Patrimoine

Henri Cot, le géant aveyronnais (1883-1912)

Henri, Joseph Cot, personnalité oubliée, mais qui en son temps fut sujet de curiosité, était surnommé le Géant du Cros. Dans le classement des Géants, il est mentionné comme mesurant 2,362 m (Wikipedia). Il apparaît une seule fois dans le livre des records (1982). Sa vie, qui fut brève, fut cependant remplie d’évènements marquants jusqu’à son décès qui apparaît aux yeux de tous comme bien mystérieux. C’est grâce à la rencontre du petit-neveu du Géant (Guy Cot) domicilié à Toulouse, que nous pouvons aujourd’hui reconstituer la vie de l’illustre géant aveyronnais.

Henri Cot, dernier rejeton d’une famille de six enfants, est né le 30 janvier 1883 à 6 heures du matin, au sein d’une famille paysanne, au hameau du Cros, dans la commune de Mounès-Prohencoux, canton de Belmont-sur-Rance.

Dès sa naissance, on s’étonna de sa grande corpulence ; en effet, c’était un beau et gros bébé pesant 16 livres soit 8 kg, aussitôt il fut baptisé, car on pensait qu’il ne vivrait pas longtemps. L’enfant survécut et chose incroyable sa croissance se fit de façon spectaculaire.

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Le verso d’une ancienne carte postale nous donne les renseignements suivants : « A l’âge de 8 ans, il mesurait 1,50m, à 12 ans 1,70m, à 16 ans 1,95m et à 20 ans 2,28m ». La carte postale éditée en 1904, lorsqu’il avait 21 ans mentionnait également :

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En 1903 au conseil de révision il a été officiellement mesuré à 2,30m et pèse 160 kg. Pour se chausser, il lui faut de la taille 62 et ses gants sont  du numéro 15. Les bras ouverts il développe 2,33m d’une main à l’autre… Dans la bague de son doigt annulaire passe librement une pièce de 0 fr.10. Avec son pouce il recouvre un écu de 5 francs en argent ; les sommités médicales ont déclaré que ce géant n’a pas atteint sa taille définitive ; il doit grandir encore.

Et il grandit encore… Assurément, cette croissance hors norme n’avait rien de génétique, dès l’âge de 10 ans, il dépassait ses parents. Son père mesurait 1,53 m. Sa mère accusait à peine trois centimètres de plus. Quant à ses frères et sœurs, aucun ne dépassait la taille de 1,65m. Seuls ses grands-parents étaient de haute taille environ 2 mètres, quoiqu’ils eussent paru encore petits à côté de leur petit-fils.

Selon un article paru dans « Le soleil » du 24 juillet 1906, il avait grand appétit. On le vit manger une douzaine d’œufs pour le petit déjeuner, et pour le déjeuner huit livres de viande et six livres de pain. Pour autant, notre géant, même si les travaux des champs ne lui étaient pas recommandés, voulut travailler. Aussi, il fut un temps apprenti chez un cordonnier. Vint ensuite le jour, où il fut convoqué au conseil de révision. Inutile de dire qu’à Saint-Affrique, Henri Cot ne passa pas inaperçu.

Au conseil de révision

L’officier de service à la taille dut monter la toise plus que de raison. Les conscrits roulaient des yeux ébahis devant son gigantisme. Quant au médecin-chef, il constata une insuffisance thoracique. D’un geste, il le réforma, ce qui n’empêcha nullement le préfet de l’Aveyron, M.-Rocault, présent à la cérémonie de clôture, de venir lui serrer la main, accompagné des autorités civiles et militaires de la ville. On dit même que cette sollicitation valut au préfet son avancement.

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Le correspondant  de la dépêche de Toulouse envoya un premier télégramme : « Le plus grand conscrit de France s’appelle Henri Cot de Saint-Affrique et mesure 2,30 m ».

Toute la presse hexagonale se présenta dès lors à son domicile au hameau du Cros. Il y avait là matière à gagner de l’argent. Attraction, Henri Cot le devint. Bon gré, mal gré.

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La célébrité

C’est ainsi qu’un impresario nommé Souilhau travaillant pour Barnum lui fit miroiter que le métier de cordonnier ne lui rapporterait rien et qu’il valait bien mieux devenir un phénomène que de mener une existence de patachon. L’impresario posa sur la table cinq mille francs : une belle somme qui permit d’exhiber le géant à son aise dans toutes les fêtes foraines aveyronnaises et dans les plus grands journaux de l’époque.

