Causses et vallées

Le pèlerinage de Saint-Jean-des-Balmes

D’où vient ce joli nom de Saint-Jean-des-Balmes ? Comme pour bien des lieux de culte placés sous le patronage de Saint Jean le Baptiste, celui du 24 juin, il semble qu’il faille y voir l’emplacement d’un pèlerinage de l’antiquité, du solstice d’été. Le 24 juin, les Celtes du Causse Noir venaient sans doute y adorer Belenus, le dieu Gaulois du soleil. Quant à l’appellation des Balmes, elle ne peut venir que des nombreuses baumes (abri sous roche, caverne) qui environnent l’église.

Déjà en 1684, les minutes notariales nous indiquent l’institution d’un pèlerinage le jour de la Saint Jean, voici ce qu’exprimaient les consuls devant la porte de l’ église, au cours d’une assemblée pour la translation de l’église de Saint-Jean-des-Balmes vers celle de Veyreau : « Ils le prieront d’enjoindre au Sr curé qui sera en lad.paroisse de dire une messe haute à lad.église Saint Jean des Balmes inviolablement chaque année le jour et fête de Saint Jean Baptiste leur patron et les quatre festivités de l’année…L’assemblée nomme un sindic pour l’exécution de la présente résolution » (2 janvier 1684, Lafon). C’était un jour de grande charité, une cérémonie au cours de laquelle étaient distribués aux pauvres les dons et legs faits en leur faveur tout au long de l’année : ces dons étaient la plupart du temps des mesures de blé.

Le pèlerinage avait un but assez précis : en période de sécheresse, on demandait la pluie au saint patron. Et parfois au retour, les gouttes commençaient à tomber… On dit aussi que le baiser aux reliques avait sur les enfants difficiles et grognons des effets calmants. La veille, on avait allumé dans toute la campagne les feux de la Saint Jean, aussi bien à Marlavagne, qu’à Saint André. Chacun avait apporté son bois sur la place et une fois le feu parti, les gens dansaient autour et chantaient. Les plus habiles sautaient dessus.

Vitrail de Saint Jean Baptiste (église de Veyreau).

Nous ne savons combien d’années dura ce pèlerinage, mais cependant il semble qu’il fut totalement tombé dans l’oubli tout comme l’église au XIXe siècle.

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En 1889, le curé Charles Jacob soucieux de vouloir rétablir en ce lieu cette antique fête acheta l’antique église alors en très mauvais état, et en fit don à l’Association Diocèsaine. Le curé Jacob fit réparer la chapelle sud (celle que l’on appelle aujourd’hui la sacristie) et demanda à l’évêché la permission d’y dire la messe et d’y conduire ses paroissiens en procession

Le 16 juin 1892, il écrit au grand vicaire une longue lettre dans laquelle il expose son désir de vouloir faire revivre le pèlerinage tel qu’il était à Saint Jean des Balmes, il s’exprime en ces termes : « Mes confrères du voisinage et moi, ainsi que toutes nos ouailles respectives, nous désirons vivement que la chapelle restaurée et partiellement rebâtie, devienne une chapelle publique et serve toutes les années à la Saint Jean de lieu de pèlerinage et de pieuse réunion. Veuillez donc autoriser monsieur le curé de Peyreleau et au besoin m’autoriser moi-même à bénir la chapelle susdite, le lundi 27 courant, ou tout autre jour en cas d’empêchement, afin qu’on puisse à l’avenir y célébrer le saint sacrifice de la messe. Ayez encore, monsieur le grand vicaire, si possibilités il y a et l’extrême bonté, de donner une fois pour toutes, aux curés de Veyreau, la permission de conduire leurs paroissiens en procession, à Saint-Jean-des-Balmes le lendemain ou le surlendemain de la fête patronale, et dans d’autres circonstances exceptionnelles, à l’époque par exemple, d’une sècheresse, d’une épidémie, d’une grande calamité. Ne tardez pas trop s’il vous plaît votre réponse afin que je puisse avertir les curés voisins en temps opportun. Votre respectueux serviteur. Charles Jacob curé de Veyreau, par Peyreleau. »

Et voici la réponse venue de l’évêché : « Cher Monsieur le curé, je rentre à l’instant de Camarès et je trouve votre lettre du 16 sur mon bureau. Volontiers, je vous accorde les autorisations que vous demandez et fais les meilleurs vœux pour le succès de votre pèlerinage. Toujours cher Monsieur le Curé, votre bien respectueusement et affectueusement dévoué, Gély. » (Archives paroissiales, Veyreau).

Saint-Jean-des-Balmes en 1900.

Le Pèlerinage s’est toujours dirigé autour de la croix « fach e recitat dins lo cemeteri de Saint Johan de las Balmas e soulz la cros » (Vidal, 24 juin 1590).

Aujourd’hui encore, une grande croix se dresse sur l’emplacement du cimetière. Elle fut érigée le dimanche 25 juin 1989 lors du pèlerinage, elle remplaçait celle qui fut dressée le dimanche 17 juillet 1960, en présence de M. l’abbé Jean Puech, curé de Saint André de Vézines, chapelain, et M. Charles Dutheil, député-maire de Millau.

« Le Pèlerinage avait lieu un lundi, celui qui sans doute suivait la Saint Jean. Beaucoup des habitants de Veyreau et de St André l’accomplissaient à pied. Il y avait environ une heure et demie de marche. Le départ des gens de Veyreau avait lieu sur la place de l’église. Là s’ordonnaient le cortège avec le curé, les enfants de chœur, et l’on se souvient de Clodomir Arnal et Clément Bion qui portaient les bannières. D’autres portaient les croix et derrière se mettaient tous les autres, avant que le cortège s’ébranle à travers les champs et les bois de pins vers la vieille église, au son des champs religieux en français ou en patois. Ceux des fermes venaient en général avec le cheval et la jardinière ; ainsi à Luc, Aluech, les Mourgues et d’autres. Et Mansou avec son car emmenait ceux qui ne pouvaient aller à pied ou à cheval » (Lo Causse Nègre, automne 1977).

Le Pèlerinage en 1948 (Photo Joseph Parguel).

Le pèlerinage eut lieu jusque dans les années 1960 où il fut abandonné pour être repris le dimanche 20 juin 1976 sur l’initiative de l’abbé Ricard.

Ce jour là, les Veyralens et les Saint Andribens en voiture, vélo (et même à pied pour garder la tradition) se rendent à la chapelle de Saint-Jean-des-Balmes pour assister à la messe de 10 heures.

En 1992, pour fêter le centenaire de la reprise du pèlerinage de Saint-Jean-des-Balmes, l’association du Causse Noir a voulu instituer une fête occitane appelée « la Joanada » (mot occitan aujourd’hui oublié signifiant : fête et feu de la Saint Jean) célébrant là, où se réunissaient nos ancêtres, pour des festivités religieuses, mais aussi profanes (foire, loue, agapes), une célébration sur deux jours (20-21 juin).

Marc Parguel

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