En ces fêtes de Noël, intéressons-nous sur ce qu’était le Noël d’autrefois, au temps où les magnifiques sapins et les guirlandes électriques ne rayonnaient pas comme aujourd’hui de tous leurs feux.
En effet, à la campagne, on ne connaissait pas les traditions germaniques de Saint Nicolas ou de l’arbre décoré. Suzanne Vaissière née en 1909 à Saint Rome de Tarn nous confiait à ce sujet : « On n’avait pas grand-chose pour vivre durant la guerre de 1914-1918 et, pour Noël, même pas un sapin, car il n’y avait personne pour aller en couper » (Midi Libre, 3 janvier 2008).
Nos Causses et nos vallées en termes de pins ne manquent pas de ressources actuellement, mais il y a encore un siècle, ce n’était pas le cas. Prenons exemple avec le Causse Noir, E.-A. Martel écrivait en 1890 : « Le Causse Noir serait plutôt Causse Rouge, ou même Causse Omnicolore, ses roches ayant toutes les teintes ; on le nomma Causse Nègre à cause de sa sombre forêt de pins, que les caussenards noirs ont presque toute extirpée : il n’en reste plus que des bouquets, que des rideaux, et, par endroits, des duos, des trios, des quatuors, bas, malingres, à cause de la violence du vent, de la sècheresse et de la dureté du sol. » (E.-A. Martel, les Cévennes, 1890).
Malgré un reboisement qui n’a fait que prospérer au cours du vingtième siècle, certaines communes se plaignent de voir disparaître leurs arbres lorsqu’on approche de la fête de Noël, l’arbre abattu n’ornera pas la place du village ou ne prendra pas place chez un particulier, mais sera amené à la ville pour y être vendu afin d’y être exposé et habillé de différentes couleurs.
Aussi, les protestations se font sentir dans les campagnes, car il est vrai que c’est un commerce qui dévaste, une fois la magie de Noël passé, les arbres disparaissent définitivement : « Défense de couper les arbres de Noël. Sur proposition de M.Atgé Paul, le conseil municipal décide d’interdire la coupe des arbres de Noël sur les terrains communaux, cette façon d’agir cause un très grand dommage financier à la commune en la privant plus tard de la vente de ces pins devenus négociables », (Délibération de la commune de St André de Vézines, 10 décembre 1959).
Si, la tradition du sapin décoré n’est apparue que tardivement sur nos Causses, l’histoire rapporte que cette coutume remonte à la plus haute antiquité. Les Celtes considéraient le 24 décembre, comme le jour de la renaissance du Soleil. Ils avaient coutume d’associer un arbre chaque mois lunaire, ils avaient dédié l’épicéa, qui était l’arbre de l’enfantement, à ce jour-là. Au XIIe siècle la tradition du sapin apparait en Europe, en Alsace. On parle alors de décorer les maisons avec des branches coupées 3 jours avant Noël. En 1546, on parle sérieusement d’arbres de Noël quand la ville de Sélestat en Alsace autorise à couper des arbres verts pour Noël, au cours de la nuit de la Saint Thomas, le 21 décembre.
Symbole de la vierge, les roses faisaient partie de la panoplie de décoration pour parer les sapins en Alsace au XVIe siècle, ainsi que des pommes, des confiseries et des petits gâteaux qui ressemblaient à des hosties. Les pommes avaient également une valeur symbolique, car sur l’ancien calendrier des saints, le 24 décembre était réservé à Eve et Adam, canonisés par les Eglises orientales.
A l’époque, l’église considérait l’arbre de Noël comme une pratique païenne et franc-maçonne. Et ce fut le cas jusqu’au milieu du XXe siècle. Avant que Noël soit fêté, il existait déjà un rite païen lors des fêtes du solstice d’hiver : on décorait un arbre, symbole de vie, avec des fruits, des fleurs, du blé. Plus tard, on accrocha une étoile au sommet de l’arbre, symbole de l’étoile de Bethléem qui guida les Rois Mages. Il faudra attendre 1738 pour que l’arbre de Noël fasse réellement parler de lui en étant introduit à Versailles par Marie Leszcynska, femme de Louis XV.
