Patrimoine millavois

Patrimoine millavois : Notre-dame de la Salette

La chapelle de Notre-Dame de la Salette se situe au pied de la Pouncho d’Agast, près du confluent du Tarn et de la Dourbie. Elle domine l’Avenue de l’Aigoual. Comme le rappelle les Annales de la Salette (Millau, juin 1873) : « Depuis longtemps déjà, un sanctuaire, en honneur dans le pays, attirait de nombreux pèlerins quand venait chaque année la fête de la Visitation. Mais la chapelle de Notre Dame de la Salvage était trop éloignée pour satisfaire pleinement la piété des fidèles : il fallait un sanctuaire plus rapproché ».

Voici comment la chapelle vit le jour : Le 30 août 1872, un groupe de personnes pieuses partit de Millau pour le lieu de la Salette (Isère) où avait eu lieu le 19 septembre 1846 une apparition de la Vierge à deux petits enfants des Alpes : Maximin Giraud et Mélanie Calvet Mathieu.

Au retour de ce lointain pèlerinage, elles résolurent d’élever, tout près de leur ville, une gracieuse chapelle en l’honneur de Notre-Dame de la Salette pour ainsi honorer la Vierge apparue dans la commune iséroise. L’endroit choisi sera situé dans un cadre verdoyant au pied de la Pouncho d’Agast rappelant les Alpes qu’avait foulées « la Vierge des Pleurs ».

Notre-Dame de la Salette en 1905.

Sous les auspices de l’abbé Pierre Constans, curé de Notre-Dame, et de son vicaire l’abbé Joseph Rouquette (6 janvier 1818- 27 décembre 1892), futur fondateur de la paroisse du Sacré Cœur, elles remplirent l’office de quêteuse dans la cité. Riches et pauvres rivalisèrent de générosité.

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En quelques mois (fin 1872-1873) s’éleva sur un terrain acheté par l’abbé Rouquette le nouveau sanctuaire de Marie. Au fond de la chapelle, un tableau appendu, livre les noms de ceux et celles qui en furent les bienfaiteurs.

L’inauguration solennelle de la chapelle par l’abbé Saurel, curé de St François, mandaté par Mgr l’évêque de Rodez, eu lieu le samedi 24 mai 1873. Dès ce moment, de nombreux pèlerins vinrent offrir leurs hommages à la Vierge Réconciliatrice de la Salette. La Revue religieuse de Rodez du 15 septembre 1876 est là pour nous le rappeler : « Mardi 19 septembre, à Millau, la jolie chapelle dédiée à la Vierge Réconciliatrice sur les bords de la Dourbie sera ouverte aux nombreux pèlerins de la ville et de la campagne, qui viendront rendre leurs hommages, à leur bien aimée Souveraine, disant à tous : Avancez mes enfants, n’ayez pas peur, je suis ici pour vous. Oui, elle y sera bien pour tous, les mains pleines de grâces et le cœur rempli d’amour !… Le saint sacrifice de la Messe sera célébré dans ce pieux sanctuaire, pendant toute la matinée ; puis les chants, les prières, rien ne sera négligé dans cette belle fête, pour rappeler aux uns de doux souvenirs, aux autres des espérances, et à tous les ineffables miséricordes et les trésors de grâces, renfermés dans la céleste apparition de la vierge de la Salette ».

Jules Artières décrit la petite chapelle comme suit : « Le gracieux sanctuaire de Notre-Dame de la Salette a la forme d’une croix latine ; l’abside, semi-circulaire, est occupée par un autel en marbre ». (Millau à travers les Siècles, 1943). Sa porte d’entrée s’orne de gracieuses arcades coiffant un tympan demeuré aveugle. Un beau vitrail en rosace à huit pétales décore la partie supérieure de la façade. L’édifice est sommé d’un campanile ; sa cloche fondue à Rodez chez Triadou, a été baptisée en août 1879.

Le livre de paroisse du Sacré-Cœur indique qu’à partir de 1875, l’abbé Rouquette désigné comme nouveau curé de la paroisse nouvellement créée du Sacré-Cœur, ne possédait encore aucune église à son service et qu’il s’en allait à pied, chaque matin, dire sa messe à cette chapelle de la Salette qu’il chérissait, accompagné de son enfant de chœur qui n’était autre que M. Henri Arlabosse.

En 1875 également, l’abbé émit le vœu de construire au chevet de la chapelle de la Salette un tombeau destiné à y transférer les restes de son oncle l’archiprêtre Constans décédé le 17 février 1875 et qu’il destinait à sa propre sépulture. L’autorisation nécessaire avait été accordée par le maire de Millau ; mais on ne sait pour quelle raison ce tombeau formé d’une imposante croix de pierre dressée sur une épaisse dalle a été érigé au cimetière du Cayrel à Millau.

