Patrimoine millavois

Patrimoine millavois : Carnavals d’hier et d’aujourd’hui (3e partie)

A partir de 1892, date à laquelle la maçonnerie du quai Sully Chaliès fut terminée, on décida d’utiliser le Saoutadou pour précipiter le mannequin du Carnaval. Cet emplacement cher au cœur des Millavois l’était aussi des habitants de Creissels qui venaient par bandes, on appelait ces chers voisins : « les Corses ».

Laissons la plume à Ludovic Vidal (1882-1960) qui signa sous le pseudonyme « Lu d’Oc » ses souvenirs d’enfance : « A l’occasion du Carnaval, Creissels voyait une affluence de jeunes millavois. Nous y allions par bandes, en costumes carnavalesques. C’était divertissant et je puis vous assurer que les demoiselles qui se hasardaient sur la route de Creissels recevaient pas mal de baisers anonymes. Elles ne s’en plaignaient que faiblement, car ces baisers volés devenaient pour elles d’intrigantes énigmes. Et le soir, après souper, ayant quitté notre clown, moitié rose, moitié bleu, nous allions terminer ce dimanche de Carnaval au grand bal du Café Glacier, vêtus de pierrots blancs à larges collerettes. » (Journal de Millau, 19 février 1955).

Bataille de confettis en 1896. DR

Cette tradition de précipiter le mannequin du Carnaval du haut du Saoutadou, après l’avoir promené sur le tour de ville disparut à la fin du XIXe siècle pour réapparaître au début du XXe siècle, sous la forme de cortège préparé par des ateliers de gantiers. Les anciens se souvenaient d’un homme qui louait des costumes dans la rue du Mandarous, les jeunes gens parcouraient la ville et allaient à pied le dimanche avec des costumes de Pierrot ou d’Arlequin ou autres.

Des chevaux descendaient l’Ayrolle. Ils faisaient le tour et les Millavois allaient brûler le mannequin ou le noyer toujours au Saoutadou. Il y avait un genre tribunal, et sur les fenêtres, on mettait des verres de toutes les couleurs avec des bougies dedans. Chacun faisait sa fenêtre à sa façon.
Ces usages furent interrompus par la guerre de 1914-18 et ne furent pas repris par la suite.

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Vers 1920, cependant, il y avait des petits cafés qui faisaient danser et il y avait encore des gens costumés qui dansaient le quadrille. L’orphéon des Montagnards organisait un spectacle à thème suivi d’un bal auquel les gens participaient en se costumant selon le thème du spectacle.

Jeunes millavoises vers 1935. DR

La tradition du Carnaval connut dans les années trente à cinquante une phase de reflux. Elle n’avait pourtant jamais été totalement oubliée : de temps en temps, sur des initiatives diverses, parfois à l’occasion d’évènements politiques ou sociaux (grèves par exemple) des cortèges burlesques avaient été organisés ou simplement improvisés.

Le carnaval du Roubelier

Devenu désuet après la Seconde Guerre mondiale, le carnaval refit parler de lui en 1979. Grâce à un comité d’organisation dynamique, ce Carnaval dit du « Roubelier » surnom de l’effigie géante, faisant référence au ravin du même nom, où l’on jetait les ordures ménagères de la ville a rassemblé au cours de plusieurs éditions, de nombreux Millavois.

En 1980. DR

Mais ceci ne se fit pas sans quelques débordements notamment en 1984, où le journal « le Torchon de Millau » tiré à 3.000 exemplaires fit en même temps que le carnaval un grand remue-ménage.

Ce fait nous est raconté dans un magazine de l’époque, Millau Magazine (n°6, juillet-août-septembre 1984) : « Sainte Marie des Fous (pour remémorer aux Millavois la zizanie : mairie – crédit immobilier), c’est sous ce vocable que Roubelière, la 5e du nom, promena sa face rougeaude et son sein dénudé dans les rues de Millau à l’occasion du carnaval. Un carnaval qui aurait pu tomber dans un aimable oubli si, par quelques maléfices diaboliques, un grand vent de scandale n’avait soufflé sur la bonne cité de Millau, avant même l’entrée de Roubelière dans la cité des gantiers. Le scandale vint par le « Torchon de Millau », journal satirique qui, traditionnellement, annonce aux Millavois que le grand défoulement est proche. « Nous sommes comme des barriques mal cerclées… le vin de la vertu nous ferait éclater si nous lâchions la bonde de temps à autre ». Et le vin pissa dru, éclaboussant au passage, par l’image et le texte, deux gentes dames et un gentilhomme qui (dixit le journal Libération) dans un grand remue-ménage portèrent l’affaire au palais de justice… le journal le Monde, y consacra même un écho, c’est dit l’importance prise dans cette affaire ».

Le carnaval en 1984. DR

L’affaire fut prise très au sérieux par le conseil municipal et après d’autres débordements du même genre notamment une publication que la sous-préfète avait trouvé injurieuse, le journal le torchon fut condamné à disparaître ainsi que le carnaval après l’édition de 1989.

Carnaval 1984. DR

Les années 1990 seront celles des carnavals des écoles, alliant fanfare et danses d’enfants, des éditions très sages, où les grands étaient tenus à l’écart.

Le 1er janvier 2000, le carnaval renaît une nouvelle fois de ses cendres, grâce à la MJC, l’Echo des Avens, les peintres et sculpteurs. Un carnaval réfléchi et plus sérieux dont le départ est fixé au Parc de la Victoire.

Fidèle aux traditions, Sa Majesté Carnaval est brulé, mais cette fois elle ne sera pas jetée dans la rivière, mais se consumera sur le parking de la Grave.

C’est chaque année, le même succès, mobilisant plusieurs équipes, demandant une bonne dose de créativité. Les organisateurs et les bénévoles ne comptent pas leurs heures de travail, que ce soit pour concevoir la mascotte, mais aussi pour animer en musique ce qui constitue notre folklore, mais également notre patrimoine millavois.

Marc Parguel

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