Causses et vallées

La chapelle Sainte-Magdeleine de Marnhagues (commune de Marnhagues et Latour)

Mentionnée pour la première fois en 1184, la chapelle Sainte Magdeleine de Marnhagues, joyau de l’art roman, se situe dans un bosquet de chênes à 300 mètres au sud du village de Marnhagues, sur le Causse du Larzac dans le canton de Cornus.

Pour nous y rendre, nous prendrons une petite route sur la gauche de la D 7, qui relie Cornus à Saint-Affrique, peu après Latour. On atteint l’église en prenant la voie à gauche 200 m avant les maisons, et en terminant à pied par un chemin qui contourne des bâtiments abandonnés.

Plan de situation

Le hameau de Marnhagues dont le nom vient de Marnius ou Marinius, tire le nom d’un village gallo-romain Marniaca (d’après Jacques Astor) fait aujourd’hui partie de la commune de Latour. Ce hameau forma primitivement une paroisse séparée, avec son église, son cimetière et son curé. C’est une paroisse très ancienne située sur le causse du Larzac, tandis que La Tour, siège seigneurial se trouve dans le grès rouge au bord de la Sorgues.

La chapelle en 1960.

La chapelle est mentionnée pour la première fois en 1184, où il est dit qu’elle relève de l’abbaye de Vabres (Jacques Bousquet, 1994). Pourquoi était-elle dédiée à Sainte Madeleine ?

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Michel Farret nous apporte la réponse : « Le culte de la sainte trouve sa plus grande dévotion au XIIe siècle après la prédication de la seconde croisade à Vézelay où elle est honorée dès le IXe siècle » (Lettre de la SARAC, numéro 41, janvier 2016)

En 1197, on trouve comme témoins d’un don fait à Nonenque, les tenanciers de Marnhagues, Déodat de Marnagas et Hugues de Marnagas, vassaux des de La Tour (Clovis Brunel, les plus anciennes chartes, 1926).

Cette chapelle, comme plusieurs de ses voisines, entra assez rapidement dans la dépendance du chapitre de Rodez. En 1262, Guillaume Attizal, chanoine de Rodez et recteur de Marnhagues, apparaît dans un accord avec Nonenque. Il échange aussi avec Guillaume de la Tour des pierres provenant de bâtiments en ruine de Marnhagues (le sésal) qu’il a devant le portail de l’église, ce qui semble indiquer que le village était en voie d’abandon et que ses habitants se transféraient à la Tour (Charte 81 du cartulaire de Nonenque).

Le hameau de Marnhagues.

En 1338, le seigneur Bernard de Latour réunit les habitants de Latour et de Marnhagues et on fit la transaction suivante : chaque année, à la fête de Saint Michel, 29 septembre, chaque habitant devra payer une redevance pour chaque bête foraine qu’il possède. Si la bête est petite, il donnera une maille, et, si, au contraire, elle est grosse, il donnera dix deniers tournois. En retour, le seigneur leur donnait la faculté de mener paître leurs bestiaux dans ses terres ou devois, mais il se réserva la faculté qu’ont toujours exercée ses devanciers, de céder à des particuliers des terres vacantes ou en friche pour y faire du blé ou d’autres fruits (Raymond Calvet, notaire de Latour). Cette coutume demeurera plus de deux siècles.


La paroisse de Marnhagues, isolée, en perte d’autonomie disparut assez tôt et fut sous l’ancien régime rattachée à celle de St-Maurice-de-Sorgues comme le nous le rappelle Frédéric Hermet : « Marnhagues était annexé au prieuré de Saint Maurice de Sorgues et le recteur présenté par le chapitre de Vabres » (Revue historique du Rouergue, 15 juin 1929)

La chapelle vue du cimetière.

On la voit rattachée sur des actes de 1776.

Au reste, en 1752, lors de la construction de l’église de Latour, les habitants de Marnhagues paraissent très peu dans les délibérations que prennent à ce sujet les habitants de Latour et dans les frais que cette construction leur occasionna. Il semble peu probable aussi que les habitants de Marnhagues fussent obligés autrefois, d’aller aux offices divins à Saint Amans, alors qu’ils étaient si près de Saint-Maurice. (D’après Georges Nicouleau, à la découverte du canton de Cornus, Albi, 1979).

Le dictionnaire des lieux habités de l’Aveyron mentionne en 1868 pour le village de Marnhagues, 76 habitants, la Tour 163 (Dardé)

Description

Solitaire en pleine nature, c’est un joyau de l’art Roman dont l’édifice primitif remontait sans doute au Xe siècle et comportait une nef rectangulaire charpentée et un chevet, sans doute rectangulaire et voûté en berceau. Celui-ci a subi une réfection au XIIe siècle ainsi que la façade méridionale de la nef et le portail. On a remanié plus tard les parties hautes et ajouté le clocher. Celui-ci ressemble à une tour de défense. On sait que le haut fut transformé en refuge (trou d’arquebuse du XVIe s.). Jean Delmas mentionne qu’il existait, dans les environs, sur la Sorgues, une mouline pour battre le fer (1448). Une tribune a été rajoutée à l’intérieur au XVIIe siècle.

