Patrimoine Millavois : Le pont du Larzac

Marc Parguel
Marc Parguel
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Le pont en 2019 (© Alice Laur Bosc)

Commencé en janvier 1988, le pont du Larzac, appelé dans un premier temps « pont de la RN9 », fut terminé à la fin de l’année 1989 et mis en circulation à partir du 27 juin 1990. Développé sur 160 mètres et posé sur trois piles en béton armé, son tablier en courbe offre une largeur de 10,50 mètres permettant de réaliser deux voies de 3,50 mètres et un trottoir de 2 mètres. Voici son histoire…

Plus de cent ans se seront écoulés entre la chute du pont de fer et la construction d’un nouveau pont en amont de celui-ci.

Depuis la réalisation de travaux sur la RN 9, à Lodève (Larzac), au début des années 1980 autour de Séverac et d’Aguessac, le bouchon de Millau et du pont Lerouge apparaît plus gênant et rend nécessaire la mise en place d’une déviation avec un nouveau pont sur le Tarn.

Cette déviation a pour fonction essentielle l’amélioration du trafic de transit et de rendre plus aisés les déplacements urbains.

Les études concernant la RN 9 ont commencé en 1974. La déviation de Millau a été scindée en deux tronçons :

  • Accès Nord (arrivée par Aguessac), dont l’avant-projet a reçu un avis favorable de la mairie, en date du 12 mars 1982.
  • Accès Sud dont l’avant-projet avec ses deux variantes a été présenté par le directeur départemental de l’équipement et les ingénieurs de C.E.T.E d’Aix le 22 juin 1983, discuté par les commissions municipales et les organismes socioprofessionnels concernés.

Le conseil municipal de Millau (maire Gérard Deruy) dans sa séance du 12 juillet 1983, après avoir pris connaissance des documents et avis divers, décidait de choisir le tracé aval (pont de Fer) avec les dispositions suivantes :

  • Obtention des matériaux nécessaires aux remblais par recalibrage du Tarn pour la protection contre les crues et rendant, en particulier, hors d’eau, la RN 9
  • Prolongation de l’ouvrage de franchissement du Tarn jusqu’au talus existant de l’ancien pont de Fer et donc sans aucun nouveau remblai dans le lit secondaire du Tarn
  • Réalisation d’un échangeur plan avec giratoire à priorité à gauche au pied de la côte de la Cavalerie, avec raccordement direct souhaité du chemin de la Graufesenque…

Après ce choix de tracé, il reste à obtenir de l’Etat une réalisation rapide des travaux les plus urgents, en particulier du nouveau pont et une charge financière minimum pour la commune de Millau (d’après Bulletin municipal n°2, octobre 1983)

En 1985, ce projet de nouveau pont est réellement lancé, une maquette est réalisée et on parle d’une ouverture à la circulation dès 1987. La presse nous apprend que ce pont « permettra une meilleure fluidité du trafic routier et notamment des poids lourds, en désengorgeant la place Bompaire, la rue Louis Blanc et la place de Martyrs de la Résistance. Les travaux débuteront dès octobre 1986. L’investissement estimé est de 35.000.000 de francs ».

Maquette du pont en juin 1985.

Dans l’exécution des travaux, le pont de la RN9 tel qu’il était nommé alors prit du retard. Des études techniques poussées furent nécessaires et le chantier ne commencera que doucement à partir de janvier 1988. Dans un premier temps, il a été nécessaire de bâtir une digue de terre (estacade) sur la moitié du lit du Tarn, c’est-à-dire, au point d’implantation de la pile centrale du pont.

La construction du pont

Signé dès le mois de juillet 1988, l’ordre de travaux du nouveau pont ne reçut un réel commencement d’exécution que fin août.

Début des travaux.

Pour sa construction, cet ouvrage a mobilisé les entreprises Baudin-Chateauneuf, Lagarrigue, Bisseul, Bigard et Sévigné.

Un forage jusqu’au rocher (2 à 3 m sous le lit du Tarn) a permis de couler trois pieux en béton. Ces pieux viendront supporter les chevêtres, puis la pile elle-même. Cette opération sera renouvelée pour les deux autres piles, tandis que deux culées en pierres seront construites sur les rives.

