mètres à l’E.N.E. de la côte 870 (1 km 400 au S.S.W. de Puech Margue)

« Au cours du mois de septembre 1957, M. Réné Bertrand, de Montjardin (Gard) domestique de ferme à Puech-Margue, a mis au jour, au lieudit La Coumbo d’Estébé (La Combe d’Etienne), situé à mi-chemin entre Puech-Margue et Le Maubert, un nouvel atelier de résiniers gallo-romain. Ses fouilles lui ont permis de dégager, six urnes en place assez bien conservées » (d’après André Soutou, l’atelier de résiniers gallo-romain de Puech-Margue, revue d’études antiques, année 1959)

En 1741, le domaine de Puech Margue possédait : « Deux paires de bœufs, 200 bêtes à laine…un chien-matin, 24 claies de parc et une « cabane »… pour le berger ». Comme mobilier, trois bois de lit demi-usés et trois chaises. C’était une guérite garnie de paille et montée sur roues…la maison roulante du berger dont parle le poète ! La population logeant dans le domaine pouvait être de 10 habitants.

D’après le recensement effectué en 1868, Puech Margue était déjà inhabité. Vendu comme vaste domaine par licitation, le jeudi 24 avril 1890, à l’audience des criées du tribunal civil de Millau, la procédure de mise aux enchères fut établie comme suit « le domaine de Puech Margue, dans la commune de la Cresse d’une contenance d’environ 200 hectares, avec un inventaire sera mis à Prix 12 000 francs. S’adresser pour les renseignements à Maître Dieudonné Lubac, avoué poursuivant la licitation » (Messager de Millau, 5 avril 1890)

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Albert Carrière dans les années 1930 voyant ce domaine à l’abandon laissa courir son imagination et publia ces quelques lignes : « J’ai rêvé que j’étais riche à millions et que j’avais la lubie de faire relever et vivre une ferme du Causse Noir : Puech Margue, commune de La Cresse. Ses ruines se trouvent à 2 km au sud du Sonnac, à 800 mètres d’altitude, au pied d’un pointement basaltique. J’entreprends résolument sa résurrection. La construction de deux bons chemins supprime à jamais son mortel isolement ; le premier aboutit à la nouvelle route de Millau à Montpellier-le-Vieux, à Lauglanou ; l’autre arrive à la vallée du Tarn, par la Cresse. Il suffit d’aménager une dizaine de kilomètres de vieux chemins à partir de Puech-Margue. Les deux chemins mettent Millau à 20 minutes de voiture ; Puech-Margue est dans un faubourg de Millau. Une ligne donne la lumière, la force, le téléphone. Quant à l’eau, on calcule largement la quantité suffisante pour les habitants et le cheptel ; on la recueille au moyen d’une plate-forme cimentée et entourée d’une grille qui la protège contre les souillures des hommes et des animaux. On l’emmagasine dans un réservoir ad hoc, et situé de manière que l’eau arrive partout où elle est utilisée sous une faible pression. L’eau des toitures est amassée dans ces citernes. Toutes les eaux usées sont finalement employées à l’arrosage d’un vaste potager. » (A. Carrière, Restauration en rêve, cahier 69, société des lettres, sciences et arts de l’Aveyron).

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Rattaché puis distrait du Sonnac, ce domaine est aujourd’hui, à la fois, redevenu une exploitation agricole, mais aussi une ferme auberge appelée « la Tindelle » gérée par la famille Alméras. Le rêve d’Albert Carrière a de ce fait rejoint la réalité.

Marc Parguel

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