La boule de Noël qui décore les sapins est née à Meisenthal en Moselle. Traditionnellement, on y accrochait des pommes, mais en 1858, l’hiver fut si rigoureux qu’il n’y eut plus de pommes. Un artisan verrier eut l’idée pour donner quand même un peu de joie à la fête de créer des boules représentant une pomme et d’autres fruits. La boule de Noël était née.
Le commerce des sapins a toujours été lucratif. De nos jours encore, « les gens restent traditionnels », comme le confirme le journal Midi Libre dans son édition du 28 décembre 2008 : « Ils achètent les sapins naturels chez les pépiniéristes et on en vend très peu en supermarché. Par contre les sapins artificiels ont toujours la côte et se vendent toujours autant. L’épicéa a moins la cote, car il perd davantage ses épines dans une pièce chaude. Il demande environ cinq ans de culture. Par contre le Nordmann prend de plus en plus d’importance, car il ne perd pas ses épines. Il est plus beau, car ses branches sont mieux étalées. Sa culture demande au minimum dix ans, donc ils sont plus chers à la vente. Quelle que soit la variété, les sapins sont demandés par les clients ».
Les fêtes de Noël étaient au Moyen âge, l’occasion de festivités publiques (festins, beuveries) pouvant aller jusqu’à la débauche. Pour contrer ces pratiques, l’église mit en scène des tableaux vivants de la naissance du sauveur, sans doute à l’origine des crèches d’aujourd’hui.
De nos jours, les commerçants se frottent les mains à l’approche des fêtes de fin d’année, et l’image de Noël est souvent lié à celle d’une activité économique des plus accrue, effaçant quelque peu la véritable signification de la nativité. Les cadeaux s’affichent en vitrine de plus en plus tôt… Ainsi dès le début du mois de novembre, on voit les grandes surfaces tout comme les petits commerces faire des offres alléchantes sur toute gamme de jouets, disques, parfums…
Dans son édition du 28 décembre 2008, le journal Midi Libre soulignait l’importance des illuminations dans la ville de Millau et le coût de ces dernières : 1250 mètres de guirlandes, 56 motifs de Noël du 4 décembre au 5 janvier pour un coût de 19073 euros.
Il y a plus de 160 ans, la presse locale se félicitait du respect manifesté par les établissements marchands autour de cette fête : « Dimanche dernier, et le jour de Noël, on a remarqué avec satisfaction la fermeture complète des grands magasins de Millau. Cette louable mesure qui semble se généraliser librement en France, est un hommage rendu aux sentiments religieux des populations. Elle a été prise dans notre ville d’un commun accord par les principaux négociants des deux cultes » (L’Echo de la Dourbie, 30 décembre 1854)
Nadalet
Les anciens de nos campagnes se souviennent de cette coutume qui date de fort longtemps : « On sonnait les cloches huit jours avant Noël, on appelait ça « timpolas » ou « nadalet ». On les entendait pendant un quart d’heure. » C’était souvent le sonneur de cloches qui s’en occupait, et parfois les enfants allaient l’aider. Durant 8 jours avant Noël, il fallait monter au clocher chaque soir, jouer un petit air de musique, une cadence et comme disent les plus anciens du Causse « c’était joli tout ça ! ». Si le travail de sonneur de cloches parait plaisant à faire, il n’est pas sans risque : « Le sieur Ricard, carillonneur de la paroisse de Peyre, canton de Millau, a succombé dans la nuit de Noël, aux suites d’une chute qu’il avait faite en descendant du clocher » (Revue religieuse du diocèse de Rodez, 7 janvier 1870).
La tradition orale raconte qu’encore en 1900 à Camarès, il y avait une coutume qui consistait à offrir « lo colombet » une pâtisserie, au premier enfant qui avait entendu sonner les cloches.
A Saint Victor et Melvieu, certains habitants racontent qu’autrefois on disait « Nadalet, lo Colombret » quand on sonnait les cloches, mais personne ne savait vraiment ce que cela voulait dire.
