Patrimoine millavois

Patrimoine millavois : La place Bion Marlavagne

La place Bion Marlavagne, autrefois appelée place de la gendarmerie ou place de la République, en raison de sa proximité avec l’avenue de ce nom, a vu le jour sous la municipalité d’Emile Viguier (1884-1888).

Elle a longtemps été connue pour son aménagement irrégulier, sorte de pentagone concave dont la superficie est de 12 ares en chiffres ronds.

Place de la gendarmerie en 1900.

La place fut commencée à être aménagée en 1888. A l’origine, ce n’était que le carrefour de l’avenue moderne de la République et de l’ancien chemin du Crès. Celui-ci, venant de la Porte de la Capelle, par le tracé de la rue Julié (ancienne rue de la Tine) et la rue Fabié (ancienne rue des bains), continuait en direction de la Mère de Dieu. L’avenue de la République, la voie ferrée, le jardin de la Gare (Square Malraux), ont bouleversé cette topographie.

Voici comment fut créée la place telle qu’on la connaît aujourd’hui :

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« Plusieurs de nos confrères de la presse régionale expriment le vœu que la municipalité ne laisse pas échapper l’occasion qui se présente d’acheter la partie de terrain située au-devant de la gendarmerie, actuellement en vente. A ce sujet l’Eclair publie un article dont nous détachons quelques passages, que nous croyons de nature à intéresser nos lecteurs :
Ce quartier, qui a attiré l’attention spéciale de plusieurs maires en commençant par M. A. Villa, parce que la population s’y portait de préférence au fur et à mesure de l’agrandissement de la ville, a subi pas mal d’infortunes. Nos devanciers avaient toujours rêvé d’y établir de belles promenades garnies de nombreuses rangées d’arbres.
Le 22 septembre 1860, M. Lodin de Lépinay, sous-préfet de Millau, en installant la municipalité, dans un excellent discours, émit le vœu de voir embellir ce quartier, destiné à devenir le plus fréquenté.

Le conseil, présidé à cette époque par M.Villa, seconda les vues du représentant de l’autorité, et, quelques mois après, la grande propriété de la Condamine était achetée pour y établir une promenade.
L’achat réalisé si à propos par M. Villa, dont l’administration municipale a été pendant dix ans, de 1855 à 1865, un vrai bienfait pour notre cité, a servi depuis à l’aménagement de notre beau square, à la percée de l’avenue Thiers, à l’emplacement de la sous-préfecture et tout cela ne coûta d’achat que 20 560 fr.

Mais tout ne se borne pas là. On voulait à tout prix relier les avenues de Rodez et de Paris par une voie spacieuse. On se heurta à des entraves de toutes nature jusqu’en 1865.

Cependant, en 1868, la question fut à nouveau agitée. Une soumission de plusieurs propriétaires offrit de céder à la ville, pour la bagatelle de 28 000 francs le terrain nécessaire pour ouvrir entre les avenues de Rodez et de Paris, un boulevard de 23 mètres de largeur.

Cette proposition fut accueillie avec bonheur. L’enquête commodo et incommodo fut faite sans encombre. On amoncela rapport sur rapport ; M. Chaliès père et C. Fabre, dépensèrent beaucoup d’éloquence, pour mener à bien la solution de ce projet.

Avec les frais d’achat, les dépenses que nécessiteraient les trottoirs, les murs de clôture, des arbres qu’on devait planter sur quatre rangées, le tout ne devait pas coûter plus de 37 000 francs.

