Millau. « Non, les pharmacies ne vendent pas des masques fabriqués par des bénévoles »

Yannick Périé
Yannick Périé
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Millavois.com : La pharmacie mutualiste a été touchée par l’épidémie de Covid-19. Comment évolue la situation ?

Damien Besnier : Oui en effet. Au tout début de l’épidémie en France, avant le confinement, le mari d’une de nos pharmaciennes a reçu de la visite familiale. Or l’un des visiteurs était porteur du Covid-19 sans le savoir. Trois jours après, il a développé une fièvre importante, et comme il avait déjà des problèmes de santé, il a été amené à Rodez où il a été testé positif.
Sa femme, notre collègue, a développé la maladie 48h après. Elle avait tous les symptômes : la fièvre, la toux, l’extrême fatigue… mais elle n’a pas été testée.
Nous n’avions pas le choix, la pharmacie devait rester ouverte, mais en même temps il fallait que l’on protège le personnel. Il nous restait un stock de vieux masques périmés datant de l’épidémie de grippe aviaire, donc on les a utilisés.
L’ARS (Agence Régionale de Santé) nous a ensuite envoyé des masques chirurgicaux, et nous avons dû retracer tous les cas contacts que notre collègue avait pu avoir…
Depuis, nous n’avons pas eu d’autres cas.

Damien Besnier.

Quelles mesures de protection avez-vous mises en place dans votre officine depuis le début de l’épidémie ?

Dès le départ nous avons mis en place des mesures barrières. Nous ne faisons entrer que quatre personnes à la fois dans la pharmacie, en leur demandant de ne pas toucher aux produits et en faisant respecter 2 mètres entre chaque personne et 2 mètres du comptoir.
Au niveau des salariés, pour ne pas être en arrêt total, nous avons mis en place deux équipes de six personnes. Une équipe travaille six jours sur sept pendant que l’autre équipe est au repos, et vice-versa. Ainsi il n’y a aucun contact entre les deux équipes et cela permet de mobiliser une équipe s’il y avait un cas de Covid dans l’autre…

Quel impact économique a subi votre pharmacie depuis le début de cette crise sanitaire ?

C’est sûr qu’il y a une baisse du chiffre d’affaires. Nous n’avons pas encore fait le bilan du mois d’avril, mais on table sur une baisse d’environ 30 %. Les gens viennent beaucoup moins pour les produits non essentiels. Ils viennent par exemple pour renouveler leur ordonnance. Nous livrons à domicile lorsque les gens ne peuvent pas se déplacer. Il y a moins de monde, mais nous avons aussi beaucoup plus d’appels téléphoniques…

On peut désormais acheter des masques « grand public » en pharmacie. En proposez-vous déjà ? Si oui quel type de masques proposez-vous ? Où vous fournissez-vous ?

Oui nous en proposons au public depuis le début de la semaine. Nous avons prospecté les fabricants de la région pour trouver les meilleures offres qui répondent aux normes de sécurité maximales.

Bien sûr, nous ne proposons pas de masques FFP2 qui sont réservés pour les professionnels, mais nous vendons des masques lavables et réutilisables. Nos masques filtrent à 70 % et sont lavables dix fois, voire plus. Nous avons fait une première commande de 500 masques à l’entreprise Bleu de Chauffe à Saint-Georges-de-Luzençon, et nous en avons déjà vendu une moitié…
Certes, certaines personnes s’interrogent sur le prix de 7,90 €, mais quand on l’achète autour de 5 €, on ne peut pas le vendre moins de 5 €… Il faut relativiser le prix. On trouve des masques chinois à moins de 5 €, mais l’efficacité et le durée d’usage ne sont pas les mêmes.

Trouve-t-on chez vous du gel hydroalcoolique ?

Oui. Au début, face à la pénurie, nous en avons fabriqué nous-mêmes, mais que nous ne vendions pas, nous avons destiné notre production à l’EHPAD des Cheveux d’Ange. Depuis, nous en avons commandé à l’entreprise « Les Secrets d’Elo » d’Onet-le-Château. Nous essayons de nous fournir dans des entreprises locales. Par contre, nous les vendons dans des flacons de 100 ml, pas plus, au prix fixé par l’Etat. Quand le client n’en a plus, il revient remplir son flacon.

Il y a des rumeurs qui circulent sur des pharmacies qui vendent des masques confectionnés par des bénévoles. N’est-ce pas un peu choquant ?

Nous nous sommes battus pour pouvoir avoir des masques et du gel, de fabrication française, produits en Aveyron, et voilà ce qui circule sur Internet… Il n’y a aucune vente au noir, nous achetons nos masques et nous les revendons, nous avons des factures… Ces rumeurs portent le discrédit sur une profession qui se coupe déjà en quatre et qui est aussi impactée par le Coronavirus, en première ligne. Il y a par exemple un mois et demi que je n’ai pas vu ma femme et mes enfants… Alors quand je lis ça, je suis profondément choqué et blessé.

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