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Millau. Jumelage : le traité de l’Élysée, les leçons d’un grand dessein

Le 22 janvier 1963, le général de Gaulle et le chancelier Konrad Adenauer signaient, au palais de l’Élysée, un traité de coopération franco-allemand dit traité de l’Élysée, destiné à sceller la réconciliation de la France et de l’Allemagne.

Ce traité ne doit pas être confondu avec un traité de fin de conflit. Au contraire, il s’inscrit dix-huit ans après la fin du second conflit mondial dans une démarche volontaire entre deux pays redevenus souverains et tournés vers l’avenir.

Conscients du passé, mais aussi du contexte géopolitique du moment et de leurs problèmes nationaux respectifs, Charles de Gaulle et Konrad Adenauer, hommes de vision lointaine, décidèrent de renverser le cours de l’Histoire, « de réconcilier les deux peuples et d’associer leurs efforts et leurs capacités ».

Dans un monde bipolaire dominé par la guerre froide, Charles de Gaulle et Konrad Adenauer, de façon très pragmatique, considéraient que la France et l’Allemagne étaient les deux puissances décisives du centre de l’Europe.

Si l’on aspirait à une Europe unie, la France et l’Allemagne devaient étroitement coopérer et surtout tourner le dos à une rivalité séculaire. Unis par une admiration et une amitié réciproque, ces deux hommes étaient animés par un même idéal.

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Compte tenu de l’enjeu, un simple accord ne pouvait suffire. Seul un traité pouvait marquer un engagement durable par-delà les éventuels changements politiques.

Le contenu de ce traité était totalement inédit et même révolutionnaire. Pour la première fois dans l’Histoire, deux pays, jadis ennemis, décidaient d’organiser des relations inter-étatiques très étroites, sans pour autant porter atteinte à leur souveraineté.

Articulé autour de trois axes majeurs : Affaires étrangères, Défense, Éducation et Jeunesse, le traité de l’Élysée mettait en place des mesures concrètes, simples et précises.

Ainsi, le chef d’État français et le chancelier, chef du gouvernement allemand devaient se rencontrer chaque fois que nécessaire et au moins deux fois par an. Les sommets franco-allemands étaient nés !

Les ministres des Affaires étrangères, quant à eux, devaient se rencontrer tous les trois mois et les hauts fonctionnaires des mêmes ministères tous les mois. Ceci afin de parvenir à une position analogue au sujet des grandes questions de politique européenne et internationale.

Après trois conflits meurtriers, alors que pour beaucoup la Seconde Guerre mondiale ne semblait pas lointaine, voici que les chefs d’État-Major des deux pays vont désormais se réunir tous les deux mois, pour travailler ensemble à des projets communs.

Instruits par le passé, mais résolument tournés vers l’avenir, Charles de Gaulle et Konrad Adenauer décident d’accorder une place prépondérante à la jeunesse. Tout doit être fait pour favoriser, entre les jeunes des deux pays, une solidarité qui devra jouer un rôle déterminant dans la consolidation de l’amitié franco-allemande.

Ainsi, en application des dispositions du traité, fut créé l’Office franco- allemand de la jeunesse (OFAJ). À ce jour, plus de neuf millions de jeunes Français et Allemands se sont connus grâce à cet organisme. Naquirent ainsi un très grand nombre de projets communs et notamment des rencontres sportives et des échanges linguistiques.

Dans l’esprit des signataires, il était important que le traité de l’Élysée ne reste pas un document entre chefs d’État, mais que les citoyens des deux pays soient impliqués. Ce fut pleinement le cas au travers d’une multitude d’initiatives de la société civile, dont les jumelages et les échanges scolaires. C’est ainsi que leur nombre s’est considérablement accru après la signature du Traité. Retenons que 70 % des villes françaises jumelées le sont avec une ville allemande.

Le jumelage qui unit Millau à Bad Salzuflen en fait partie. Initié par messieurs Louis Laurens et Wilhelm Haun, il fut officialisé en 1975. Il demeure toujours très actif. Malheureusement, son 45e anniversaire qui devait être fêté à Bad Salzuflen, au mois de mai 2020, n’a pu être célébré, pour cause de pandémie.

Il convient de rappeler que, dans le cadre de ce jumelage, mais surtout des établissements scolaires de la ville, ce sont plus de mille cinq cents jeunes Millavois et Allemands qui se sont découverts et connus. Ils le doivent à des professeurs enthousiastes et dévoués.

Ainsi, après la réconciliation initiée à partir de 1950 apparaissait une étroite coopération qui, elle-même, fit naître le couple franco-allemand.

Finalement, le succès majeur de ce traité est d’avoir remarquablement contribué à cette idée d’amitié franco-allemande. Cette dernière par ses particularités historiques et son exemple donné au monde constitue l’un des plus grands faits des Temps modernes.

Le traité de l’Élysée reste sans précédent. Il demeure également unique en son genre. Son caractère exceptionnel contribue à en augmenter la valeur. Depuis sa signature, tous les gouvernements qui se sont succédé à Paris, à Bonn puis à Berlin ont veillé à s’y référer et à en exalter les mérites. Ce traité s’explique dans une large mesure par le passé dramatique des relations franco-allemandes.

Pour tourner définitivement la page, pour ouvrir aux deux grands peuples voisins des perspectives entièrement nouvelles, il importait de marquer le changement révolutionnaire par un acte fort. Seuls des hommes qui dominaient leur époque étaient capables de l’accomplir.

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