Mais plusieurs années se passèrent sans rien définir, survint la guerre, puis une série d’élections municipales, et aujourd’hui la tortueuse rue Eugène Selles, remplace ce boulevard féérique de 24 mètres de large.
La place de la Gendarmerie a été commencée avec succès par le conseil présidé par M. Viguier ; le devoir est de la continuer jusqu’à l’avenue de Rodez. Ce n’est pas quelque mille francs de plus qui doivent arrêter le Conseil dans cette transaction. » (Place de la gendarmerie, Messager de Millau, 21 juin 1890)

On nomma cet espace « Place de la gendarmerie » jusqu’en 1890, où ce terrain fut agrandi jusqu’à l’avenue de Rodez (République) et prit dès lors le nom de « Place de la République » bien que le nom de « Gendarmerie » lui soit toujours attaché, et ce, pendant des décennies. Le vocable « de gendarmerie » rappelle que dans les années 1875-80, le département fit construire une caserne pour y loger les brigades de gendarmerie, après que celles-ci aient occupé un local en face, sur l’avenue. Elle fut ensuite déplacée rue Pierre Bergie.

En 1902, la place s’est ornée du magnifique hôtel en pierre blanche au n°30, à l’angle de l’avenue de la République, où furent installés les bureaux de la Banque de France, d’après un plan élaboré par l’architecte Etienne Lacure. Cet hôtel reprend « des éléments chers à cet architecte, inspirés de l’Antique : colonnes, fronton triangulaire brisé, denticules… » (Alain Bouviala, Millérances, 26 mai 2019, Millavois.com).

On renomma un temps ce lieu : « Place de la gendarmerie et de la Banque de France ».

La Banque de France.

La Banque de France

La Banque de France s’est installée à Millau en 1886 sous forme d’un bureau auxiliaire rattaché à la succursale de Rodez, créée en 1874. Ce comptoir fut transformé par un décret du 27 juin 1898 en une succursale dont l’exploitation commença dans un immeuble situé 27 boulevard de l’Ayrolle, le 1er janvier 1899.

A l’époque deux banquiers étaient installés à Millau, MM. Jean Villa et Charles Virenque.
La première maison fondée en 1807 et devenue J. Villa et cie en 1914, connut un certain développement puisqu’en 1927, outre son siège social situé dans l’immeuble occupé aujourd’hui par la Mairie de Millau, elle disposait d’un réseau de 17 succursales dont 6 dans l’Aveyron, 2 dans le Cantal, 3 dans la Lozère, 5 dans le Tarn et une à Paris. Elle eut une fin malheureuse en 1934 où il fallut procéder à sa liquidation après traité concordataire homologué par le Tribunal de Commerce de Millau, le 24 novembre 1934.

La seconde prit le nom de Charles Virenque et fils en 1893 et disparut par la suite.
La Société Générale ouvrit une agence en 1895.

La Banque de France acheta le 31 août 1900 à Maître François Delmas, avocat et ancien maire de Millau, le terrain sur lequel est édifié son bâtiment dont la construction commença en mars 1901 et a été achevée en juillet 1902 ainsi que le rappelle l’inscription figurant à son fronton. Ce terrain, d’une surface de 772m2 prélevés sur le jardin attenant à la maison du quartier de la Plane à l’angle de l’avenue de Rodez et de la place de la gendarmerie, fut payé 38600 francs or.

La Banque acquit en 1920, des demoiselles Delmas, filles du précédent, le reste de la propriété avec l’immeuble, maintenant 30 boulevard de la République qu’elle revendait en 1972 en conservant toutefois une partie du jardin pour agrandir son propre enclos.
La Banque de France fermera les portes de son hôtel le 1er juillet 2005.

Quand la place accueillait des kiosques

Au début du XXe siècle, une société musicale ne se concevait pas sans l’existence parallèle d’un kiosque.

La ville de Millau, qui possédait plusieurs sociétés très actives, ne faillit pas à la tradition et s’équipa d’un kiosque à musique.

Il fut inauguré en 1903, place de la Capelle (appelée alors Place de la Fraternité), voisinant le poids public, et le monument du sculpteur Verdier (l’éducation morale). L’ensemble fut entouré d’un petit square.

Le monument de l’éducation morale fut le premier à quitter les lieux. Profitant de l’inauguration du Monument Claude Peyrot au square de la Gare (Malraux), on le déplaça à l’entrée de ce jardin en août 1909.