Le petit neveu du géant, Guy Cot, a conservé tous les articles concernant son parent, des coupures de presse, mais aussi des effets personnels, voici par exemple ses chaussures lorsqu’il avait 20 ans, pointure 62, face à une chaussure classique.

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En quelques semaines, il devint « le géant le plus parfait, le plus beau et le plus impressionnant à voir ».

La suite nous est racontée par André Périé (Le Géant de Mounès, assemblée générale, cercle généalogique, 9 septembre 1995) :

Ses exhibitions commencèrent alors dans toute la France pendant les deux premières années, dans les foires, les théâtres et autres halls d’expositions. Tout d’abord à Valence, puis Rodez, Millau, Montpellier, Toulouse, Marseille, Nîmes, Albi, Vienne…

Voici ce qu’on pouvait lire dans l’Indépendant Millavois (édition du 30 juillet 1905) :

Le géant Henri Cot.  Le plus grand français se trouve en ce moment à Millau, car le géant Henri Cot, dont nous avons déjà parlé, est arrivé. Il se produira aujourd’hui samedi et demain dimanche, 29 et 30 juillet, salle du Théâtre, de 2 à 6 heures, et de 8 à 11 heures du soir. Henri Cot remporte partout dans son Tour de France un immense succès ; il fait l’admiration des sommités médicales qui l’examinent, toutes sont unanimes à reconnaître qu’il est malgré son jeune âge le géant le mieux constitué et le mieux proportionné que l’on ait jamais vu, toutes aussi ont déclaré qu’il était toujours dans la période de la croissance, qu’il grandirait jusqu’à l’âge de 25 ans, qu’à cet âge, il pourrait bien mesurer la taille de 2m.50 à 2m.60. A l’heure actuelle étant le plus grand français, il est par conséquent le plus grand jeune homme à marier de France. Mesdemoiselles, qui désirez un mari… bien élevé ! Mesdames, qui souhaitez un gendre à… hauteur ! pour faire le bonheur de vos enfants, venez toutes rendre visite à notre compatriote Henri Cot, vous reconnaîtrez qu’il pourrait bien vous convenir et vous direz : « Autant lui qu’un autre. Tout le monde ira serrer la main à notre compatriote et le féliciter pour être l’homme le plus grand de France ».

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La Dépêche du Midi, dans son édition du 27 octobre 1998 nous replonge dans l’état d’esprit qui régnait dans les fêtes foraines ruthénoises de la belle époque :

Approchez, approchez ! Mesdames et messieurs ! Approchez ! Venez admirer le sensationnel géant Cot ! 2,30 m de hauteur ! Venez voir ses mains, venez voir ses pieds ! C’est par ces mots qu’au début du mois de septembre 1905, le portier du théâtre municipal de Rodez interpellait le chaland ruthénois, attiré par les affiches racoleuses distribuées un peu partout dans la ville. Ce n’est pas tous les jours, en effet, que le public pouvait approcher l’homme le plus grand de la terre, fort de ses 160-kg, et qui pour être l’homme le plus simple du monde ne vous regardait pas moins de toute sa hauteur. Il en coûtait aux amateurs de sensations fortes un droit d’entrée de 0,20 à 0,30-F pour l’admirer sur scène, plus cher encore pour se faire photographier en sa compagnie.

En représentation à travers le monde

Sa renommée grandissante, dès 1906, il traverse la Méditerranée pour atteindre l’Algérie, qu’il sillonnera pendant 4 à 5 mois d’Alger à Oran et Bougie. Cette période nord-africaine sera suivie par une grande tournée en Angleterre avec le personnel de l’hôtel Emily Faraday.

Il trônera dès lors entre  la femme à barbe et l’homme des bois des Carpates. Puis, il ne cessera de voyager d’un bout à l’autre de l’Angleterre. Juin, juillet, août (1906), Londres, Birmingham, Manchester, puis septembre, octobre à nouveau Manchester, Nottingham, Yarmouk, Leeds, Walsall et Bradford. Novembre, il traverse l’Atlantique pour arriver à Halifax au Canada, de retour en Angleterre il y restera de décembre 1906 à mi-juillet 1907 pour passer à Newcastle, Edimbourg, Southampton et Bath.

