En contrebas de Saint Martin du Larzac, au pied de reliefs ruiniformes, dans une combe, la ferme troglodytique des Baumes (de Balma : Grotte) récemment restaurée, apparaît (Cadastre Millau, section L, parcelle 15). Au pied de cet abri s’est construit au cours des siècles un petit domaine agricole où l’on comptait en 1868, 15 habitants.
Le nom de « mas de las Balmas » est attesté dès 1488. Auparavant il était appelé : « le lichens » (d’après un compois consulté par Pierre Hérail).
L’auvent rocheux qui domine le hameau a été partiellement muré pour servir de résidence sans doute dès le XVIe siècle.
Voici comment il est défini dans le cadastre de 1528 : « Miquiel Canac, teysseyre : la boria à las Balmas contenen hostal et autras terras cultas et incultas, prat, ort, dona a las morgas de Milhau detz cartas fromen, sieys quartas ordy, 1 sestie sivada, ½ l. cera,de una part ; et l’autra part, à S. Johan de Hierusalem, dona 3 bassinas ½ fromen, 6 d. en argen et 1 cartié galina » (Jules Artières, Messager de Millau, 9 novembre 1912). Occupé par un tisserand, il relève des moines de Millau, probablement les bénédictins de Notre-Dame de l’Espinasse, puis de la commanderie hospitalière de Saint-Jean de Jérusalem située à Sainte-Eulalie de Cernon.
Cet abri troglodytique fut fortifié durant les premières guerres de religion, dès la deuxième moitié du XVIe siècle. Des aménagements défensifs comme les meurtrières sont aménagés, vers 1560. L’ensemble constitue une forciae : refuge où les habitants allaient se mettre à l’abri lors des passages des malfaiteurs et des « gens de guerre ».
Par la suite, on modifia sa destination, les fenêtres sont en partie comblées et un deuxième étage est ajouté au début du XVIIe siècle servant d’espace de stockage.
Description
Cet auvent rocheux fortifiée a deux petites tours rondes en saillie qui s’appuie au rocher et des bouches à feu qui montrent le souci de défense quand on est isolé.
L’ensemble se compose de trois niveaux :
1) Le rez de chaussée auquel on accède par une porte à linteau chanfreiné unique sur la gauche de l’édifice, après avoir gravi quelques marches taillées dans la roche. Dans son ouvrage sur « le Patrimoine des Causses », Françoise Galès ajoute : Elle était close par un vantail qu’une barre coulissant dans l’épaisseur du mur permettait de bloquer. Une meurtrière double, percée à hauteur d’homme, au nord, la commande. La mise en œuvre de cette dernière, de qualité médiocre, suggère qu’elle a été élaborée dans un second temps ». Pour atteindre le premier étage, un escalier sans doute en vis avait été aménagé, face à la porte d’entrée. A l’intérieur on voit bien les poutres qui soutiennent l’étage supérieur en allant s’appuyer dans des trous de boulin, ménagés dans la partie rocheuse qui n’a pas été taillée.
2) Le premier étage qu’on qualifie de « noble » était destiné à l’habitation. Il mesure 4,30 m de largeur maximale sur 12 mètres de long accrochée à une façade de 7m de haut. Eclairé par deux fenêtres carrées, ouvertes dans les tours dont l’une a été depuis murée, et au milieu de la façade, une croisée que des vantaux pouvaient clore, cet étage noble possédait une latrine avec conduit d’évacuation débouchant au-dessus du rocher, qu’on distingue dans la tourelle est.
3) Le dernier étage a été conçu au début du XVIIe siècle. L’auvent rocheux fut a cette période entièrement fermé par un mur arrivant jusqu’en haut. Ce dernier niveau occupe une faible surface éclairée seulement par une petite fenêtre rectangulaire. A l’extérieur des dalles de calcaire saillantes forment un larmier sur toute la longueur.
Cette ferme troglodytique a sans doute donné naissance au mas à ses pieds. Le cadastre de 1668 nous apprend que : la « metterie de las Baumes » contient deux pigeonniers, « l’un desquels est dans le rocher » et qu’elle confronte, du midi, le chemin de Saint-Martin à La Salvage, de bise, les terres de La Salvage. Dans son ouvrage intitulé « Les Baumes » (les Adralhans, 2002), Alain Bouviala situe la tour de gauche comme ayant fait usage de pigeonnier : « L’intérieur central montre une belle organisation en deux étages habitables sur vide sanitaire et un petit grenier, par pose de planchers sur solives ».
