Patrimoine millavois

Patrimoine Millavois : La place du Mandarous (3e partie, 1903 à nos jours)

A la belle époque, le centre de la ville s’est déplacé et le cœur de Millau se trouve désormais au Mandarous, et non à la vieille Place (place Foch) jadis unique place de la ville. Celle-ci autrefois si animée, se retrouve déchue de son ancienne splendeur, avec son antique colonnade, comme le constatait naguère avec mélancolie le félibre Louis Julié (1877-1947) : « Paùre biel Coubert de lo Plaço, Ah ! que t’o bist et que te bei ! – N’as bist, de foulos et de festos, Obon d’estre coupat en dous ; Aro, pecaïre sios de restos : T’où déloïssat pel Mondorous ! »

Voici comment Jules Artières définit la Place du Mandarous : « Elle forme une vaste demi-lune de plus de 30 ares de superficie. C’est là que la foule se presse lors des grandes manifestations populaires ; là que, les jours de repos, ouvriers et bourgeois viennent faire de longues causeries sur le temps, les affaires ou la politique ; là que s’élève un certain nombre de baraques foraines les jours de foire ; là, enfin, que, tous les soirs, commencent les traditionnelles promenades, « les montes », que tout Millavois qui se respecte va faire après le repas du soir » (Millau à travers les Siècles, p.412, 1943)

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L’hôtel du Commerce succéda à l’Hôtel Guillaumenq en 1912. Quant au kiosque à journaux, il fut démonté et déplacé durant l’été 1926 à l’endroit où fut établie une vespasienne devant la remise Vaissier, aujourd’hui Pâtisserie Saint-Jacques (voir article Louis Monteillet et son kiosque à journaux, Millavois.com, 6 octobre 2019).

Un édifice jumeau du kiosque à journaux fut établi, à la même époque, sur le côté ouest de la place, devant la maison Quézac.

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Cars et voitures de tourisme apparaissent en juin 1927, près de ce kiosque, qui abrita la police puis le Syndicat d’Initiative. Comme le montre cette carte postale, il est fermé, mais pour tous renseignements, voici, en canotier, le « Maire du Mandarous » en personne, M. Guillaumenq : une gazette vivante ! (D’après un siècle d’images millavoises, 1972)

Juin 1927 ©DR

Dans le petit comble que comportait le toit du kiosque fut logée la première pendule du Mandarous. A ce sujet comme le rappelait Pierre-Edmond-Vivier : « Un ancien du quartier nous racontait, naguère, les tours pendables de certains loustics (il ne nous précisait pas s’il en était lui-même !) consistant, par exemple, à intervertir nuitamment, la grande et la petite aiguille de ce cadran, ce qui procurait des insomnies aux employés chargés de le maintenir à l’heure. »

Ce kiosque ne devait pas rester là longtemps, il était devenu gênant, malgré une circulation routière encore fluide, pour laquelle on avait mis en place un agent. Son transfert fut décidé le 3 février 1931, il devint kiosque à friandise au parc de la Victoire.

L’œuf du Mandarous et Valentine

En 1933, après quelques prudentes expérimentations durant les deux années précédentes d’un établissement de « sens giratoires », et sur un vote du 5 septembre, le Mandarous eut son premier rond-point qui, en réalité, était déjà un ovale.

Il était pavé et cimenté comme un trottoir de sorte qu’il pouvait servir de refuge aux piétons pour qui la traversée de la place était encore permise. Un agent de police y tournait en rond ou y battait la semelle, tout en surveillant d’un œil placide le mouvement environnant.

Au milieu de cet œuf, on fit naître, un pylône avec trois horloges à mi-hauteur. Ce triple cadran avec cette tige qui le supporte allait prendre, sous la plume de Louis Bretou le nom de « Valentine », en référence à la chanson de Maurice Chevalier « Elle avait de tout petits petons… Valentine… »

Signant ses articles sous le pseudo de « Jean Stéphane », dans le Journal de Millau, il la dessinait et la faisait parler. La voici, désormais voisinant avec le monument commémoratif de 1870.

L’agent devant « Valentine » sur l’œuf du Mandarous et le Monument commémoratif ©DR

Mais ces deux monuments ne pouvaient rester ensemble très longtemps. La densité croissante de la circulation provoqua le déplacement du Monument commémoratif de 1870.

On décida de le positionner en haut du parc de la Victoire. Ce transfert s’effectua du 16 au 23 janvier 1950, pendant une période de grand gel. Heureusement, tout se passa sans accident. La grille qui l’entourait ne le suivra pas, mais elle sera réutilisée devant le lavoir de l’Ayrolle.

Lors du déplacement du Monument (16 janvier 1950) ©DR

Dans les mois suivants, le kiosque à journaux que l’on voyait depuis l’été 1926, devant la Pâtisserie Saint-Jacques fut remplacé par une casemate en béton, assez laide qui sera à son tour supprimée en 1956.

Avec l’enlèvement du Monument aux Morts, on put donner plus d’ampleur à l’ovale central. La chaussée pavée et cimentée de 1933 allait se transformer en un tertre gracieux, garni de pelouse et de massifs floraux, aux couleurs chatoyantes, et périodiquement renouvelés. Désormais la place du Mandarous sera entièrement dévolue à l’usage routier.

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Le pylône à cadran (Valentine) sur la demi-lune ©DR

A la fin de l’année 1970, on commença à évoquer la disparition de Valentine, ce pylône que certains Millavois trouvaient disgracieux et qui était là depuis plus de quarante ans. Mais on ne voulait pas pour autant perdre l’heure ! On projette « deux parterres, et aussi une fontaine cascadant en plusieurs vasques, en trouvant le moyen de résoudre le problème de l’horloge, tout en conciliant commodité et esthétique, ce sera un nouvel obélisque ». Le projet est accepté et en avril 1981, la vieille pendule après 48 ans de bons services allait disparaître et ce n’était pas « sans un certain « pincement au cœur » qu’on l’a vu quitter son socle où elle était encore solidement boulonnée » (Adieu vieille pendule !, Midi-Libre, 24 avril 1981).

L’enlèvement de « Valentine » ©DR

En 1982, Manuel Diaz, maire de Millau, offrit une nouvelle fontaine au Mandarous, mais comme le rappelle André Fages « les temps ont bien changé depuis ceux où on allait à la fontaine par nécessité ». Elle y restera 20 ans.

Le nouvel obélisque sur le Mandarous (années 1980) ©DR

Le 23 septembre 2002, les pelleteuses firent disparaître cette colonne, on ne lira désormais plus l’heure au centre du Mandarous. Le 27 mai 2003 fut inaugurée le nouveau bassin agrémenté d’une fontaine, une nouvelle réplique des grandes eaux de Versailles version millavoise en quelque sorte.

Fontaine du Mandarous aux couleurs de la belle de Millau, © Nicolas Guitton, 10 octobre 2020

Depuis l’inauguration du centre commercial La Capelle en 2015, un déséquilibre s’est créé avec la place du Mandarous, notamment avec un déficit termes d’affluence. En mars 2019, la Ville et le conservatoire national des arts et métiers (CNAM) ont travaillé sur une réfection avec parmi les projets : piétonnisation exclusive au-delà d’une certaine heure ou pour la saison estivale, davantage d’espaces verts, et ont travaillé sur le rôle du boulevard de Bonald entre la Capelle et le Mandarous. De quoi redynamiser une place emblématique.

Marc Parguel

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