Patrimoine millavois

Patrimoine Millavois : l’Hôtel de la compagnie du Midi

C’est au cours de la première croisade entreprise en 1926, au pays des Causses, par le Touring Club et le Crédit National hôtelier, que M. Paul, directeur général de la Compagnie des chemins de fer du Midi, très attaché au développement de notre tourisme régional, voulut édifier à proximité de la gare et longeant la voie ferrée un hôtel de grande classe.

Voici quelles furent ses impressions quand il passa dans notre région pour la deuxième fois en 1927 :

« On trouve à la descente du train l’autocar confortable qui permet de voir, en se promenant, Rocamadour, les gorges du Tarn, celles de la Jonte et de la Dourbie, le mont Aigoual, le fameux gouffre de Bramabiau récemment aménagé, et ce merveilleux aven Armand qui, chose assez rare, m’a causé la même impression qu’à ma première visite l’an dernier.

Des compagnons de voyage me posaient cette question :

Publicité

« Vous qui connaissez Dargilan, Padirac, Lacave, et sans doute d’autres grottes, comment trouvez-vous l’Aven Armand ? Est-ce mieux ? »

Je répondais invariablement : « aucune comparaison n’est possible. Quiconque a vu une belle grotte peut se faire une idée approximative des autres grottes ; quiconque a vu cent grottes ne saurait se représenter, même vaguement, l’Aven Armand qui est, en quelque sorte, l’antithèse d’une grotte.

Car si, d’ordinaire, les déchirures et les sculptures souterraines, œuvres de gouttes d’eau qui travaillèrent durant des millions de siècles, semblent résulter de convulsions subites du sol, l’Aven Armand, par l’ampleur majestueuse de son architecture, par l’ordonnance de ses colonnes, par le calme de ses volutes et de ses pendentifs, on pourrait peut-être ajouter par l’unité de sa conception, apparaît tout d’abord au cerveau ébloui comme le chef-d’œuvre longuement étudié d’une pléiade d’architectes de génie.

J’ajouterai que l’excursion à l’Aven Armand avec descente sur les gorges du Tarn par Sainte-Enimie peut être classée parmi les plus belles de France. » (L’Illustration, n° 4460, 25 août 1928)

Le monument Martel Armand, inauguré le 11 juin 1927. © DR

M. Paul venu à Millau en juin 1927, s’apercevant que « comme dans la plupart des villes industrielles, on a tendance à dédaigner le touriste », profita de son passage pour l’inauguration du monument Martel et de l’Aven Armand, pour créer un hôtel réputé.

À la Mairie où il est venu présenter son projet, il dit :

« Millau exporte pour une quarantaine de millions de gants, voire davantage. Or, je suis allé cinq ou six fois à Millau et je n’y ai pas encore découvert le moindre marchand de gants. On vous montrera enfin ce produit du pays dans une vitrine de l’hôtel de la Compagnie. »

La ville de Millau lui concéda, pour un bail de 99 ans et le prix global de 30 000 francs, 600 m2 du square de la gare (actuel jardin Malraux).

Construit par l’entreprise Sérignac de Millau avec ses 50 ouvriers, le chantier commença le 10 août 1927.

L’hôtel en construction. © DR

En mai 1928, l’entrepreneur M. Bringer, député, livrait le bâtiment avant le terme fixé. Sous la pression d’une dizaine d’aubergistes électeurs, toutes les influences politiques s’étaient liguées pour empêcher la construction de l’hôtel qui serait pour eux une réelle catastrophe. Mais M. Paul tint bon, soutenu d’ailleurs par le maire, M. Barsalou, et par le président de la chambre de commerce, M. Artières, qui n’entendaient pas sacrifier à l’intérêt de quelques hôteliers l’intérêt général de leur cité.

L’hôtel fut inauguré le 30 juin 1928 et s’inscrit dans le mouvement du développement du tourisme et l’organisation des circuits touristiques dans les gorges du Tarn. Les passions des aubergistes calmées, toute la population fut acquise à la Compagnie qui lui a offert le soir de l’inauguration, un feu d’artifice comme elle n’en avait jamais vu le 14 juillet.