Jacques Miquel nous donne des informations complémentaires : « Le défense de ce réduit fortifié devait être assurée par une bretèche, située au-dessus de la porte, et actuellement disparue, ainsi que par de petites ouvertures situées au rez-de-chaussée des tours de flanquement et prenant la façade en enfilade. Nous n’hésitons pas à dater ce réduit fortifié de la fin du XVIe ou du début du XVIIe siècle ; le profil des portes et de la fenêtre à croisillons, ainsi que les bouches à feu très sommaires, ne laissent aucun doute à ce sujet » (L’architecture militaire dans le Rouergue au Moyen Age, 1981)
Propriétaires
Les différents propriétaires de ce domaine des Baumes furent :
XVIe siècle, P. Creyssel,
XVIIe siècle, J.Valette, bourgeois ; dlle Suzanne de Mazerand ; Maurice Vernhette, avocat.
Allé Antoine en 1848
Richard (juge de Millau, propriétaire), Lavabre (fermier) en 1868
Baux irréguliers : 7 ans : Carbasse, fermier (1875-1882), 6 ans : Lapeyre, fermier (1882-1888), 4 ans Barailhes, fermier (1888-1892), Coulon, fermier en 1892.
Le 20 mars 1910, le corps de domaine dit « les Baumes » et « la Salvage » fut mis en vente aux enchères publiques, comme nous l’apprend l’Indépendant Millavois dans son édition du 26 février : « appartenances de Saint Martin du Larzac, comprenant : bâtiments, terres, bois et pâtures d’une contenance cadastrale totale de 389 hectares, 48 ares, 56 centiares, dont environ 202 hectares en bois, environ 137 hectares en pâtures, et environ 30 hectares en terres. Revenu cadastral : 1979 francs 62 centimes. Le dit domaine appartenant aux hoirs CARBASSE. Mise à prix : 25 000 francs. S’adresser à Maître Monestier, notaire à Millau ».
Restauration
Depuis de nombreuses années, des associations se sont mobilisées afin que l’on restaure l’abri troglodytique des Baumes. Sur ce sujet « Los Adralhans » disait en 2002 : « De par sa position géographique, sa facilité d’accès, le bon état de conservation, l’intérêt pour notre patrimoine de la population locale et des touristes, ce logis rupestre mériterait d’être restauré, mis en valeur par la Municipalité de Millau, le Parc Régional, en un exemple typique d’habitation troglodytique. ». Le message a été entendu… Les élus ont approuvé en février 2012, les travaux de restauration. Le maître d’œuvre, l’architecte du Patrimoine Pierre-Jean Trabon a proposé notamment de restaurer la façade qui clôt la baume, de boucher des lacunes et de restituer les parties manquantes.
C’est ainsi que furent prévus la reprise et le rejointoiement des parements extérieurs, le remplacement des pierres érodées, la consolidation des bretèches, la reprise des pannes (support de chevron) et l’aménagement minimum des abords permettant la visite. Le montant de ces travaux s’élèvera à 65.000 euros (26.000 euros à la charge de la communauté des Communes).
Les travaux ont été réalisées en 2012-2013 par l’entreprise Vermorel basée près de Rodez et spécialiste de la taille de pierre et de la restauration des monuments historiques.
L’abri étant ceinturée d’un massif forestier de pins sylvestre, un plan « Paysage Larzac » voit le jour. Ainsi, dans le cadre de l’embellie du site, en septembre 2012, fut mis en place un programme d’abattage des pins sylvestres situés devant la ferme, afin de « maîtriser la fermeture de ce milieu naturel » (Midi Libre, 15 septembre 2012).
Dans le même ordre d’idée esthétique, la ville de Millau, a jugé opportun en septembre 2013, d’enterrer les réseaux électriques. Coût de l’opération : 11 000 euros HT. La mairie assumera près du tiers des coûts (Midi Libre, 23 novembre 2013).
Une étude de la Communauté de Communes a été ensuite validée pour la mise en place d’un sentier de découverte et d’un mobilier d’interprétation.
Marc Parguel