Gastronomie

Gastronomie. La « Tocada », la tarte aux prunes

L’existence du prunier dans le sud de la France remonte à la plus haute antiquité. En effet, des fouilles pratiquées sur les coteaux d’Agen, dans les puits funéraires de l’Ermitage datant de 104 av. J.-C., période de l’âge du fer, ont mis au jour un certain nombre d’objets gaulois, parmi lesquels des noyaux de prunes.

Vers 370, un ancien préfet de Rome, Paladius Rutilius Taurus Semitianus, parent du Toulousain Rutilius Namatianus, écrit un traité dans lequel il parle de la culture de la prune et du pruneau :

« On sèche les prunes au soleil, sur des claies, dans un lieu à l’abri de toute humidité. Ce sont celles que l’on appelle prunes de Damas. D’autres plongent les prunes dans de l’eau de mer ou dans de la saumure bouillante, et après les font sécher au four et au soleil ».

En 790, Charlemagne inclut les prunes dans la liste des fruits dont il faut développer la plantation dans les jardins. Mais, c’est surtout depuis le Moyen Âge, vers 1150, que l’on refait référence aux prunes et d’où est née une expression bien courante.

Après l’échec de la deuxième croisade, les Croisés français étaient rentrés d’Orient sans avoir remporté une seule bataille, mais ils avaient tout de même jugé bon de rapporter de leur voyage des pieds de pruniers, le fruit étant peu développé dans le royaume. Or, cette compensation n’aurait pas du tout plu au roi, qui se serait moqué des chevaliers en leur expliquant qu’ils avaient mené près de deux années de guerre, et perdu plusieurs milliers d’hommes « pour des prunes ».

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Mais depuis la prune a fait son chemin, et les pruniers se sont implantés sur nos plateaux en grand nombre. Les principales variétés que l’on trouve sur les marchés :

  • La Reine-claude : bien ronde, de couleur jaune à verte, elle a une chair ferme et sucrée. Elle vient de Midi-Pyrénées
  • La Mirabelle : petite et dorée, sa chair jaune orangé a une saveur douce, elle est produite en Lorraine
  • La Quetsche : plus grosse et ovale, elle est d’un violet profond. C’est en Alsace qu’elle est cultivée

À Millau, sur les Marchés au début du XXe siècle, on trouvait surtout des prunes de Chypre (prunas de Cypra.)

Avec les prunes, on fait des confitures, de la liqueur, mais également des tartes que l’on appelle chez nous toucades. Cette tarte était préparée pour le 15 août, date à laquelle les prunes sont particulièrement abondantes.

Sur le Lévezou, au four communal ou privé, on portait outre le pain et les fouaces, de ces énormes tartes aux prunes dites toucades.

Voici la recette telle qu’elle nous est rapportée par Pierre Solassol :

La Tocada (toucado, tarte aux prunes) francisée en « toucade ».

Faire une « toucade » n’est pas onéreux, ni très difficile. Un quart de farine sur la planche à cuisine, cinq ou six noix de beurre que vous coupez petit, deux cuillerées d’huile, une pincée de sel.

Garnir le fond à tarte avec des prunes. « La variété “prunes de Chypre” est ma préférée » (Vagabonds des Grands Causses, Journal de Millau, 27 octobre 2005)

Si on emploie des prunes fort juteuses, Reine Claude par exemple, mettre une petite poignée de farine sur le fond de tarte, afin de « boire » le jus des prunes. Cette précaution est recommandée si on ne veut pas que la pâte cuise mal.

Pétrir léger (et pas trop longtemps, vous auriez du ciment) et aplatir, ici nous ne prenons pas de rouleau a pâtisserie, mais nous faisons avec une bouteille enfarinée. Étendre la pâte sur le moule graissé, et la trouer avec une fourchette. Nos grand-mères utilisaient des moules en fer blanc battu avec deux petits festons tout autour.

Le rebord variait de deux à quatre ou cinq centimètres. Ils se rouillaient très vite, mais la tarte n’en était pas moins bonne. Certaines avaient plus de 50 cm de largeur.

Pour terminer, arranger les prunes que vous aurez lavées et enfourner.

Cuire à la gazinière, mieux au four du boulanger. Quand les fours communaux fonctionnaient, les Tocadas se cuisaient une fois le pain défourné. Dans les règlements d’utilisation des fours à pain communaux, la cuisson de la pâtisserie de ménage était limitée à certains jours.

Une ménagère peut aussi fabriquer des tartes aux abricots ou pêches (ou alterner les 2 fruits). Les découper en tranches (Talhon, talioun, Atalhonar, ataliouna,trancher) disposer en cercle, à mi-cuisson, verser sur la tarte un appareil : deux œufs battus avec un verre de sucre semoule, cela constitue une sorte de flan.

Marc Parguel

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