Marin puis fantassin, le Millavois Henry de Thilorier est devenu général

Bernard Maury
Bernard Maury
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[dropcap]L[/dropcap]e village de La Malène, dans les Gorges du Tarn, garde les marques et les souvenirs d’évènements tragiques survenus durant la Révolution. Certains sont rappelés dans la chapelle adossée au collatéral nord de l’église Saint-Jean-Baptiste. Ce modeste mémorial a été construit au milieu du XIXe siècle pour conserver les restes des 21 villageois royalistes, guillotinés à Florac le 11 juin 1793.

Quelques jours auparavant, ils avaient été capturés par les républicains sur le causse de Sauveterre. Le 6 août 1859, les ossements de ces contre-révolutionnaires ont été exhumés de la fosse commune dans laquelle ils avaient été jetés. Après avoir été ramenés en procession à La Malène, l’évêque de Mende a béni leur nouvelle sépulture et a inauguré une plaque commémorative dédiée à ces « Martyrs pro DEO et REGE ».

La corvette « La Diligente » ©DR

Un autre souvenir historique apparaît au bout de l’allée qui mène à l’entrée de l’église. Sur le côté gauche se trouve un imposant tombeau dans lequel repose le Millavois Henry, Philippe, Justin de Thilorier. Il est né à Millau le 2 février 1780. Il est le fils d’un ancien mousquetaire noir, officier supérieur de cavalerie, et de Constance, Agathe d’Albignac dont le quintaïeul est Simon d’Albignac. Agé de 19 ans, il s’engage dans la marine au port de Rochefort le 14 avril 1799. L’année suivante, il embarque pour Saint-Domingue, sur la corvette « La Diligente » commandée par le capitaine de frégate Moras.

Le « Jemmapes » ©DR

De retour de mission, il se porte volontaire pour servir comme fantassin au 11e Régiment d’Infanterie Légère. Toujours attiré par la mer, il redevient marin sur le « Jemmapes ». Ce vaisseau de ligne de 80 canons quitte la France le 14 décembre 1801, avec l’escadre de Brest pour participer à l’expédition militaire de Saint-Domingue. Les troupes embarquées sont commandées par le Général Charles Leclerc, beau-frère du 1er Consul Bonaparte. Il a pour mission de réprimer la révolte fomentée dans l’ile par Toussaint Louverture. Celui-ci dépose les armes le 2 mai 1802, mais est vite remplacé à la tête de l’insurrection. S’étant fait remarquer pour sa vaillance par le Général en Chef, Thilorier est nommé « Capitaine provisoire » le 1er juillet 1802. En cette qualité, il remplit diverses missions à La Havane, au Mexique, à La Nouvelle-Orléans et à Curaçao où il apprend que les Français, après avoir été vaincus le 18 novembre 1803, ont évacué Saint-Domingue.

L’Ordre de Saint-Philippe du Lion de Limbourg ©DR

En mai 1804, il est envoyé dans cette île à la tête d’un corps de volontaires pour défendre un petit territoire encore tenu par les Français. Il s’oppose avec succès à l’attaque de 1.200 Anglais. Quelque temps après, fait prisonnier, il réussit à s’échapper des pontons anglais de la Jamaïque ! De retour en France, le capitaine Thilorier sert dans le Régiment de Latour d’Auvergne. Il participe à la campagne d’Italie et se distingue notamment en Calabre. Le roi de Naples le nomme Chevalier des Deux-Siciles.

Promu Chef de Bataillon dans son corps devenu le 1er Régiment Etranger, il se fait remarquer en diverses occasions et est fait Chevalier de l’Ordre du Mérite du Lion de Holstein. Le 3 octobre 1813, à la tête de la Division du Tyrol, il culbute l’ennemi devant le village de Bruncksen et le 23 octobre, il est cité à l’Ordre du jour de l’Armée pour s’être emparé du village de San Marco. Le 15 novembre suivant, il contribue à la victoire de Caldiero contre l’armée autrichienne. Pour sa bravoure, il est récompensé par la « croix » de la Légion d’Honneur.

Muté au 18e Régiment d’Infanterie Légère avec le grade de Lieutenant-Colonel, il reçoit la mission, en janvier 1814, de reprendre l’offensive contre l’ennemi qui occupe le Pont de Beauvoisin sur la route de Chambéry. Ainsi, dans la même journée, à la tête de trois bataillons, il s’empare du pont et du fortin de La Grotte. Enfin, le 31 janvier 1814, il donne l’assaut à la baïonnette pour déloger l’ennemi du village des Echelles, puis, il le poursuit jusque dans Chambéry et fait 500 prisonniers. Pour cette action téméraire, il est cité à l’Ordre du jour de l’Armée et proposé pour le grade de Colonel.

Le Général Thilorier à une rue à son nom à Millau ©DR

Le 6 décembre 1814, Henry de Thilorier est nommé par Louis XVIII, revenu au pouvoir, Chevalier de l’Ordre de Saint-Louis. Comme il n’a pas participé à la campagne de 1815, le roi décrète sa promotion au grade d’Officier dans l’Ordre de la Légion d’Honneur en 1816. Nommé Colonel le 10 mars 1819, il commande successivement, les Légions de la Seine et de l’Orne, puis le 31e Régiment d’Infanterie Légère.

Avec son régiment, il participe en 1823 à la campagne d’Espagne. Il est cité à l’Ordre de l’Armée, pour avoir le 21 août 1823, à la tête de 10 compagnies de son régiment « culbuté une colonne ennemie forte d’environ 1.800 hommes » à Astafulla, sous Tarragone. Il reçoit, à cette occasion, la croix de Chevalier de l’Ordre de Saint Ferdinand et est promu Commandeur de l’Ordre de la Légion d’Honneur.

En 1828, le Colonel Henry de Thilorier prend le commandement du 5e Régiment d’Infanterie de la Garde Royale. Il est mis en disponibilité après les journées révolutionnaires de Juillet 1830 et élevé à la dignité de Grand Officier de la Légion d’Honneur le 11 août. L’année suivante, il est admis au traitement de réforme. Pourtant en 1833, il est replacé en situation d’activité. Promu Maréchal de Camp (ou Général de Brigade), il se voit confier le commandement de la Lozère et de l’Aveyron.

Le 22 août 1835, il est nommé Président du Conseil de Guerre de la 21e Division qui siège à Perpignan pour juger le général de Brossard. Dans le Journal des Pyrénées-Orientales, il est précisé que le Général de Brigade de Thilorier a « présidé avec impartialité, calme, fermeté et talent. La séance du 28 août au cours de laquelle a été entendu le général Bugeaud a duré sept heures ».

Le château de Bellesagne ©DR

En 1842, il quitte le service actif et se retire en Lozère, au château de Bellesagne, où il meurt le 3 octobre 1851, à l’âge de 71 ans.

Bernard Maury

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