Causses et vallées

Le clapàs du diable (commune de Verrières)

Dominant de près de 250 m la vallée du Lumensonesque et le confluent du ravin de Malbosc où des falaises de 30 à 50 m de haut terminent le promontoire du causse, le cap barré de la Rouquette appelé aussi clapàs du Diable apparaît comme un véritable site fortifié.

C’est incontestablement le plus important cap barré des causses. Il domine la RN9 un peu avant le Viaduc de Verrières, et fait face au château de Cabrières. Comme la majorité des oppida caussenards, plusieurs remparts barrent l’éperon rocheux, formant ainsi un site pratiquement imprenable.

Vue depuis la RN9.

Voici comment il est présenté par Jacques Pomié : « Un vaste promontoire rocheux, orienté vers le sud-est est barré par une série de remparts en gros appareils de blocs non équarris, du côté du plateau. Ces remparts sont alignés en direction du sud-ouest – nord est. Le camp à l’intérieur du rempart principal forme un triangle de 150m de profondeur sur près de 200 mètres de base. Le premier rempart est cyclopéen, 185 mètres de long, 20m de largeur, 2 à 6 m de hauteur. Des blocs de calcaire oolithique dont certains pèsent plusieurs centaines de kg » (Grands Causses, n°2, 1979).

Le cap barré vu du ciel © Google Earth

Les caps barrés sont des fortifications qui datent généralement de l’âge du fer et plus rarement des époques précédentes. On trouve cependant des enceintes fortifiées du Chalcolithique ( de – 3500 à – 1800) puis de celles de la période du Bronze (- 1800 à – 1000 ) avec ses tribus locales dénommées « Groupe des Treilles » par Georges Costantini , ces 2 civilisations ont pu précéder sur le site l’installation des Celtes arrivés dans notre région à partir de – 700 et en grand nombre vers – 450. Le mur pourrait donc avoir été érigé entre ces 2 dernières dates.

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Aujourd’hui celui-ci se présente comme de gros clapas informes, mais sur cet emplacement autrefois derrière de grands murs dressés on voyait des cabanes de torchis.

Le long clapas du diable.

Ces fortifications étaient construites sur les avancées rocheuses des plateaux. Cette implantation permet de profiter de la défense naturelle apportée par les falaises, ce qui limite la longueur de murs à construire. Les positions des caps barrés dominent généralement une vallée, ce qui permet de surveiller une large partie des accès environnants.

Le cap barré de la Rouquette ou clapas du diable fait partie des plus anciens répertoriés. Dans une grotte de la falaise, à l’intérieur du camp, on a trouvé un tesson de poterie analogue à celle de la nécropole de la médecine (grotte près du village de Verrières). Dans les remparts ont été trouvées plusieurs meules de grès ainsi que des pointes de flèches et de silex.

Près des falaises qui dominent le ruisseau de Malbosc, dans ces inextricables clapas, existent des fonds de cabanes en pierres sèches. Cette enceinte préhistorique servait de refuge aux bêtes et gens en cas d’attaque, ce n’était pas un simple village des plateaux de premiers éleveurs des causses, mais une remarquable forteresse.

Une partie du mur.

On remarquera sur le cap barré l’apport de pierre en grès provenant vraisemblablement de la vallée de la Lumensonnesque.

Sauf erreur, Albert Carrière (1872-1957) fut le premier à mentionner cette fortification sur cette élévation rocheuse en 1921. Voici ses premières impressions : « Sa plate-forme penche légèrement du sud-est au nord-est. Elle est complètement stérile et ne comporte aucun aménagement à l’intérieur. Sous son extrême pointe, la falaise présente un petit réduit susceptible d’abriter deux hommes au plus.

Le barrage mesure environ 125 mètres de long, 10 mètres de large, 2 à 3 mètres de hauteur. Les pierres dont il est formé ne proviennent pas de l’empierrement du sol ; elles sont trop grosses et forment une masse trop considérable pour le supposer. Encore faut-il observer que de petits murs parallèles au barrage paraissent avoir été construits pour le renforcer. La principale entrée est au nord-est. Le chemin actuel qui monte de la vallée du Lumensonesque y aboutissait. Chose curieuse, le pavage qu’on voit devant l’entrée a été abandonné en cours d’exécution. Pour quelle raison fut-il entrepris, puis abandonné ? Les réfugiés venaient probablement de la vallée.

Parmi les torrents de la Rouquette est celui de Laguiole, mot qui signifiait idole, d’après ce que j’ai lu au sujet de Laguiole-sur-Rodez. Si je me rappelle bien, j’ai trouvé le Laguiole de la Rouquette dans le cadastre de Verrières (1624). Au nord-est de cette ferme, après avoir traversé un petit bois, on m’a montré une pierre de 5 ou 6 mètres de long couchée sur le gazon, c’est probablement un menhir. Le même ami me disait qu’il y avait une pierre semblable le long du chemin de Verrières, à la hauteur de Conclus.

Au sud-ouest de la Rouquette, sur la rive droite de Malbosc, les terres de Méricamp sont particulièrement riches en dolmens, repérés et fouillés par Rascalou, d’Aguessac. » (Par Monts et par vaux, Midi Libre, 22 novembre 1953).

Comment ce « cap barré de la Rouquette » fut rebaptisé en « Clapàs du diable » ? Le clapàs on le sait, désigne un tas de pierres amassées dans les champs la plupart du temps lors des travaux agricoles pouvant être utilisés comme murets. Et le Diable dans tout ça ? Faisant face au château de Cabrières, une légende datant du Moyen Age se rattache à ce lieu : Le diable voulait prendre le château de Cabrières et avait projeté de construire un pont dans une nuit, entre le cap barré et le château. Les anges alertés chassèrent le diable et ainsi il perdit son pari de capturer le château de Cabrières.

Marc Parguel

Face au château de Cabrières.

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