Patrimoine millavois

Patrimoine millavois : Le temple protestant

Le temple protestant bâti de 1871 à 1875 se situe dans le centre-ville de Millau, à l’emplacement du couvent des dominicains. Il se présente avec une sobre élégance, selon un axe perpendiculaire à celui de l’ancienne église des Jacobins, où le culte réformé s’était célébré depuis la Révolution.

Le Temple en 1905.

Le calvinisme apparaît en Rouergue vers 1558, à Millau et Villefranche-de-Rouergue. Les notables sont les premiers séduits, avec les laboureurs, mais aussi les artisans du bâtiment, chaudronniers et surtout les marchands drapiers qui fréquentent les foires du Languedoc où s’échangent les idées de la réforme.

Il est prêché en 1560 à Millau grâce à l’enseignement des missionnaires cévenols. Un an plus tard, il triomphe sous l’impulsion du ministre Blaise Malet qui réunit des foules de sympathisants au sein de l’église Saint Martin.

La ville de Millau reste pendant plusieurs années sous le contrôle huguenot et devient l’un des bastions de la réforme. Dès 1562, les faubourgs sont incendiés, les églises abattues ou transformées.

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Après cinq années de réunions dans l’église Saint Martin, on se décide à bâtir en janvier 1566 un lieu de culte qui sera situé dans une impasse, entre cette église et la Rue droite (Rue Passerieu). Ce temple érigé sur un jardin acheté 300 livres à Catherine Gualine, femme de Pierre Montels, fut terminé rapidement, et coûta la somme de 2000 livres. Une fois l’impasse ouverte, on lui donnera le nom de « rue du prêche ».

Voici comment il est défini dans le cadastre du XVIIe siècle : « une maison, servant de Temple, confronte du levant noble de Guérin et noble de Gualy ; midi led. De Guérin et les R.P. Prêcheurs ; couchant la carrière de Passerieu et P.Combettes ; bise la maison du consistoire, Guérin et Amalrieu ; contient 91 canes 1/2 » (d’après Jules Artières, Millau à travers les siècles, p.420, 1943).

L’établissement de la place Emma Calvé a fait disparaître une partie de la rue du prêche, dans laquelle se trouvait une passerelle faisant communiquer l’immeuble des sœurs de la Miséricorde avec leur jardin aujourd’hui disparu.

La passerelle de la rue du Prèche en 1930.

Après l’édit d’Alès (20 juillet 1629), les ordres religieux réapparaissent tandis que les protestants renoncent à leurs places de sûreté. Les dominicains font bâtir un nouveau couvent, à l’emplacement du Temple actuel, après avoir été chassé d’un autre lieu de culte situé Place Emma Calvé (remontant au XIIIe siècle). Leur monastère se compose alors d’une église mesurant une vingtaine de mètres de long pour une largeur évaluée à une dizaine de mètres, bâtie en moellons de calcaire soigneusement assis, et de bâtiments conventuels. Le portail d’entrée de ces derniers porte encore la date de 1645, indiquant sans doute l’achèvement des travaux de construction.

Le portail d’entrée des bâtiments conventuels, rue des Jacobins.

Le temple de la rue du prêche reste en activité jusqu’à la révocation de l’édit de Nantes le 11 septembre 1685.

Persécutés, les fidèles quittent le royaume ou abjurent leur foi. Ils en sont réduits à démolir eux-mêmes leur lieu de culte pour prouver leur sincérité. Jusqu’à la Révolution, le culte reste clandestin. A cette époque, les protestants doivent enterrer leurs morts hors les murs de la ville, dans le cimetière des juifs situé entre la porte du Mandarous et la porte de la Tine, sous la responsabilité du consistoire.

En 1746, le cimetière est devenu trop petit ; de plus, une route doit emprunter son emplacement. Son transfert est décidé dans une propriété nouvellement acquise dans le quartier des Ouliès, le long de l’actuelle rue de la Fraternité, entre la Place de la Capelle et la route de Paris.

Il faut attendre la chute de l’ancien régime pour que des offices soient autorisés dans l’ancienne église des Jacobins, au commencement de 1792.

