Causses et vallées

Des bœufs qui n’aimaient pas la musique

Fête de la musique oblige, nous évoquerons cette semaine une histoire qui peut prêter à sourire aujourd’hui, mais qui a dû provoquer une belle frayeur aux musiciens de l’époque.

Une fois n’est pas coutume, nous quitterons nos Causses et Vallées pour nous rendre dans une contrée plus éloignée, mais toujours en Aveyron : Saint-Laurent-d’Olt.

Nous sommes en août 1908 et la fête patronale qui se tenait dans le village jusque là se passait à merveille, le temps était radieux et alors que la cérémonie touchait à sa fin, l’Harmonie Jeanne d’Arc qui avait rehaussé de son précieux concours l’éclat de la fête avec sa musique, se disposait à se rendre à la gare pour prendre le train de sept heures du soir à destination de Rodez.

Cette excellente Société dont la virtuosité avait été maintes fois, au cours de la journée, vivement appréciée et chaleureusement acclamée désireuse d’adresser un dernier salut à la population de Saint Laurent d’Olt, attaquait les premières mesures d’un pas redoublé. Dans l’étroit chemin conduisant à la gare, les musiciens rencontrèrent une paire de bœufs revenant du pâturage.

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On prétend que la musique adoucit les mœurs, mais vraisemblablement les boeufs n’étaient pas des mélomanes avertis, et hormis le son des cloches ou le bruit du tambour, ils ne connaissaient rien qui pouvait troubler leur quiétude. Aussi, à l’idée de voir défiler toute une bande de musiciens ils commencèrent à voir rouge.

Voici comment le Messager de Millau, nous retrace la suite de cette histoire :

« Les animaux, peu sensibles au charme de la mélodie se mirent à donner des signes non équivoques de mécontentement. Pour éviter tout malheur, le directeur de la musique fit cesser le morceau, et la troupe artistique passa sans encombre. Cent mètres plus bas, le « pas redoublé » retentissait à nouveau.

Soudain, dominant les éclats stridents des cuivres et des bois des cris de douleur s’élevèrent, tandis que les musiciens culbutés de ça, de là, s’abattaient comme capucins de cartes, dans un indescriptible fouillis de membres meurtris et d’instruments défoncés. Encore un sale coup pour la fanfare ! le bœuf arrivant par derrière passait comme une trombe, opérant une trouée à travers la cohorte musicale.

Quand le premier émoi fut passé, on constatait heureusement qu’il y avait plus de peur que de mal. Une vingtaine de jeunes gens ont été plus ou moins contusionnés et écorchés, mais rien de grave.

Seul un jeune enfant de Saint-Laurent-d’Olt, a reçu une assez forte blessure à la tête et aurait deux côtes enfoncées. Nous souhaitons son prompt rétablissement.

L’harmonie Jeanne d’Arc fit l’appel de ses membres, qui tous répondirent, et après un léger pansement, clopin, clopant, légèrement courbaturés, parvinrent à la gare et montèrent en wagon. Dans quelques jours, il n’y paraîtra plus et complètement remis et leurs instruments réparés, les membres de cette vaillante Société reprendront le cours de leurs auditions publiques et connaîtront à nouveau le succès » (Un bœuf mélophobe, Aveyron Républicain repris dans le Messager de Millau, 15 août 1908)

Marc Parguel

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