En octobre 1988, le nouveau pont sur le Tarn commence à inscrire sa silhouette dans le paysage. Une première pile émerge des eaux. C’est une masse de 250 tonnes de béton capable d’en supporter 950. Sur elle viendra s’appuyer le tablier où prendra place une chaussée de huit mètres de large et un trottoir de deux mètres.

Dans son travail de conception, la direction de l’équipement a cherché à rendre l’ouvrage compatible avec la violence des crues, tout en permettant la meilleure intégration possible dans le paysage.

Il restera à lancer le tablier du pont. Cette opération devrait pouvoir se dérouler en juillet 1989. La livraison de l’ouvrage est prévue pour janvier 1990. Il restera alors à parfaire les accès.

Le coût total de l’ouvrage se chiffre à 13 millions de francs pour 18 mois de travaux.

Le pont fin 1988 (© Miche Caumes)

La pose du tablier (1989)

140 tonnes de poutres métalliques se déplaçant sur 65 mètres au-dessus du Tarn pour constituer le tablier du nouveau pont de la RN9 représentent une prouesse technologique.

Le bulletin municipal de Millau nous explique en détail sa mise en place :

« Tiré à l’aide d’un puissant treuil et roulant sur des galets à partir de la rive gauche du Tarn où il a été assemblé, cet impressionnant ensemble s’est déplacé à une vitesse de 0,5 mètre par minute. Son parcours de 65 mètres l’a conduit au-dessous de la première pile du pont. Pour cela, il était équipé à son extrémité d’un « avant bec » lui permettant, par son profil biseauté, de glisser d’abord et de franchir ensuite cet appui. Un troisième et un quatrième lancement ont, depuis, suivi ce lancement officiel. L’ensemble de la charpente métallique de 2 mètres d’épaisseur a été acheminé par voie ferrée. Au total, ce sont 280 tonnes qui sont ainsi déplacées au-dessus de la rivière pour constituer l’ossature métallique du tablier du nouveau pont » (Bulletin municipal n°25, p.8, juin 1989)

En novembre 1989, le nouveau pont de la RN9 est en place. Il reste à réaliser les accès pour l’ouvrir à la circulation. C’est l’objet des travaux qui ont lieu en décembre, avec la mise en place des remblais, la confection d’un passage sous-terrain pour piétons et l’aménagement d’une aire de repos.

Plus en amont, un mur de soutènement a été construit. Il permet de rattraper le tablier du pont. En effet, le nouveau tracé de la RN9 est légèrement surélevé par rapport à son niveau actuel.

On émet en novembre 1989 l’idée d’appeler ce nouveau pont : le pont du Larzac.

Conscients des problèmes de circulation qui se posent plus particulièrement durant la saison estivale dans la traversée de Millau, les services de l’équipement et les entreprises, principalement l’entreprise Sévigné de Millau, ont dû accélérer les travaux pour atteindre l’objectif de mise en service fixé pour fin juin. Les terrassements et chaussées ont ainsi été réalisés en un temps record de 8 mois.

Lors de l’inauguration du pont.

Après la pose des équipements de sécurité et d’exploitation, la déviation de l’accès sud de Millau a été ouverte aux véhicules légers et aux poids lourds à partir du 27 juin 1990.
Le statut de déviation de cette voie n’autorise aucun accès direct et par mesure de sécurité sont interdits les deux roues, les engins agricoles, les véhicules hippomobiles et les piétons (Bulletin municipal, n°29, juillet 1990)

Quelques chiffres et informations :

  • Longueur du tablier : 160 mètres en 4 travées de : 34-46-46-34 m, largeur : 10,50 m.
  • Mur de soutènement en bordure du Tarn : longueur : 215 mètres, hauteur : 4,50 m.
  • La circulation piétonne est strictement interdite sur l’ouvrage d’art.
  • Coût des études- acquisitions foncières et travaux : 62 825 000 francs. Clé de financement : Etat 2/3
  • Collectivités territoriales (Mairie de Millau, Conseil Général de l’Aveyron, Conseil Régional de Midi-Pyrénées) : 1/3.

Depuis 2011, durant la période estivale, une passerelle piétonne flottante d’une longueur de cent mètres est mise en place. Elle se situe exactement à l’emplacement de l’ancien pont de fer et permet la jonction depuis les berges du Tarn avec le parc des loisirs de la Maladrerie.

La passerelle en 2016 (© Gérard Rouquette)
Fresque sous le pont en 2017.

Marc Parguel

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