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Guy Cot, son petit neveu nous a confié au sujet des voyages du géant :

C’est en Angleterre qu’eu lieu un projet fou, marier le Géant Cot à une géante anglaise afin qu’ils puissent après leur mariage donner naissance à des géants. Ce projet resta sans suite.

Henri Cot revint en France pour le restant de l’année et s’exhibe dans l’Est. Janvier 1908 il part pour les Etats-Unis à Olympia, port des USA capitale de l’état de Washington, il restera un mois dans un cirque permanent.

Il retourne en Angleterre en février cette fois ce sera pour Gravesend, Worthing, Chatnam. L’année 1909 est apparemment une année entièrement française, on le trouve à Rodez, il retourne épisodiquement dans son pays natal comme il devait le faire chaque année, Montpellier, Toulouse, Marseille, etc.

1910 annonce le changement, il se laisse pousser la barbe change sa redingote pour un habit de tambour-major et prend un pseudonyme. En effet, la concurrence étant rude, peut-être même davantage dans ce milieu-là, il vit arriver un cosaque vêtu d’un beau costume et coiffé d’un haut bonnet d’astrakan, annoncé à grand renfort de publicité, « Machnow  Feodor » (1878-1912) bien que plus petit malgré ses semelles truquées attira davantage de monde que Cot.

La transformation

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L’impresario Souillau, transforma l’image de son poulain Cot, le renommant « Joseph Dusorc » (anagramme de « du Cros » son hameau d’origine) lui faisant endosser une tenue de tambour-major, avec un grand chapeau de 36 cm. Le voilà mesurant avec tous ses effets : 2 m 63 ! Nous reproduisons ici, un buste d’Henri Cot réalisé en 1911 en plâtre, monté sur tige de fer et qui fait partie de la collection de son petit neveu.

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Autre élément, sa bague en laiton avec les initiales gravées H.C. : Henri Cot. En Amérique, il connut dès lors un énorme succès. Il s’envola ensuite pour l’Allemagne, pendant un an et demi.

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André Périé nous fait part de la suite de son périple (Assemblée générale, cercle généalogique, 9 septembre 1995) :

Le 4 janvier 1911, il est à Cologne, en février il passe dans le bassin de la Ruhr à Essens. En mars le 2, il part pour une période de six mois aux Pays-Bas, Amsterdam, Rotterdam, Komett. Il revint en Allemagne fin 1911, jusqu’à début 1912 fin juillet. En août, la tournée se poursuit par la Tchécoslovaquie, Prague, Ceske. Puis la Hongrie jusqu’au 2 septembre, où il est de retour à Lyon pour souffler un peu et trouver d’autres engagements. .

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En effet, les rythmes intensifs de ses voyages eurent raison de sa santé. La colonne vertébrale, les articulations le font souffrir, ainsi qu’un surcroit d’activité de l’hypophyse. Il ne supporta pas la rigueur des frimas. Affaibli, il décida de rentrer en France.

Énigme autour de sa disparition

Plusieurs versions circulent quant aux circonstances de son décès, celle qui suit est complètement fausse :

Cot avait toujours eu la poitrine délicate. Le climat l’éprouva durement. Il décida de retourner au pays. Il y revint rapetissé, c’est-à-dire la tête dans les épaules. Ses compatriotes lui offrirent un banquet de bienvenue. Mais la veille même, Cot dû se coucher. Il ne se releva pas. Trois semaines plus tard, quand le menuisier lui prit mesure pour faire son cercueil, le Géant ne mesurait plus que 2m27. Il était mort à 29 ans, mort d’avoir été trop grand (Article signé B.M., Le géant Cot, La dépêche du Midi, 1924).

Le géant n’est pas mort dans son hameau natal, mais à Lyon comme nous allons le voir. C’est le 11 septembre 1912 à 23 heures, qu’Henri Cot donna son dernier souffle.  Si le journal « Le Lyon Républicain » écrit qu’il serait mort d’une embolie cardiaque, il semble bien que la vérité soit toute autre.

