Comme il est de tradition, à l’occasion de la nouvelle année, Christophe Saint-Pierre, maire de Millau et président du Conseil de surveillance du centre hospitalier et Didier Bourdon, administrateur provisoire, organisaient, aujourd’hui à midi, une cérémonie de vœux au self du Centre hospitalier de Millau.
Une cérémonie à destination du personnel hospitalier, mais qui ne s’est pas du tout déroulée comme prévu, puisque des dizaines de manifestants opposés à l’hôpital médian (CGT, Sud Santé, Gilets jaunes, Intersyndicale, PCF, membres de la liste « Pour une Alternative Écologiste et Anticapitaliste »…) ont investi le self avec la ferme intention de se faire entendre.
Dans un brouhaha indestructible, c’est Christian Barbut, porte-parole du syndicat SUD-CGT à l’hôpital de Millau, qui a ouvert les hostilités. « Plus ça va, moins nous sommes convaincus du site unique par rapport aux expériences qui ont été faites ailleurs et nous pensons qu’effectivement c’est une réduction de l’offre de soin, mais aussi une réduction des salariés parce qu’il y a toujours un plan social qui accompagne ces fusions », a-t-il déclaré en prenant l’exemple de l’hôpital Nord-Deux-Sèvres où 300 emplois ont été supprimés.
« Aujourd’hui, nous sommes dans l’opposition »
« Nous ne croyons plus à vos promesses, a-t-il continué. Aujourd’hui, il ne suffit pas de dire « il faut redonner confiance aux salariés, il faut leur expliquer, il faut dire aux salariés qu’effectivement on rasera mieux demain ». Non, le contexte qui est le nôtre nous oblige à dire que nous n’avons pas besoin d’être rassurés, parce qu’aujourd’hui, nous sommes dans l’opposition. »
Corinne Mora, déléguée syndicale CGT (et membre de la liste « Millau Naturellement » d’Emmanuelle Gazel pour les Municipales, NDLR), a ensuite pris le micro pour dénoncer un consensus « qui n’est que politique ».
« La population, les usagers, le personnel n’ont pas été consultés, si ce n’est lors de l’audit du Mupy dont vous nous cachez les résultats depuis bientôt trois ans. Cette étude de faisabilité technique, capacitaire, financière et humaine où 4 scénarios étaient étudiés (tout à Millau, tout à Saint-Affrique, hôpital médian ou conserver les structures de Saint-Affrique et Millau) a été remise aux élus, à l’ARS et à notre direction. A ce jour, personne ne veut nous communiquer ce rapport dans sa globalité, personne ne souhaite que la population prenne connaissance de ces conclusions ».
Et de questionner l’auditoire :
« Quel est donc ce si grand secret qu’il ne faut pas dévoiler ? Qu’est-ce qui permet de justifier ce choix en termes d’offre de soins ? Qu’est-ce qui permet de dire que cet hôpital doit être à Saint-Georges-de-Luzençon ? Quels services ? Quelles spécialités ? Au sein de chaque service combien de lits d’hospitalisation ? Quelle est la pertinence de remplacer deux sites par trois sites en cas d’hôpital médian ? Quelle est la pertinence de déménager un hôpital de quelques kilomètres ? Un tel coût est-il justifié pour le contribuable ? »
C’est dans cette atmosphère chahutée que Didier Bourdon, administrateur provisoire, a pris le micro, littéralement encadré par des manifestants. Mais, trahi par la technique, il dut se résoudre à demander le micro de… Christian Barbut. « Merci de ce soutien à notre projet », a-t-il ironisé, provoquant les huées du public…
« Tout ce qui a été entrepris en 2019 a montré que c’était possible »
C’est finalement à voix haute que Didier Bourdon a prononcé ses vœux, puisqu’une nouvelle fois la technique lui a fait défaut. « Même le micro ne veut pas de vous ! », a crié quelqu’un dans l’assistance. Ambiance.
« Il y a un an, ici même, vous vous interrogiez sur le sens à donner aux deux administrations provisoires qui m’avaient été confiées. Sa prolongation, cette année de travail avec vous que je tiens à souligner, et les résultats obtenus vous auront, je l’espère, éclairés et rassurés », a-t-il déclaré, entrainant inévitablement des ricanements.