Mais d’autres ont des souvenirs plus précis : « Quand j’étais jeune, que j’avais sept à huit ans, le premier qui entendait les cloches de Nadalet avait gagné le colombet. Ma grand-mère nous le disait, c’était une pâtisserie que faisait la mémé, un peu avant Noël, les cloches sonnaient. Avec mes sœurs, on attendait et le premier qui entendait le Nadalet avait gagné le colombet. Ma grand-mère levait le doigt et disait attention, Nadalet. Cette mémé était née à Pailhas, commune de Compeyre, elle s’appelait Thérèse Ugla » (Roger Boudes).
Dans son ouvrage intitulé « Ma vie, 1903-1923 », René Gauffre indiquait : « Pour la fête de Noël, fête de la nativité du Christ, à l’heure de l’angélus du soir et pendant huit jours qui précédaient le 24 décembre, avec quelle joie nous faisions entendre le tintement si particulier de Nadalet ! Il annonçait la fête ! La fête des enfants par excellence ! Je ne me souviens pas, par ailleurs, d’avoir reçu à cette occasion de cadeau proprement dit, mais plutôt des gâteries supplémentaires. »
Le réveillon – Les présents
A Saint-André-de-Vézines, les ainés m’ont dit que : « pour le réveillon, on faisait une soupe d’orge avec une oreille de porc, mais il y avait mieux parfois, on mangeait une grive ».
Pour certains le réveillon n’avait pas une grande importance, à Paulhe par exemple certaines personnes disaient avoir mangé pour réveillonner une sardine, une orange.
« Pour Noël, se souvient une ancienne gantière millavoise, il y avait des protestants à Notre Dame. Ils montaient à la tribune. S’ils n’étaient pas allés à la messe de Minuit, ce n’était pas Noël ».
Suzanne Vaissière, de Saint-Rome-de-Tarn, née en 1909, relatait à ce sujet : « Pour Noël, en fin d’après-midi, c’était le moment des confessions des hommes. Ces derniers, après souper, allaient au café pour la quine. On espérait qu’ils rapportent un lot, si possible un dindon gagné vivant qui allait améliorer le menu de la fin d’année. Après la messe et le chant du Minuit Chrétien, c’était le retour à la maison pour voir les cadeaux. Souvent utiles et réservés aux enfants. Nous les parents n’y pensions même pas. » (Midi Libre, 3 janvier 2008). N’oublions pas le confidor, nous en reparlerons…
Le lendemain, jour de Noël, comme nous l’avons dit, il n’y avait ni sapins ni cotillons… Tout au plus les enfants pouvaient-ils espérer une orange apportée par l’Enfant Jésus dans leurs esclopets. Mais le repas était plus alléchant et de nombreuses familles aimaient à se retrouver autour d’un bon piòt.
Laissons pour terminer, Juliette Ribas (1914-2018) évoquer ses souvenirs, du temps où elle était encore petite fille à Roquesaltes : « 1917. Depuis une semaine, en fin de journée, la cloche de l’église sonne le Nadalet , bientôt Noël, quelle joie ! Cette année, tante Louise et tante Juliette viendront assister à la messe de Minuit, elles partiront de Roquesaltes au clair de lune, peu importe s’il y a de la neige ou du froid, Noël c’est Noël ! Ce soir nous avons rangé nos petites galoches tout près de la cheminée, et lorsque nous serons endormies, notre maman ira sans doute à la messe avec ses deux sœurs. Demain, au réveil nous aurons la surprise, une orange peut-être une grosse barre de chocolat Meunier. Le papa Noël n’oublie pas les petites filles sages. Pendant cette semaine de vacances, nous irons jouer avec nos petites camarades, Jeannette, Raymonde, et puis à l’église il y aura une belle crèche où nous pourrons admirer l’Enfant Jésus et glisser un petit sou dans la tirelire du petit ange qui nous dira merci en baissant la tête. » (Manuscrit, Noël à Saint André de Vézines).
Marc Parguel