En effet, il apparaît plus vraisemblable qu’il fut assassiné à coup de couteau dans un cabaret lyonnais, pour des raisons financières. Le géant Henri Cot avait l’habitude de sortir dans des boites de nuit. C’est dans l’une d’entre elles que le crime fut commis, il semble qu’un des manageurs, le sachant mort, voulant tirer une dernière fois profit de sa personne, aurait vendu le cadavre à un professeur de médecine de Montpellier. Avant cela, les pompes funèbres d’alors durent lui faire façonner un imposant cercueil de 2,60 m de long…

Afin de faire croire à sa famille que le corps du défunt leur parviendrait, on leur aurait envoyé un cercueil rempli de pierres. Le livre de Paroisse tenu par le curé de Mounès-Prouhencoux ne le mentionne pas, mais relate cependant l’enterrement du Géant Cot avec précision :

Le 15 septembre 1912 avait lieu dans le petit cimetière de Mounès la sépulture d’un véritable géant, Henri Cot, originaire du Cros. Décédé subitement à Lyon, sa famille avait tenu que sa dépouille mortelle reposa au milieu des siens. Elle nous arriva la veille au soir. Un corbillard à chevaux la portait de Saint-Affrique. Elle était renfermée dans un triple cercueil, faits tous les trois selon les lois de l’art moderne et ayant chacun un poids respectable. Le poids des trois cercueils, ajouté à celui du corps, dépassait les 400 kilos et arrivait presque à 500. Aussi quelles difficultés lorsqu’il fallut le descendre. Mais ce ne fut qu’une première difficulté. Une nouvelle surgit lorsqu’il fallut le transporter dans la maison de Valette où il devait passer la nuit. Il ne se trouva pas d’hommes assez forts pour faire ce court trajet qui va de la porte du presbytère à la maison Valette. Tout au plus parvenait-on à le soulever. Qu’aurait-ce été le lendemain, lorsqu’il aurait fallu le porter à l’église, et de là au cimetière. Sur notre proposition, on décida alors de le porter directement à l’église. On y parvint non sans peine au moyen de rouleaux de bois sur lesquels on le fit glisser. On le laissa sous le vestibule où il passa la nuit sous la garde de Dieu. Pour la cérémonie du lendemain, il ne fallut pas chercher à le porter jusqu’à l’entrée du sanctuaire où sont portés habituellement les restes des défunts, les bancs interdisaient tout passage. La cérémonie de l’absoute se fit donc sous le vestibule. Mais comment allait-on procéder pour le transport de l’église au cimetière, qui n’en est que très peu éloigné ? La nuit porte conseil. Grâce à trois puissantes cordes, dans chacune desquelles on passa deux barres de fer, douze hommes en eurent raison sans trop de difficultés. On aura une faible idée de ce que pouvait être ce corps, si l’on pense qu’il avait comme taille 2 mètres 30 et qu’en lui tout était bien proportionné… Lorsqu’il vous serrait la main, on sentait dans la sienne une force herculéenne. Son soulier dépassait les 50 centimètres… Il nous a été donné de voir au Cros le lit dans lequel il se reposait. On peut dire que c’est un double lit ne mesurant pas moins de 3 mètres. Dans ses voyages, lorsqu’il passait la nuit dans un hôtel, on était obligé d’aligner deux lits en fer dont un rabattait l’un des côtés.

Comme nous l’avons écrit, le cercueil était d’un poids considérable, mais il ne semble pas que le corps du Géant y soit enfermé.

D’après André Périé (Le Géant de Mounès, Assemblée générale, cercle généalogique, 9 septembre 1995) :

Beaucoup de gens en regardant la manipulation du cercueil au déchargement se sont aperçus qu’il était plus court que le géant lui-même, de plus quand il a basculé un bruit sourd de pierres se fit entendre. De nombreux témoignages pris dans la région concordent et laissent à penser que le géant n’était pas à l’intérieur du cercueil. Suite à cela je décidais d’avoir des témoignages sur Lyon qui, en fait, était son lieu de résidence, et là il est ressorti quelque chose de plus incroyable. Le géant Henri Cot sortait souvent le soir et c’est la seule chose officielle qui a paru dans « Le Lyon Républicain », car la suite ne pourra hélas jamais être prouvée. Le soir du 11 septembre, le géant se trouvait dans un « bouge » de Lyon et fut poignardé. Pourquoi ? Mystère ? Son impresario voyant qu’il avait perdu son gagne-pain eut l’idée de le vendre à un professeur de médecine de Montpellier pour en tirer de l’argent une ultime fois. Bien évidemment en catimini.

Comble du mystère, la tombe du géant a depuis disparu lors de travaux de réfection, mais nous pouvons aisément imaginer que son corps à défaut de reposer en paix au cimetière aura eu une fin purement scientifique.

Marc Parguel

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