« Un travail de tous, un travail concomitant avec les deux CH du Sud-Aveyron, en liaison avec les acteurs du territoire, aura abouti, en fin d’année, à une lettre de notre ministre annonçant le soutien de l’Etat au projet d’hôpital médian, pierre angulaire d’un projet de soin plus vaste concernant l’ensemble du Sud Aveyron », a rappelé l’administrateur provisoire, avant de rappeler « quelques faits marquants de l’année 2019 » :
« Une visite de certification ponctuée par un A remarquable, une offre de soin maintenue et même enrichie dans un contexte effectivement difficile, une élaboration du projet médical du Sud Aveyron associant l’ensemble des médecins, les deux centres hospitaliers, ceux du CHU ainsi que l’ensemble des généralistes, un début de mutualisation des ressources des deux CH, une gestion médico-administrative particulièrement renforcée. »
Pour 2020, Didier Bourdon cible deux priorités d’actions : « un projet d’hôpital médian complété comme vous le souhaitez pour le documenter pour le mois de juin, et un ensemble d’actions communes aux deux établissements démontrant qu’il est réaliste. Tout ce qui a déjà été entrepris en 2019 a montré que c’était possible. Reste maintenant à conclure ce travail. Me concernant, je suis très optimiste et je sais que nous pouvons compter sur vous. L’année 2019 s’est bien achevée, 2020 commence également sous de bons auspices, l’ARS ayant soutenu voire augmenté son soutien financier à nos efforts ».
Après les huées ponctuant le discours et l’appel à organiser un référendum sur l’hôpital, c’est Christophe Saint-Pierre, président du Conseil de surveillance du centre hospitalier, qui a pris la parole.
« Il faut défendre l’offre de soin qui existe »
Le maire de Millau a pointé du doigt « la situation des hôpitaux sur notre territoire national » et « les inquiétudes que nous partageons sur le financement des hôpitaux publics ». « La santé doit être un des engagements régaliens de l’Etat, et tous les moyens doivent être mobilisés en la faveur de la santé », a-t-il assuré.
Concernant l’hôpital médian, Christophe Saint-Pierre a mis en avant « la sécurité sanitaire de nos concitoyens et la prise en charge publique de nos populations. »
« Des actions ont été menées depuis des dizaines d’années sur les deux hôpitaux et il faut bien constater que nous en arrivons à une solution d’échec. Aujourd’hui, une autre perspective s’ouvre à nous avec l’hôpital médian, cette perspective, elle est à construire, elle est en construction. Ce qui nous importe aujourd’hui c’est ce que doit être l’offre de soin et le projet médical de cet hôpital médian. En tant qu’élus, il est de notre devoir, et c’est ce que je fais, de prendre des responsabilités, de prendre des décisions. Le travail de réflexion qui a été le nôtre sur le comité de pilotage arrive aujourd’hui à un consensus, qui n’a pas toujours été le cas sur le territoire du sud Aveyron, pour aller vers cette perspective. Je suis confiant dans le travail qui doit être fait pour arriver à proposer une offre de soin publique pour l’ensemble du Sud-Aveyron. »
Une dernière phrase accueillie par des huées. « Elle existe l’offre de soin ! », a hurlé une manifestante, visiblement énervée. « Qu’est-ce que vous nous racontez comme bêtise ? Il faut la défendre l’offre de soin qui existe. Les gens sont soignés correctement, ils l’ont toujours été. On est compétents et on va le rester, on va continuer à soigner les gens. On est là et on soigne les gens là, aujourd’hui », a-t-elle déclaré, dénonçant au passage « un travail de sape mis en place depuis des années. Arrêtez de tout détruire ! »
C’est dans ce contexte que le député Arnaud Viala a pris à son tour la parole, soulignant « la qualité du travail et des prises en charge qui sont faits dans nos hôpitaux actuels ».
Avant de reconnaitre « ce qui a été mal fait, notamment sur les conséquences de la T2A et de la tarification à l’acte sur des hôpitaux de la catégorie des nôtres, ici. Ce dispositif a engendré des difficultés et je suis favorable à ce qu’il soit corrigé et revu. »
« Soignez-vous vous même ! »
Concernant l’hôpital médian, le député a redit :
« C’était la solution pour garantir la sécurité sanitaire des citoyens du sud Aveyron. Je l’ai dit de manière constante et j’ai reçu autant que de besoin, à chaque fois qu’ils me l’ont demandé, et j’ai informé vos représentants sur tous les éléments du travail qui était effectué. L’annonce qui a été faite en fin d’année est une annonce qui permet de franchir une étape. Ce n’est pas la fin de la procédure. Il y a un travail de meilleure communication qui doit être mis en œuvre à l’intérieur des deux hôpitaux et auprès de la population à travers le comité de pilotage qui a fonctionné jusque là. »
« On n’a jamais aussi mal communiqué depuis qu’on nous parle de communication ! On était beaucoup plus en lien avant », a crié une salariée en lui coupant la parole.
« Moi je veux bien tout entendre, mais si avant ça avait été parfait, on n’aurait pas eu chaque année, ici, des remontées de mécontentement, ce n’était pas parfait avant ! », a hurlé à son tour Arnaud Viala…
« Comment parler de communication quand on a un directeur qui ne nous communique rien ? Commencez par là, soignez-vous vous même ! » a répondu la manifestante, créant un tohu-bohu dans l’assemblée empêchant toute autre prise de parole.
Un exercice de démocratie dans toute sa splendeur, mais qui n’aura, il y a fort à parier, fait avancer le schmilblick ni d’un côté ni de l’autre…