Patrimoine millavois : Le Tapidol, célèbre pêcheur millavois

Marc Parguel
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Le Tapidol en pleine action (collection Pierre Costecalde)

Nous avons déjà présenté Tomate et Pinou, illustres personnages millavois de la belle époque. Continuons aujourd’hui notre galerie des portraits en présentant le Tapidol.

Savoureux sobriquet ou « escaïs » évoquant ici Basile Poujol qui apparaît le temps de deux cartes postales éditées par Adolphe Pélissou, en pleine opération nocturne, lanterne à la main, disposé à en mettre plein la vue aux écrevisses.

Rien ne manque dans cette composition bucolique, pas même des témoins conventionnels comme sa femme, ainsi qu’un adolescent prêt à se laisser choir dans les bras de Morphée.

Tapidol posait ainsi, au risque de fournir contre lui une terrible pièce à conviction, face à la maréchaussée.

Mais d’où vient ce surnom de Tapidol ?

Basile Poujol, homme jovial, grand maître des plaisanteries et canulars, avait un défaut de langue caractérisé. Il avait coutume de dire à toute personne qui n’était pas de son avis :  « Lou tap y dol » dont la véritable graphie devrait être : « lou cap y dol » : « La tête lui fait mal ». Tapidol devint alors son sobriquet.

Basile Louis Poujol était né à Millau le 13 septembre 1869, fils majeur de Basile Poujol, tanneur, et de Deltour Victorine, sans profession. Il se marie le 6 janvier 1892 avec Emilie Louisa Plagnes (archives dep. 4E027269). Il exercera toute sa vie le métier de gantier.

Son temps de libre, il l’occupe a tenter des exploits hors du commun pour éberluer et régaler la galerie. Même s’il posait le temps d’une photographie, sous les traits d’un braconnier, il faut savoir que dans la vie de tous les jours, c’était la bonté même, donnant parfois plus que ce que la vie lui apportait comme subsistance, au point de mettre en péril plusieurs fois les finances de son foyer.

Un de ses faits d’armes mérite d’être rappelé : alors qu’il pêchait à l’épervier, au beau milieu du Saoutadou, notre Tapidol culbuta par-dessus bord avant d’être entraîné par le courant vers la roue du vieux moulin. Ne sachant pas nager, notre homme se démenait comme un diable dans un bénitier, criant à qui pouvait l’entendre : « Santa Mare de Dious, toupo me los tambos et los brassés, mais saoubo-me la tartasso » qu’il faut traduire par : « Sainte Mère de Dieu, coupe-moi les jambes et les bras, mais sauve-moi la carcasse ». En pareille infortune la Sainte Mère n’est jamais insensible. Elle sauva la carcasse de notre Tapidol, sans avoir à toucher à ses jambes et à ses bras.

Pont Lerouge et Vieux Moulin.

En 1923, la Bonne Mère le rappela à elle. Agé de 54 ans, il quitta le Boulevard Richard pour aller rejoindre sous des cieux toujours bleus son fils qui, quelques années auparavant, l’avait précédé en sautant sur une mine durant la Grande Guerre. Nul doute qu’il continue à régaler les anges de ses pitreries, au firmament étoilé.

Marc Parguel