« Sentiment de malaise au retour de ce Rallye Terre des Cardabelles 2019 terminé avant même de commencer. La triste réalité de ce sport, le danger, le risque, le drame… Une bosse, une voiture de course, des passionnés, des bénévoles qui tentent de faire respecter les consignes de sécurité. Et l’indiscipline, impossible à endiguer, qui se paye au prix fort.
Cette bosse, en dévers et masquée, je l’ai prise à fond de 5 aussi, en 1999… Moi aussi je suis sorti à cet endroit, à droite de la réception, avec beaucoup plus de chance, car il n’y avait personne dans cette zone à l’époque… C’était du temps des 106… Moi aussi j’ai écrasé un spectateur inconscient du danger, et mal placé, en pleine échappatoire, en 2004, au Terre d’Auvergne, en perdant mes freins lors d’un freinage sur la glaise… Heureusement sans conséquence fâcheuse, car il n’a eu que quelques contusions…
Moi aussi je me fais violence pour rester soudé dans des endroits où la raison vous dicte de lever le pied… Parce qu’on est comme ça… On est des pilotes de rallye. On est des guerriers prêts à en découdre pour faire exploser le chronomètre. Et une fois casqué, sanglé, on ne cherche qu’une seule chose : la performance. Parfois même quand les conditions ne sont pas réunies… Et malheureusement les conditions de sécurité ne peuvent être réunies que si le public joue le jeu. Cela ne fait pas de nous des criminels…
Je suis terriblement triste pour les familles des spectateurs touchés, bien sûr, et adresse mes condoléances à celle de la victime. Ceux qui restent vont devoir vivre avec ça… On pense à eux.
Et pour l’avoir vécu, dans une moindre mesure, j’adresse tout mon soutien à Jean-Charles Baubelique, ainsi qu’à son copilote, car je sais par quoi ils vont devoir passer. Leur responsabilité n’est pas engagée, mais leur conscience va être mise à rude épreuve. C’est le sort qui s’acharne, et eux aussi malheureusement sont victimes de tout ça.
Je pense aussi à l’organisation, et aux bénévoles qui donnent leur temps et leur énergie au service de leur passion, en essuyant les insultes d’une poignée de personnes incapables de faire les choses sans déroger à des règles… Ces règles sont pourtant faites pour assurer leur sécurité. J’adresse donc aussi tout mon soutien à l’équipe d’organisation et précise une fois encore que contre les irréductibles, il est difficile de lutter…
Pour autant, j’en appelle aux spectateurs responsables : quand vous voyez ces personnes se mettre en danger, consciemment ou non, raisonnez-les, parlez-leur, poussez-les, cassez leur la gueule s’il le faut, ça fera moins de dégâts qu’une WRC lancée à 150 km/h… Vous leur sauverez peut-être la vie… Rappelez-leur ce jour noir du sport automobile, où le spectacle a tourné au drame. Et où les gendarmes ont dû appeler les familles pour leur annoncer la terrible nouvelle.
Tout le monde est perdant dans ces moments-là, les spectateurs qui perdent la vie, ou qui vont en porter les stigmates leur existence durant ; ceux qui assistent à ça, y compris de l’intérieur de la voiture ; ceux qui réaniment les blessés, parfois sans y arriver ; ceux qui viennent pour le spectacle et qui rentrent choqués à la maison ; et ceux qui bossent un an durant, et qui sont forcés de renvoyer les équipages chez eux, sans même faire un mètre de spéciale, au détriment du sport.
Car c’est avant tout pour la beauté du sport que tant d’énergie et d’engouement sont déployés et que tout ça nous rassemble. Alors courage à tous, et restons unis pour que les choses changent… »