Gastronomie

Millau. Des oreillettes et des crêpes pour la Chandeleur

La Chandeleur ou plutôt « chandelle » tire son origine du latin festa Candelarum ou fête des chandelles : c’est la fête de la lumière revenue, de la prospérité, célébrée 40 jours après Noël. Nombreuses sont les fêtes religieuses qui revêtent une coloration gourmande. Après la galette des Rois, les crêpes ! En Rouergue, on ne connaissait guère la galette des Rois. Pour la Chandeleur, on faisait parfois des crêpes (pascadons) et des gâteaux (aurelhetas).

Ces gâteaux (los aoureliétos, francisées en « oreillettes ») sont traditionnels de la Chandeleur, de la Mi-Carême ou des fêtes votives. La Chandeleur est fêtée par l’Eglise le 2 février. Cette fête a pour objet d’actualiser la Présentation de Jésus au Temple et la Purification de la Vierge Marie (Luc 2, 22-29). Elle tire son nom des cierges bénis – autrefois appelés Chandelles – qu’on porte en procession ce jour-là. Enfermé précieusement dans l’armoire, le cierge devenait l’élément indispensable d’une véritable liturgie familiale.

Si l’orage grondait, vite on l’allumait ; on l’allumait aussi dans la chambre du malade qui allait recevoir le viatique. A l’agonie, on le laissait brûler, de toute façon, même en cas de mort subite, il brillait au chevet du lit avant même de faire la toilette funèbre du cadavre. Le cierge de la Chandeleur était le symbole du Christ ressuscité et de notre propre résurrection.

Un habitant de la Roque Sainte Marguerite à ce sujet nous a rapporté : « On allait à l’église pour la Chandeleur. Nous faisions bénir un cierge qu’on gardait dans la maison et, quand quelqu’un mourrait, on le mettait sur la table de nuit. »

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A Veyreau dans chaque famille, on en possédait toujours un et à St André de Vézines « Quand les cierges étaient bénis, nous les faisions brûler lorsqu’il tonnait ». Et comment se servait-on du cierge ailleurs ? La réponse nous est donnée par le Père P. Blanc :

« Dans certaines régions, à Najac par exemple, au repas qui suivait les obsèques, le cierge brûlait à la place du défunt laissée vide. Ailleurs, dans l’Aubrac, c’est à l’anniversaire du décès dit « le bout de l’an » qu’on invitait les proches. A la fin des agapes, on posait le cierge de la Chandeleur allumé au milieu de la table et on priait une dernière fois ensemble pour le disparu dont la flamme du cierge proclamait la survie » (Revue la Maisonnée, novembre décembre 1973, Montpellier).

La tradition de manger des crêpes ce jour-là daterait du 2 février 472 après Jésus Christ, quand le pape Gélase 1er offrit aux pèlerins harassés, arrivant à Rome, des galettes faites de farine et d’œufs. Une autre hypothèse serait la survivance d’un mythe remontant aux temps les plus reculés où la crêpe (ou la galette) symbolisait la roue solaire.

On prétend en effet que les crêpes, par leur forme ronde et dorée, rappellent le disque solaire, évoquant le retour du printemps après l’hiver sombre et froid, mais attention comme le rappelle le dicton : « A la Chandeleur, l’hiver meurt ou reprend vigueur ».

En basse vallée d’Olt, on pratiquait l’envoi de la première crêpe sur l’armoire en tenant un écu à la main afin d’assurer la prospérité de la maison. Mais d’une manière générale, cette tradition très répandue en France et dans d’autres régions occitanes, n’était pas pratiquée en Rouergue (Al Canton, Rouergue, 2007).

Les crêpes (couverture du Petit journal, 26 février 1911).

Le journal « Midi Libre » dans son édition du 30 janvier 2004 indique une autre superstition « A la campagne, pour protéger les récoltes, on fait sauter la première crêpe sur l’armoire, car elle ne moisira jamais ».

La Chandeleur marque l’ouverture de la période de Carnaval. C’est en même temps, un signe de renaissance, de promesse d’avenir. La crêpe est censée exorciser la misère et le dénuement. Symbole de la lumière, la crêpe de la Chandeleur doit être faite de froment provenant de la moisson précédente. On peut en empiler sans craindre la famine, car bientôt les champs reprendront vigueur et leur blondeur.

Préparer de bonnes crêpes (15-20) est à la portée de tout le monde :

  1. Versez doucement 1/4 de litre de lait à température de la pièce dans 150 grammes de farine. Ajoutez 50 g de sucre.
  2. Battez vigoureusement 3 gros œufs entiers dans un bol.
  3. Une fois la pâte homogène, incorporez-les vigoureusement, puis ajoutez 3 cuillères à soupe d’huile de tournesol, ou mieux de beurre fondu.
  4. Allongez à volonté, avec 1/4 de lait tout au plus.
  5. Laissez reposer 1 heure, elle sera plus lisse à travailler et les crêpes se déferont moins.
  6. Ajoutez un petit verre de bière et éventuellement une cuillère à soupe de fleurs d’oranger…
Les oreillettes.

A Veyreau comme à St André de Vézines ou Pierrefiche, « per la Candelor fasiam d’aurelhetas ».

Voici pour terminer la recette de ces gâteaux « oreillettes » d’après Pierre Solassol :

  1. Disposer en fontaine, 2 livres de farine (2 fois 500 grammes), mettre dans cette fontaine : 2 verres de sucre semoule, 2 cuillerées à soupe d’huile, 1 demi-livre (250 grammes) de beurre ramolli,1 petit verre de rhum.
  2. Raper (sur la rape à fromage) la peau de deux belles oranges Mélanger ces ingrédients peu à peu pour éviter les grumeaux, avec la farine et les œufs coupés un par un.
  3. Sur la table légèrement farinée afin qu’elle ne colle pas, pétrir la pâte pour lui donner du « corps » jusqu’à ce qu’elle soit bien lisse.
  4. Laisser reposer deux heures dans un plat creux. Couvrir. Découper en pâton de 100 à 150 grammes. Sortir 4 boulettes par pâton.
  5. Fariner légèrement la table, étendre au rouleau chaque boulette, à la dimension d’une assiette, plus une « oreillette » est fine, meilleure elle est.
  6. Cuire dans l’huile bouillante, dans une poêle, car il est conseillé de changer l’huile chaque 6-8 « oreillettes », retourner avec deux cuillères ou spatules en bois.
  7. Une fois cuite saupoudrer chaque « oreillette » d’une petite poignée de sucre semoule. (La Petite Encyclopédie des Grands et Petits Causses, novembre 2005)

Marc Parguel

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