[dropcap]P[/dropcap]rofitons de n’être pas (encore) confinés pour découvrir les alentours de la belle Cité. En quittant la tour sud vers la droite, prenons la petite route de La Virenque qui nous mènera jusqu’au bois communal. Une bouteille d’eau et de bonnes chaussures et nous voici partis vers une jolie découverte.
Comment peut-on imaginer qu’en se promenant dans les bois, on plonge également dans l’Histoire de France ? Comment peut-on supposer que ce petit bout de bois, écarté, accroché en bordure de causse ait une histoire tout aussi passionnante ?
Des archives jaunies nous la racontent. Alors, bien sûr, ce n’est qu’une histoire très ordinaire, l’histoire de gens ordinaires, petits paysans et bergers qui se sont battus pour survivre dans un environnement un peu hostile et contre des pouvoirs malveillants.
Le document le plus ancien conservé dans les archives de la forêt est un acte notarié daté du 8 mars 1667 renouvelant un acte du 4 mai 1278. Les habitants de La Couvertoirade et de Cazejourdes y « reconnaissent et confessent tenir et vouloir tenir en fief emphytéose directe Seigneurerie et perpétuelle pagésie et sous la haute moyenne et basse justice de l’illustrissime seigneur frère Paul Antoine de Roubin Granezon, chevalier de l’Ordre de Jérusalem, commandeur de la commanderie de Sainte Eulalie, le devois consistant en bois taillis, herbage et pâturages et autres terres cultes et incultes lequel devois pour le passé était parti de haute futaie moyennant un cens annuel de 17 livres tournois payable tous les ans à chaque premier jour de Carême et la cinquième partie des fruits y excroissant et la promesse de ne vendre ni aliéner et d’améliorer et non détériorer. »
Un devois ? Késako ? Le terme devèze ou devois selon P. Marres indiquait alors une terre interdite au pacage (defensa) soit d’une façon permanente, soit d’une façon temporaire. Ce terme finira avec le temps par perdre son sens de pacage soumis à restriction pour désigner des terres de parcours pour les ovins, des terres non cultivables.
Sous l’ancien régime, la propriété ecclésiastique et la propriété noble se partagent théoriquement les terres des Grands Causses. Mais sur de vastes étendues, parcours et bois, leur droit de propriété est, de fait, limité par les usages. Il s’agit de biens communs aux habitants d’une paroisse ou d’un hameau qui offrent à tous les paysans le moyen de participer à l’exploitation des terres. Sur le Larzac, le propriétaire le plus riche est, sans contestation possible, l’Ordre de Malte aussi nommé Ordre de Saint-Jean de Jérusalem.
Dès 1661, Colbert affirmait « la France périra faute de bois ». Convaincu, il lance la « Réformation générale des forêts » et pour ce faire, il nomme des commissaires réformateurs. Dans notre région, c’est Louis de Froidour qui se voit confier la « tâche formidable et ingrate » de dresser l’état des forêts royales, communales et ecclésiastiques pour tout le Languedoc. Il arpente, relève et commente. Le 7 mai 1670, le jugement des procès de Réformation se tient à Montauban. « Rapport a été fait par ledit sieur de Froidour qu’il y a dans le pays du Rouergue et dans celui du Quercy plusieurs bois et forêts appartenant aux bénéficiers des communautés de l’Ordre de Saint-Jean de Jérusalem, lesquels étaient tombés dans une ruine extrême, non seulement à cause du désordre avec lequel lesdites communautés ont exploité les coupes qu’elles y ont faites, et des abroutissements des bestiaux qu’on y a fait pâturer en toute saison et sans distinction des jeunes et vieilles coupes défensables ou non défensables. »
Sur la base de ces relevés, des ordonnances d’exécution seront adoptées pour réduire les affouages, limiter le pâturage et interdire tout défrichement. Le tout tombant sous le coup de l’ordonnance promulguée le 13 août 1669 par Louis XIV, ordonnance qui fera date dans l’histoire des forêts de France puisque ce texte affirme l’autorité du roi, unifie le droit et dit le bon usage des forêts.
Depuis, on le sait, les forêts sont essentielles au maintien de la vie humaine sur terre. Les arbres sont nos alliés. Un arbre est sensible à la douleur, il a une mémoire, il communique avec les autres arbres, les grands-parents protègent leurs petits enfants, alors comment peut-on les saccager comme on le fait encore ? Une forêt en bonne santé, une forêt heureuse est nettement plus productive, donc plus rentable. Quand vous viendrez vous promener dans le petit bois communal de La Virenque, prenez le temps d’observer les arbres, vous verrez, ils ont plein de conseils à nous transmettre.