Causses et vallées

A propos d’un âne qu’on appelait Noël

Selon les écritures, les animaux qui réchauffèrent de leur souffle l’Enfant Jésus dans la crèche étaient un âne et un boeuf. Ces deux animaux, sujets d’une chanson de Noël « Entre le bœuf et l’âne gris », souvent indissociables, ont même fait l’objet d’un dicton bien populaire en son temps « changer son bœuf pour un âne », ce qui signifie faire une mauvaise affaire. Un bœuf vaut mieux qu’un âne, c’est entendu ! L’âne ne pouvant rivaliser par sa force face à un bœuf deux fois plus costaud que lui et apte aux travaux des champs, aux labours, mais le vaillant grison, dont les Corses vantent avec raison leur saucisson, n’est pas du genre à avoir usurpé son nom de Maître Aliboron !

Lozériennes sur un âne ©DR

Maître Aliboron

Dans sa fable « Les voleurs et l’âne », Jean de la Fontaine donne le nom de Maître Aliboron à son héros aux longues oreilles. D’où le tire-t-il ?

La réponse nous est apportée par Jacques Bruyère : « De celui d’un grand savant semble-t-il. Il s’agirait, selon des sources solides et fiables, de Al-Biruni (973-1048), astronome, mathématicien et diplomate, prince du calcul et de la trigonométrie. Ses ouvrages étaient tellement savants, rapporte la chronique, que ses contemporains, totalement dépassés par sa science, n’y comprenaient strictement rien. Alors à tout hasard, ils le traitèrent d’imbécile. D’âne pour tout dire. Car, chez les sots, l’âne est le symbole de la bêtise. » (Maître Aliboron n’était pas un âne, Nature et Patrimoine, Midi Libre, 2 septembre 2012).

Un âne facétieux

Il y a presque trente ans, dans un petit élevage spécialisé dans l’accompagnement des randonneurs, vivait un certain Noël. Il avait été baptisé ainsi, car il était né le 25 décembre et pour la famille qui l’accueillait, il allait devenir, comme aimait à le baptiser sa maîtresse Evelyne « l’âne gâté ». Gâté et bâté aussi à l’occasion. Car selon les personnes qu’il accompagnait, il pouvait se montrer peu obéissant et n’en faire qu’à sa tête. Aussi, sa maîtresse Evelyne ne le confiait qu’aux randonneurs dont elle avait vérifié qu’elles étaient pourvues d’un sens de l’humour suffisant pour supporter les facéties de Noël.

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En pleine traversée dans des endroits sauvages, il n’hésitait pas à se cacher derrière un arbre, pour voir comment les personnes qu’il accompagnait allaient réagir.

Une partie de cache-cache ©DR

Ni sot ni bête comme le voudrait la stupide tradition. Indépendant, qui n’en fait qu’à sa tête, mais pas vraiment têtu, plutôt réfléchi.

Croix de Saint-André sur le dos, robe grise, oreilles mobiles, amical, joueur, taquin, avec qui il fallait négocier, tel était Noël.

Certains randonneurs ne voulaient que lui, car ils savaient qu’ils allaient passer un bon moment, tant ils le trouvaient malin et rigolo.

Quand ils arrivaient en haut d’une côte, racontaient-ils, Noël s’arrêtait pour contempler le paysage et comme il n’était pas du genre à se laisser commander, il restait sans bouger pour admirer le panorama. La station pouvait durer ainsi longtemps, très longtemps.

©DR

Sa maîtresse Evelyne racontait cette étonnante anecdote : « Un jour, nous plantions les poteaux d’une barrière autour d’un pré. Noël nous avait suivis toute la matinée, très intéressé par nos travaux. Un peu à la manière d’un chien. L’opération semblait le passionner. Nous avons terminé et sommes rentrés vers la maison. Soudain, nous avons vu arriver Noël au petit trop, le marteau dans la gueule. On l’avait oublié… » (D’après le témoignage de Jacques Bruyère, 12 août 2012).

Marc Parguel

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