Plan de la chapelle (chanoine Débat).

Pauline de la Malène fait une analyse de l’ensemble : « Le plan du Xe siècle n’a pas été modifié pour la nef, dont les bases, comme celles de l’arc triomphal, doivent être primitives. Elle conserve à l’intérieur un bénitier orné d’une double tresse. L’appareillage soigné du portail du XIIe siècle et des parties de la façade qui lui sont solidaires tranche avec le reste de la construction. » (Parcours romans en Rouergue, 2009)

Le portail (extérieur).
Détail du portail (de l’intérieur).

Le chanoine Débat ajoute : « L’archivolte extérieure du portail est entourée d’un cordon mouluré et orné de cabochons qui s’amortit par un retour horizontal, sous l’intrados un gros boudin prend appui sur les chapiteaux, fort abîmés, de deux colonnettes qui semblent le prolonger. L’archivolte intérieure retombe sur les impostes des pieds-droits ; la face interne de ces derniers est ornée d’un long cartouche vertical entourant une rangée de cabochons. L’ouverture en plein cintre ne comporte pas de tympan ; l’ébrasement intérieur est sans profondeur » (Notes dactylographiées).

Tableau de la chapelle (collection particulière).

Reprenons la visite avec Pauline de la Malène : « Le chevet, extérieurement, comporte une abside en hémicycle sur talus et une travée droite un peu plus large. Des contreforts qui vont en s’amenuisant contre-butent l’hémicycle et le séparent de la travée droite. Sous la corniche, de simples alternances de vides et de pleins constituent l’unique décor, fréquent en sud Aveyron. La fenêtre axiale a été obturée, deux autres largement ébrasées percent chaque face de la travée droite. L’ensemble, très soigneusement appareillé, est d’une grande sobriété.

A l’intérieur, la travée droite est voûtée en berceau sur corniches, l’abside semi-circulaire et en cul-de-four, largement dissimulée par le retable, marque un léger retrait souligné par un étroit arc-doubleau sur consoles.

Le retable.
Intérieur de la chapelle.

Le clocher, avec sa tour carrée et ses quatre baies en plein cintre sur impostes, s’inscrit dans la tradition romane mais pourrait être un peu plus tardif. En tout cas l’étage supérieur a été aménagé, sans doute au XVIe siècle, pour servir de refuge et de défense. L’étage inférieur, ouvert sur la nef par un arc en plein cintre sur impostes et voûté d’un berceau transversal sur corniches, constitue une chapelle latérale. A l’extérieur de l’édifice, on relève la trace de diverses constructions qui sont venues s’y appuyer. »

Le logis presbytéral à l’ouest est venu s’accoler à la chapelle, une porte le mettait en communication avec la nef. La nef unique charpentée mesure 7,70 m x 4,54 m.

Le cimetière entoure l’abside construite en assises de grès.

Un sarcophage placé dans un mur du cimetière.

L’hôpital médiéval

Les bâtiments qui formaient l’hôpital de Sainte Magdeleine.

A 150 mètres au nord-ouest de l’église, des bâtiments sont visibles sur toute une longueur. Malgré l’absence absolue de documents sur ces constructions, la tradition orale veut que cet ensemble formât jadis un hôpital où les religieux se tenaient. Situé à l’entrée du village, non loin de l’église, sur la façade de la bâtisse voutée, le mur pignon nord-est percé d’une baie trifoliée. On aperçoit encore une série de corbeaux parfaitement conservée sous l’avant-toit. Les murs sont particulièrement épais (0,90m d’épaisseur).

« En 1974, André Soutou a rappelé qu’au Moyen Age, le vocable dédié à Sainte Madeleine patronne des œuvres charitables, désignait généralement un petit hôpital. Il cite à la Cavalerie l’hôpital de Sainte Magdeleine du Redoulès dit aussi en 1151 l’hôpital de l’Avenq. » (Relevé par Michel Farret, novembre 2015).

Au Moyen âge, nombreuses étaient les chapelles qui étaient situées à des passages difficiles, avec un hôpital à proximité :

L’hospitalet du Larzac tire son nom et son origine d’un hôpital que le vicomte de Millau, Gilbert ou Guibert, fonda sur le Larzac vers 1100 « en l’honneur de Jésus Christ et pour le soulagement des pauvres ».

Les Vals sur le causse Rouge, possédait une chapelle dédiée à Notre Dame avec son hôpital (mentionné en 1204) comme nous le rappelle Jules Artières : « Il y avait anciennement aux Vals, près St-Germain, un hôpital, avec chapelle qui dépendait de l’Hôpital du Pas, de Rodez. Il était administré par un commandeur, qui était prêtre et exerçait les fonctions curiales. » (Messager de Millau, 5 janvier 1907).

Marc Parguel

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