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Millau. Pourquoi la gendarmerie s’appelle « caserne Egron » ?

C’est le 27 mai 1982 qu’en présence de nombreuses autorités administratives, judiciaires et militaires, Charles Barbeau, Directeur général de la Gendarmerie nationale, a coupé le ruban tricolore pour inaugurer la nouvelle caserne, construite dans l’angle formé par les rues de la Saunerie et Pierre Bergé.

D’après la photo ci-dessus, ce geste symbolique, mais très important pour les gendarmes de la Compagnie de Millau, ne semble intéresser que Manuel Diaz, maire de Millau !

Néanmoins, toutes les personnalités vont partir se regrouper devant le monument, érigé dans la cour d’honneur, à la mémoire du gendarme Egron. Comme c’était le nom de l’ancienne caserne de la place Bion Marlavagne que les gendarmes ont quitté le 1er décembre 1980, le capitaine Serge Briscadieu, commandant de la Compagnie de Gendarmerie de Millau, a tenu à maintenir la même appellation pour la nouvelle caserne.

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L’ancienne caserne, place Bion-Marlavagne.

D’ailleurs, au cours de leurs interventions, les autorités ont remercié madame Egron qui assistait à la cérémonie d’avoir bien voulu accepter que le nom de son mari reste attaché à la caserne de gendarmerie de Millau.

Mais qui était le gendarme Egron ?

Louis, Hippolyte Egron est né le 18 septembre 1914 à Nouméa, en Nouvelle-Calédonie. Après son service militaire, il choisit de devenir gendarme. Et lorsque le bruit des bottes des hordes nazies se répand dans le sud de la France, il est en poste à la Brigade territoriale de Gendarmerie départementale de Saint-Martin-de-Londres dans l’Hérault. Il va y vivre la difficile et dangereuse cohabitation avec l’armée d’occupation, jusqu’à ce qu’il décide de rejoindre, au début du mois de juillet 1944, les FFI (Forces Françaises de l’Intérieur) du Gard.

D’ailleurs, avec leur Commandant, le Chef d’Escadron Colonna d’Istria, 442 gendarmes de l’Hérault sont partis ou vont partir, comme lui, renforcer, avec armes et véhicules, le maquis Aigoual-Cévennes. Dès son arrivée au maquis, le gendarme Louis Egron est détaché à l’encadrement des jeunes résistants. Cette mission ne l’empêche pas, à partir du 12 juillet, de participer à toutes les opérations périlleuses, entreprises contre l’ennemi, dans le sud du département du Gard. Un mois plus tard, le 15 août, a lieu le débarquement en Provence.

Quelle va être la nouvelle situation dans le sud de la France ?

Les divisions allemandes situées à l’ouest du Rhône reçoivent l’ordre de repli. Elles vont traverser le département du Gard en deux vagues successives. Afin de les retarder et de les affaiblir, le maquis Aigoual-Cévennes est passé à l’offensive dès le 15 août.

La première vague est d’abord accrochée à Alzon, puis, dans les Gorges de la Vis et enfin entre Ganges et Saint-Hippolyte-du-Fort. Le maquis Aigoual-Cévennes s’est déployé sur la ligne Pont d’Hérault, Ganges, Saint-Hippolyte-du-Fort, Quissac et Sommières.

S’appuyant sur cette ligne, il harcèle toutes les colonnes ennemies auxquelles il fait subir des pertes importantes, notamment aux quatre colonnes de la deuxième vague.

La première colonne « de Saint-Pons » passe par Sommières.

La deuxième colonne « de Toulouse », forte de 2.000 hommes, aborde Ganges le 24 août. Après de lourdes pertes infligées par le maquis Aigoual-Cévennes, la colonne tente le passage par Saint-Hippolyte-du-Fort qui est pourtant tenu par les maquisards. Après de violents combats, la colonne se retire en laissant de nombreux tués et blessés, ainsi que 250 prisonniers.

La troisième colonne « de Rodez », tenue en échec à Sommières, se rendra après de durs combats.

La quatrième colonne d’un effectif de 1.800 soldats, appelée colonne « de Cahors », mais aussi colonne « des Mongols », pille tout sur son passage. Elle tombe sur les maquisards à Quissac le 27 au matin.

Que s’est-il passé à Quissac ce jour-là ?

Ce matin-là, alors que le jour n’est pas encore levé, des éléments du maquis Aigoual-Cévennes se sont postés aux abords de la route de Sommières, à l’entrée de Quissac, pour intercepter des fuyards allemands. Dès que les premiers véhicules allemands se présentent, le gendarme Louis Egron qui commande le groupe 7 donne l’ordre d’ouvrir le feu. Plusieurs soldats allemands sont blessés. La résistance des maquisards est héroïque, mais vaine, car lorsque le jour se lève, les résistants s’aperçoivent vite que la colonne allemande, puissamment armée, compte plus d’un millier de soldats. Ils décrochent vers l’Ouest en traversant le Vidourle, mais Louis Egron qui est très gravement blessé ne peut pas les suivre. Les jambes presque complètement sectionnées par une rafale de fusil-mitrailleur, il agonise sur le trottoir, sans pouvoir être secouru.

Après avoir semé la terreur dans tout le village, la colonne reprend sa progression vers la vallée du Rhône.

Le bilan de cette tragique journée est lourd : quatre résistants et un habitant tués, plusieurs blessés parmi les habitants violentés, des otages traumatisés, des maisons détruites ou pillées.

La médaille militaire sera attribuée à titre posthume, à Louis Egron, mais également, la croix de guerre 1939-1945 avec une citation à l’ordre de l’armée (palme de bronze) : « Sous-officier brave et courageux qui, le 27 août 1944 à Quissac, son groupe ayant été surpris par une colonne allemande très supérieure en nombre, n’a pas hésité à ouvrir le feu de son arme automatique préférant se faire tuer sur place plutôt que d’abandonner le terrain qu’il avait pour mission de défendre ».

Le nom de Louis Egron est inscrit sur plusieurs monuments commémoratifs de la région. D’abord, une plaque sur les lieux du drame rappelle le sacrifice du gendarme. Son nom est aussi gravé sur le Monument aux Morts du cimetière de Mèze (Hérault), route des Adieux et sur le Monument aux Morts de Saint-Martin-de- Londres, Place de la Mairie.

Mais pourquoi le nom d’Egron a-t-il été donné à la caserne de gendarmerie de Millau ?

A la déclaration de la Seconde Guerre mondiale, la compagnie de l’Aveyron compose avec les compagnies de la Lozère et de l’Hérault, la 16e Légion de Gendarmerie qui deviendra le 1er octobre 1943 la Légion du Languedoc. La Brigade de Gendarmerie de Saint-Martin-de-Londres dans laquelle servait le gendarme Egron appartient donc à la même Légion que la Brigade de Millau.

Comme tous les noms des gendarmes aveyronnais tués par les allemands avaient été déjà donnés à des casernes du département de l’Aveyron, celui d’Egron a été attribué à la Brigade de Millau. En proposant que le nom d’Egron, héros de la résistance, soit maintenu aux bâtiments de la nouvelle caserne, le capitaine Briscadieu a pris une heureuse décision.

Tous les gendarmes actifs et retraités lui en sont reconnaissants.

Bernard Maury
Retraité de la Gendarmerie
Avec mes remerciements au Chef d’escadron Antoine Berna
Commandant la Compagnie de Gendarmerie départementale de Millau

Sources :
– « Dictionnaire des gendarmes morts à la Libération » de Raymond Duplan (2014).
– Journal de Millau du 4 juin 1982.

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