Il fut décidé que le kiosque irait vivre également sous d’autres cieux ainsi que le poids public et quelque 15 ans plus tard, on vit au milieu de la Place de la gendarmerie voisiner en 1924, côté est, le kiosque du peseur public et, du côté ouest, tout près du boulevard de la République, le kiosque à musique.

Le Kiosque à musique sur la Place de la Gendarmerie en 1924.

C’est là sur cette place que se produisirent l’Harmonie et toutes les sociétés musicales les beaux jours revenus. Sous le kiosque étaient entreposées les chaises pour les musiciens et pour les spectateurs.

Tout alla pour le mieux jusqu’en 1955. Le 14 juillet de cette année-là, on y donna le dernier concert.

Le monument en fort bon état fut envoyé à la ferraille en octobre 1956. Il eut été fort simple de le transférer au jardin tout proche où il aurait retrouvé le monument du sculpteur Verdié, mais la Municipalité de l’époque en a décidé tout autrement.

Avant la construction du grand bâtiment au sud de la Place.

En 1933 fut construit le grand bâtiment (actuel cabinet de pédiatrie) au fond de la place entre les rues François Fabié et Eugène Selles. On remarquera le beau travail d’ébéniste, de la porte de bois à l’angle sud-est de la Place.

Il y avait aussi un hôtel, côté rue Eugène Selles, appelé tout simplement « Mon hôtel » où séjourna entre autres France Gall, lorsque Claude François se produisait au Jardin de la Mairie.

Un projet de nom pour la place

En décembre 1923, nous rappelle Camille Toulouse et Jules Artières : «  M. H. Aldebert, adjoint émit le vœu que le nom de François Fabié, le poète aveyronnais qui fut si chaleureusement fêté à Millau en août 1922, fut donné à une rue ou une place de notre ville, spécialement à la place dont nous nous occupons, qui n’a pas en réalité de nom officiel. Ce vœu fut renvoyé à la Commission de l’Instruction Publique ; nous souhaitons de tout cœur qu’il soit réalisé au plus tôt » (Millau, ses rues, ses places, ses monuments, 1924).

François Fabié n’aura pas eu l’honneur d’avoir son nom donné à cette place. C’est Marie Bion de Marlavagne, bienfaitrice de la ville qui eut droit à cette nomination.

Marie Bion de Marlavagne, comme nous le rappelle Georges Girard : « Fille de Louis Bion de Marlavagne, née à Millau le 29 juillet 1867, était demeurée célibataire. A son décès survenu au Couvent de la Miséricorde de Millau où elle s’était retirée, le 12 novembre 1942, elle a fait la ville de Millau héritière de l’immeuble qu’elle possédait et où elle habitait, pour y tenir des œuvres sociales. La ville de Millau a donné le nom de cette bienfaitrice à la Place de l’ancienne gendarmerie (Décision municipale du 25 janvier 1943) » (Des rues, des hommes, p.44, 1987).

En août, on procéda à l’inauguration : « En donnant à la petite Place située devant la caserne de la Gendarmerie le nom de Bion Marlavagne, le Conseil a d’abord voulu conserver le souvenir de notre compatriote Louis Bion de Marlavagne, né à Marlavagne, près de Saint André de Vézines, décédé à Millau en 1880, ancien archiviste départemental et auteur d’une magnifique histoire de la cathédrale de Rodez, qui lui valut une mention honorable de l’Académie des inscriptions et Belles lettres ; et ensuite, payer un légitime tribut de reconnaissance à sa fille, qui décédée l’an dernier, a légué à notre ville son bel immeuble de l’Avenue du Maréchal Foch, où on se propose d’établir une maternité. Puisse l’exemple ainsi donné par Melle Marlavagne susciter des imitateurs et des émules. » (Baptême de la Place Bion Marlavagne, Messager de Millau, 14 août 1943).

La Place Bion Marlavagne en mai 2018.

François Fabié (1846-1928) verra son nom attribué la même année à la rue qui autrefois s’appelait « rue des bains » partant de l’avenue Jean Jaurès et menant à la place Bion Marlavagne.

Marc Parguel

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