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Millau : L’histoire de Georges Haon, fusillé pour l’exemple

Armand Haon, parlez-nous de Georges Haon, votre grand-père.

Georges, Gustave, Jean Haon est né le 22 juillet 1886 à Rodez. Inscrit sous le n°95 de la liste dans le canton de Rodez, il a été incorporé au 3e régiment de Zouaves le 8 octobre 1907. Il a participé aux campagnes du Sahara, d’Algérie et du Maroc du 10 octobre 1907 au 27 octobre 1908, où il a obtenu le certificat de bonne conduite. Il est passé dans la réserve de l’armée active le 18 octobre 1909.

Il a été appelé à la mobilisation générale le 4 août 1914, au 8e régiment d’infanterie coloniale. Il a participé à la campagne contre l’Allemagne du 4 août 1914 au 27 août 1915, sous le commandement des colonels Espinasse et Dalbiez. Il a été fusillé sur le terrain de manœuvre de Saizerais (Meurthe-et-Moselle) « en réparation du crime d’abandon de poste en présence de l’ennemi ».

En présence de José Bové, et en marge de la cérémonie officielle, Armand Haon a déposé une gerbe à la mémoire de son grand-père Georges et de tous les fusillés pour l’exemple.

Que s’est-il passé exactement ?

Le 12 août 1915, il a quitté sa compagnie qui était aux tranchées du Bois le Prêtre depuis la veille en 1re ligne. Il est allé à Montourville, en corvée de soupe. Dans le village il a rencontré un de ses camarades du 34e régiment colonial d’Algérie avec lequel il a bu… quatre litres de vin. Il s’est mis en retard et comme il était pris de boisson, il a perdu la tête et est parti sans raison. Il a erré dans la forêt de Panevelle, se nourrissant de fruits.
Le 16 août il s’est constitué prisonnier à la gendarmerie de Toul. Le 26 août il a été jugé, et le 27 août il est passé par les armes, 11 jours après s’être de lui-même présenté aux gendarmes. Il faut dire qu’en 1915, 296 exécutions ont eu lieu.

C’est ce qu’on appelle un soldat fusillé pour l’exemple…

Ce qui est arrivé est malheureux, mais cette façon expéditive de tuer un homme ne fait pas honneur aux officiers et encore moins à la France, surtout qu’à ces hommes on leur avait menti, ils ne savaient pas au juste pourquoi ils s’entretuaient avec les Allemands. Ils ne sont pas partis comme on le laisse penser la fleur au canon. Encore aujourd’hui, on ignore exactement la ou les causes de cette guerre, ou si on le sait on n’ose pas l’évoquer. De multiples raisons sont avancées, mais aucune vraiment tangible pour moi.

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Quelles ont été les conséquences pour votre famille ?

Mon témoignage est surtout basé sur les conséquences directes de la sentence pour la famille. Il est mort ignorant qu’il allait être père, mais sa femme, la femme d’un « déserteur », a été mise au ban de la société. Elle était veuve, mais ne méritait que mépris et gouaillerie de la part des habitants.

Elle a été obligée de quitter Espalion et est allée se réfugier à Rodez. Elle n’avait droit à aucune pension, et elle a du faire appel au bureau de bienfaisance et à la distribution du pain (les Restos du Cœur n’existaient pas à cette époque…) et elle a fait une demande de subvention d’entretien auprès de l’office départemental des pupilles de la nation.

Parlez-nous un peu de votre papa, Georges-Amans…

Mes grands-parents Georges Haon et Marie-Emilie Lignon, se sont mariés le 21 octobre 1912 à Rodez. Le 17 mai 1914, est mort-née une petite fille à Espalion. Mon grand-père a été mobilisé le 4 août.

Le 2 avril 1916, au 33 rue François Cabrol, est né Georges Amans, mon père. Il a été adopté par la Nation le 5 juin 1919, par jugement du Tribunal de Rodez.

Le 30 janvier 1920, un conseil de famille est réuni à la demande du juge de paix du canton de Rodez. Georges-Amans Haon est placé sous tutelle de son grand-père Amans Haon, âgé de 60 ans, un ébéniste demeurant avenue Taraire à Rodez.

Le 17 avril 1920, ma grand-mère est obligée de solliciter le maintien du secours aux pupilles de la nation, étant dans l’impossibilité de gagner sa vie et sans ressource.

Le 29 mai 1923, mon père est placé dans un orphelinat à la demande de M. de Rodat à Druelle, chez qui l’officier départemental l’avait placé sous protection.

A partir du 23 mai 1923, il est donc placé à l’orphelinat Saint Jean à Albi. Il sera ensuite placé à l’orphelinat du Sacré Cœur à Salles-la-Source, jusqu’en 1929.

Agé de treize ans il s’est « loué » en qualité de berger ou de petit domestique chez différents agriculteurs de la région.

En ce qui concerne ma grand-mère, Marie Lignon épouse Haon, un certificat médical datant du 5 mai 1920 du docteur Louis Bonnefous, précise qu’elle est atteinte de « gastralgie et de débilité générale » qui la rendent « inappropriée à tout travail ».

Elle serait rentrée à l’hôpital Sainte Marie à Rodez en avril 1922 où elle y est morte le 10 février 1953.

Pour en venir à mon père, c’est chez son dernier employeur Urbain Rigal, agriculteur sur la commune de Manhac qu’il fait la connaissance de ma mère, Augusta Maria Laura Soulié. Ils se sont mariés le 6 mars 1941 à Manhac.

Pour quoi vous battez-vous aujourd’hui ?

Ma grand-mère et mon père ont été malheureux et ont eu leur vie brisée par l’intransigeante sadique des politiques comme des généraux au pouvoir en 1914. Maintenant je comprends le comportement de papa, car il devait trainer cela comme un boulet pour ne pas dire une honte. Il faisait souvent des dépressions et il buvait plus que de raison. Il était soigné et suivi pour cela.

Le 10 novembre 1966, il a mis fin à ses jours.

Il a quitté ce bas monde où il a été toute sa jeunesse mal aimé, balloté d’un orphelinat à l’autre et d’un patron à l’autre…

Mon père et ma mère ont eu 10 enfants (dont une petite sœur étant décédée à l’âge de 1 jour). Ils ont élevé 9 enfants, nous avons tous eu une situation en main, un métier, et chacun la possibilité d’étudier selon ses propres possibilités.

Personnellement lorsque j’ai demandé de poursuivre mes études à l’école des métiers de Felletin, ils m’ont encouragé et accompagné malgré leur peu de moyens.

Merci, grand merci, Maman et Papa. Que justice vous soit rendue.

La seule qui puisse leur être rendue c’est la réhabilitation du soldat Georges Gustave Jean Haon, mort pour l’exemple, ainsi que tous les fusillés pour l’exemple.

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