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Variations autour de La Couvertoirade : Ce n’est qu’un détail, mais…

Quand le temps se fait long et qu’il fait bon déambuler les mains croisées derrière le dos d’un pas nonchalant, quand les petits sont au chaud et les anciens à l’abri, quand l’esprit est aussi calme qu’un jour de pêche sur un lac d’Aveyron, alors on peut s’attarder un peu et laisser le regard errer de-ci de-là.

C’est fou le nombre de détails qui nous sautent aux yeux quand on fait le vide en soi et qu’on ne cherche plus rien. Essayez, vous verrez. Le monde autour de vous va changer.

A La Couvertoirade, il ne faut pas longtemps pour aiguiser le regard. Le ciel paraît si proche, les nuages si intenses qu’inévitablement, les yeux prennent de la hauteur, courent sur les toits de lauzes, s’accrochent aux cheminées surmontées de petits chapeaux rigolos (ah oui, ça aussi, il faudra qu’on en reparle, c’est quoi ces cailloux sur les cheminées ? Encore un détail pour vous, mais qui pourrait dire beaucoup même si nous ne jouons pas du piano debout) et bim ! nos yeux restent coincés sur une étrange signature ornant la grille d’entrée de la maison de Grailhe.

La maison de Grailhe, aussi nommée Hôtel de Grailhe, est située à l’intérieur de l’enceinte fortifiée de la cité au pied de l’église et face au four banal. Bâtie au XVIIe siècle (1655), elle porte le nom de ses fondateurs, la famille Grailhe (Jean-Antoine Grailhe). Elle est remarquable à travers son blason aux armes parlantes qui orne le linteau de la porte d’entrée. Pourquoi parlantes ? Et bien, parce qu’il est un peu comme vos guides, intarissable, il raconte l’histoire du propriétaire. En le détaillant, on voit à sa base un lion couché, symbole de la force créative. De son corps monte un arbre qui s’élance vers les étoiles, vers l’infini. Deux corneilles se font face, or, en langue locale, corneille se dit « grailhos», hommage au nom du bâtisseur. Un heaume orné d’un cimier à trois plumes entoure l’ensemble.

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Mais, ce qui intrigue le visiteur attentif, ce sont ces fameuses initiales qui marquent la grille d’entrée de la courette. On peut lire en fer forgé les lettres JR.

Pourtant, nous venons de dire que le fondateur se nommait Jean-Antoine Grailhe. Alors, que s’est-il donc passé ? Une erreur du forgeron ? Un usurpateur ? Un réemploi ? La marque du passage de l’abominable John Ross Ewing de la série Dallas ?

Il est temps de se munir de son habit de détective privé et de se faufiler dans le dédale des étagères surchargées des archives municipales.

Armez-vous d’une lampe de poche, d’une loupe et d’une grosse doudoune, car le local des archives n’est pas chauffé et ça caille là-dedans en ce moment. Tant mieux, ça nous donnera l’occasion de nous serrer un peu les uns contre les autres. La chaleur humaine nous est vitale en ces périodes de grands troubles.

Nous y sommes, au milieu des cartons, des boites et des registres d’état civil, il est difficile de garder le cap. Tout est si passionnant, on y passerait une vie sans moufter. Mais restons concentrés sur la famille Grailhe.

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Ah ! Voilà le pot aux roses :

En 1761, Marie-Anne Grailhe épouse Jean-Antoine Rouquette. De leur union naitra un fils nommé Jean-Antoine Rouquette qui épousera Marie-Rose Ollier. De cette union naitront quatre enfants dont un Jean-Antoine Rouquette (ça va ? vous suivez ?) qui épousera Sophie Marcorelle qui mettra au monde trois enfants, deux filles et un garçon qu’ils baptiseront… Jules ! Terminés les Jean-Antoine.

Au XIXe siècle, les Rouquette sont les plus riches propriétaires fonciers du bourg, et jouent un rôle prépondérant dans le village, sous la Monarchie de juillet, sous l’Empire ou sous la République. En 1865, Jules Rouquette devient maire de la commune et ce jusqu’en 1888. Entre-temps, l’Echo des Remparts de l’abbé Caubel nous apprend qu’en 1874 est édifiée la maison d’école de La Couvertoirade, sur un terrain appartenant précédemment à Jules Rouquette, dont ce dernier se dessaisit, moyennant une somme de 2.000 F. Ce bâtiment, actuellement à usage de mairie est situé au bord de la « cour neuve », face au parc boisé qui dépendait de la maison Rouquette. En 1879, Jules Rouquette donne un terrain pour un nouveau cimetière, le précédent, qui jouxtait l’église, à l’intérieur des remparts, étant trop exigu.

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Et c’est ce même Jules Rouquette qui fera forger ses initiales sur la grille d’entrée de l’Hôtel de Grailhe, JR, pour indiquer qu’il est le maître des lieux.

La boucle est bouclée, le mystère résolu, le détail exploré, les yeux éclairés, et les remerciements adressés à M. Maurin pour son remarquable travail de collecte d’informations. Levez le nez, prenez le temps de vous perdre dans les détails, le diable s’y cache parfois, mais la connaissance aussi. Prenez bien soin de vous et nous espérons vous revoir très vite en « présentiel essentiel ».

Via
Solveig Letort
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