Le jour de l’inauguration (30 juin 1928). © DR

Le journal « l’Illustration » dans son édition du 25 août 1928 nous décrit ce nouvel édifice : « Le nouvel hôtel est charmant. S’élevant dans le parc de la ville dont la municipalité a distrait une large bande, il donne l’impression d’une grande villa fleurie. Il est l’œuvre de M. Martin qui, après avoir construit les hôtels de Font-Romeu et de Superbagnères, semble avoir mis une coquetterie à prouver qu’il n’est pas uniquement l’artiste des palaces ; il a pleinement réussi. »

Le square et l’hôtel. © DR

« Le style dit rustique qu’il a adopté ne ressemble point au style rustique qui, trop souvent, signifie style camelote, par la sobriété des formes, l’harmonie de couleurs suffisamment vives pour s’accorder avec le soleil du Midi, tout en gardant une discrétion de bon goût, il a réalisé un ensemble où l’on se sent un peu chez soi et où l’administrateur des hôtels de la Compagnie, M. Bouillonnet, apporta son expérience des questions pratiques que le souci d’art ne doit pas faire oublier »

Intérieur de l’hôtel. © DR

« Ajoutons que la Compagnie du Midi vient d’obtenir l’autorisation d’électrifier la ligne de Neussargues à Béziers, ce qui permettra de faire circuler entre Paris et Millau et au-delà des trains rapides comportant des sleepings ou même des trains bleus comme celui que la Compagnie des wagons-lits avait mis gracieusement à notre disposition et qui fit sensation dans une région montagneuse où la déclivité des rampes impose une limite sévère au poids des trains remorqués par les machines à vapeur. »

En 1930, l’hôtel abrite le bureau du syndicat d’initiative, avant que celui-ci ne déménage dans une construction neuve (le jardin puis l’espace culture de l’actuelle mairie annexe) en 1950

L’Hôtel et le syndicat d’initiative en 1930. © DR

L’hôtel de la Compagnie du Midi n’eut qu’une existence éphémère. Il fonctionna une dizaine d’années.

Occupé dès le début de la guerre en 1939 par un hôpital militaire, il le fut ensuite par des « touristes » plus qu’indésirables, car il devint le siège de la Kommandantur. En effet, en 1942, au mois de novembre, les Allemands occupèrent la zone dite libre, ils vinrent à Millau. La Kommandatur vint s’installer à l’Hôtel de la compagnie du Midi. Il y avait le couvre-feu de 22 heures jusqu’à 6 heures avec interdiction de sortir. On connaît les douloureuses exactions dont il fut le théâtre.

Plus récemment, la municipalité acheta les bâtiments en 1955-56, et il y fut créé la clinique Sainte-Anne en 1960. La municipalité de Charles Dutheil en y créant cette clinique amputa une fois encore le jardin en 1963 pour offrir aux malades convalescents un lieu restreint de promenade et aux services hospitaliers un parking automobile.

Dans les projets de la municipalité fut émis pour 1964-1965 : « Avec la clinique Sainte-Anne, et la maison de retraite Saint-Michel (350 lits), la ville projette de construire un nouvel hôpital et de transformer complètement l’hospice du boulevard Richard, trop vétuste.

Ces diverses réalisations doteront Millau d’un ensemble hospitalier de premier ordre » (Millau, Gorges du Tarn, industrie et tourisme, 1964). On connaît la suite.

La clinique Sainte-Anne en 1971. © DR

La clinique Sainte-Anne devait rester dans ces lieux jusqu’en 1987, date du transfert à l’hôpital du Puits-de-Calès.

Après le court passage d’avril 1988 à mai 1993, de l’Institut Informatique Sud-Aveyron (les 2 ISA) dans les locaux de l’ancienne clinique, ceux –ci vont permirent à l’hospice Hôtel Dieu du 48 boulevard Richard d’y transférer ses pensionnaires de moyenne et longue durée, et c’est ainsi que naîtra l’Ehpad et la maison de convalescence que nous connaissons aujourd’hui.

Bouton retour en haut de la page