[dropcap]T[/dropcap]oujours alourdis de notre fameuse flore Bonnier en dix volumes, nous allons donc arpenter les bois jolis qui entourent La Couvertoirade. Tout au long de notre promenade, le buis domine. Le fameux Buxus sempervirens, le toujours vert.
Les jardiniers du moyen âge entouraient leurs parterres de bordures basses de buis comme mesure de protection. Offrir un bouquet de buis c’est le témoignage d’une affection qui résistera à toutes les épreuves.
Sauf à la voracité des chenilles de la Pyrale, venues d’Orient dans les années 2000 et devenues une calamité depuis quelques années. Mais « le toujours vert » est résistant et ce printemps nous offre de petites pousses qui témoignent de la force extraordinaire de la nature. En voilà une qui est franchement résiliente.
Parlons santé justement. Si le buis est un précieux compagnon pour le médecin des plantes, il est aussi un redoutable individu végétal. Presque toutes ses parties contiennent une substance, la buxine, qui sait se faire poison à forte dose. Il faut donc toujours veiller à bien respecter le dosage indiqué pour les traitements. Le bois, l’écorce et les feuilles sont utilisés dès le XIIe siècle comme dépuratifs, pour activer la sueur et faire tomber la fièvre.
« En épurant le sang, le buis s’attaque vigoureusement aux causes profondes de la maladie. Il redonne du tonus au malade et lui permet de résister victorieusement à l’attaque des germes infectieux », écrit le célèbre phytothérapeute Maurice Mésségué. Bien dosées, les infusions de buis agissent contre toutes les fièvres rebelles. Mal dosées, elles agissent définitivement également. « Rien n’est poison, tout est poison, seule la dose est poison », murmure d’outre-tombe notre cher Théophrasus Bombastus von Paracesle.
Tiens, en parlant de Paracelse (1493-1541) c’est également lui qui écrivit : « Nous ne sommes pas nés seulement de notre mère. La terre aussi est notre mère qui pénètre en nous jour après jour avec chaque bouchée que nous mangeons ». Donc quand on empoisonne la terre, on s’empoisonne soi-même et sa mère au passage. Ah, on fait moins les malins là !
Mais revenons à nos buis qui nous entourent depuis que le Larzac est le Larzac. Ils furent longtemps source d’une économie locale. Coupés en fagots pour allumer le feu qui réchauffe les foyers ou pour chauffer les fours à pain. Eparpillés dans les champs comme fumure ou dans les bergeries comme litière. Les racines les plus grosses furent longtemps arrachées par des journaliers et vendues aux tourneurs sur bois pour en faire des boules de pétanque ou des pièces de jeu d’échecs.
Et bien sûr, le jour des rameaux, le buis était un bien précieux que l’on accrochait pour l’année, une fois bénit, au-dessus du lit. Il se chuchote aussi, autour des lavoirs, qu’un petit bouquet de buis judicieusement glissé dans les poches avant des pantalons de ces messieurs réveillerait leurs ardeurs. A tester.
Aujourd’hui, le buis n’est plus récolté et colonise des arpents entiers du causse. Les randonneurs suivent, enchantés, les belles buissières que l’on redécouvre peu à peu. A l’abri du vent, du soleil, de la neige, les kilomètres défilent sans encombre et c’est une joie chaque fois renouvelée de partir à la rencontre des petites fleurs si odorantes. Le fleurissement c’est maintenant ! Alors, n’hésitez pas à mettre votre nez dans les buis.
A bientôt, nous serons tellement heureux de vous retrouver lorsque vous ferez l’école buissonnière autour de La Couvertoirade.