Voici ce qu’on peut lire dans les délibérations communales de Millau :

« Le 19 germinal an II (9 avril 1794), les citoyens de la communion romaine et ceux de la communion protestante inhument encore leurs morts dans des cimetières séparés ; cette distinction ne doit plus avoir lieu entre hommes libres et égaux…le cimetière de l’hôpital de cette commune sera uniquement consacré pour l’inhumation des cadavres de ces citoyens et il n’en sera plus inhumé dans le cimetière dit des protestants. »

En 1826, le cimetière des Ouliès est fermé ; les tombes sont transférées dans la section des protestants, au nouveau cimetière proche de l’avenue de Rodez (cimetière de l’égalité).
En 1795 (le 4 frimaire), l’église des jacobins dont la nation s’était emparée et qui avait été vendue comme bien national au prix de 11 500 l., au sieur Carrière, mégissier, est définitivement affectée à la communauté réformée qui le transforme en temple.

Cependant, au commencement de l’année 1867, la voûte de la salle des assemblées menace de s’écrouler. Celle-ci avait été pourtant restaurée en 1737, « avec deux arceaux supplémentaires en pierre de taille pour soutenir la voûte ». Le conseil municipal ordonne la fermeture du temple et le conseil presbytéral transfère le culte dans une grande salle de l’hôtel de ville, ancien hôtel de Pegayrolles, puis après autorisation du préfet dans les dépendances du palais de Justice, qui avait précédemment servi d’école pour les frères des écoles chrétiennes.

Projet d’un nouveau temple

En 1867, le culte protestant était reconnu par l’Etat depuis plus de soixante ans et le Conseil presbytéral demanda à la commune de lui édifier un temple pour y tenir ses assemblées.

Dès le 21 juillet 1867, une coupe longitudinale du Temple et l’élévation de la façade principale sont dressées par l’architecte Louis Alphonse Corvetto (1814-1887), de Montpellier.

Elévation de la façade du Temple par l’architecte Corvetto de Montpellier (Archives municipales de Millau).

On lui doit la construction de la Banque Villa (actuelle Mairie de Millau). Un devis estimatif des travaux et fournitures à faire est adressé à la commune le 26 juillet pour un total de 64 850 francs (Archives municipales 4M13). Les travaux sont acceptés par la commission départementale de l’architecture le 28 septembre 1868.

En 1869, il est décidé que le nouveau temple, soutenu par la Mairie, sera édifié à l’emplacement du couvent des Jacobins. Ce terrain, propriété de la communauté protestante, est offert à la ville gratuitement sous condition que la municipalité accorde une forte subvention au conseil presbytéral protestant, pour l’édification du troisième temple.

On prévoit une dépense d’environ 70 000 francs dont 50 000 devaient être soldées par la ville.

Le procès-verbal d’adjudication du 20 janvier 1870 précise que les travaux sont confiés à M.Corvetto, architecte à Montpellier. Suite à l’acquisition des maisons Cammas et Montet, l’orientation du Temple change, par rapport à l’orientation de l’église des dominicains (23 mars 1870).

On abat à partir de ce moment-là, les murs de l’ancienne église des dominicains, avec une bonne partie du cloître qui s’élevait sans doute sur sa partie orientale. Les travaux du nouveau Temple sont commencés dès 1871, d’après les plans dressés. Il prend la forme d’un sanctuaire de style romano-Byzantin.

On compte en cette année 1871, 1.120 protestants à Millau.

Le Temple en 1901.

Le temple est inauguré en 1873 (bien que l’édifice soit réellement achevé en juin 1875) en présence des élus et d’une foule nombreuse venue de toute la région. L’orgue qui jouait pour son inauguration étant très ancien (29 juin 1807) et jugé indigne d’un temple neuf fut remplacé, une fois les fonds réunis en 1880. La paroisse se rapprocha pour cela du facteur Thiébaut Maucourt à qui l’on doit également l’orgue de Notre Dame de l’Espinasse. Cet orgue du temple fabriqué entre 1880-1881, monumental installé au-dessus d’une tribune et de la chaire, et faisant face à la porte d’entrée fut utilisé pour la première fois lors du culte de Pâques 1881. Cet orgue a coûté 9.000 francs de l’époque.

L’orgue du temple.
Intérieur du temple (21 septembre 2019).

De 1873 à 1900, les pasteurs François, Boube, Bobinau, Blanc, Bisseux, Goût, Bonnefon, Merle, Dombre et Forget, assurèrent successivement ou simultanément leur ministère pastoral. L’année 1900 vit la nomination du pasteur Gaston Pellegrin, qui a exercé son ministère à Millau pendant quarante ans.

Porte d’entrée.

En 1928, des travaux de réfection sont réalisés, suite aux vibrations de la cloche qui occasionnent des désordres dans le campanile. Les façades sont restaurées en 1942, un an avant les vitraux. L’orgue a été restauré en 2007 par le facteur Bancells de Rabastens.

Marc Parguel

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