C’est ce même abbé Joseph Rouquette, qui baptisa en août 1879 la cloche de la chapelle comme nous le rappelle cet article paru dans la Revue Religieuse de Rodez : « Dimanche dernier, il y avait à la Salette une bien belle cérémonie, on devait baptiser la cloche. A l’avance, une foule considérable se pressait aux abords de la chapelle. M. le curé du Sacré Cœur a bien voulu embellir cette fête, ainsi que ses vicaires. Après avoir fait les prières d’usage, il a adressé quelques mots avec l’à propos et la facilité de parole qui le caractérise, à la multitude de personnes accourues autour de lui, et a félicité ensuite le donateur et parrain de la cloche, M. Cornier dont les pieuses largesses ne se bornent pas seulement à la chapelle de la Salette, mais à l’église de Saint-François, sa paroisse, où il s’est dévoué toute sa vie à l’église Saint Martin où sa générosité est connue de tous, et enfin à la nouvelle église du Sacré Cœur dont il comprend la nécessité et les besoins et où il a promis son bienveillant concours. Melle Nathalie Cournet était marraine de la cloche ; toujours prête lorsqu’il s’agit de faire une bonne œuvre, elle avait accepté gracieusement cette charge. Et maintenant, le sanctuaire de la Salette aura plus de vie, la cloche appellera les pieux pèlerins à la prière, et Notre Dame Réconciliatrice sera encore dédommagée, si c’est possible, des larmes qu’elle a versées pour nous au sommet des Alpes. X. » ( 8 août 1879).

Six ans auront été nécessaires pour que la chapelle soit coiffée de sa cloche. Ce qui n’empêcha pas les pèlerins de venir dès son érection en 1873 et de doter la chapelle d’un chemin de croix, d’une statue de Notre-Dame de Lourdes et de Saint Joseph.

Par la suite, de généreux donateurs la doteront le 19 septembre 1883 de deux autels latéraux sous chaque statue ainsi qu’à l’arrière de l’autel central du groupe des trois personnages représentant la Salette. Chaque année, de nombreux pèlerins y sont venus prier très nombreux aux jours des fêtes liturgiques : mois de Marie en mai, 2 juillet, 15 août et pour le 19 septembre, fête du Rosaire, la chapelle de la Salette était ouverte aux pèlerins de la ville et de la campagne pour l’anniversaire de l’apparition de la Sainte Vierge à la Salette.

On peut lire dans la chapelle sur des plaques apposées : « Hommage de reconnaissance à Notre-Dame de la Salette qui a accordé à une mère la guérison de son enfant le 28 mai 1873 », « Amour, reconnaissance à Notre-Dame de la Salette, Pèlerinage de Creissels, 15 septembre 1874 ».

La Revue religieuse du 12 septembre 1879 nous apprend que « les messes commenceront à cinq heures et dureront toute la matinée. Celles de 7 heures, de 8 heures et de 9 heures seront offertes pour les bienfaiteurs de la chapelle. »

Comme aimait à le rappeler Georges Girard au cours d’une visite guidée qu’il fit pour les journées du Patrimoine du 20-21 septembre 2003 :« Que de fois au cours des nombreuses années qui suivirent elle a annoncé les messes de pèlerinages rassemblant non seulement des Millavois mais aussi des populations voisines de la vallée et des Causses. A sa voix la chapelle aura vu défiler des centaines de premiers communiants en actions de grâces pour demander la fidélité à leurs engagements chrétiens, elle aura aussi écouté les supplications de tant d’ouvriers millavois venus l’implorer de protéger leurs industries et leur conserver le travail quotidien, en même temps que la solidarité agissante d’habitants des divers quartiers. »

Lors des Journées du Patrimoine, le 17 septembre 2016.

Le 15 novembre 1895, la Revue Religieuse de Rodez annonçait que la petite chapelle dédiée à Notre-Dame de la Salette allait devenir, grâce à la diligence du Cardinal Bourret, l’évêque de Rodez, le centre d’une œuvre nouvelle pour l’Aveyron, c’est-à-dire une pépinière de jeunes sœurs missionnaires se destinant à aller se dévouer aux besoins de l’Afrique. Ces missions, fondées en 1869 par le Cardinal Lavigerie, comportaient une période de formation en France, dont le premier degré se situait en un Postulat. C’est donc un Postulat, qui vint s’ouvrir, ici, à la Salette par la construction du bâtiment jouxtant le terrain de la chapelle.

La suite nous est racontée par Georges Girard : « Les travaux se déroulèrent de novembre 1895 à mai-juin 1896. Le Cardinal Bourret, accompagné de Mgr de Livinhac, originaire de Buzeins et qui était alors Supérieur des Pères Blancs d’Afrique après le cardinal Lavigerie, vint visiter la finition des travaux et s’en montra satisfait.
La bâtisse, de forme parallélépipède était pourvue d’un cloître, dotée de fenêtres cintrées ; l’aspect en était un peu sévère certes, mais bien en rapport avec l’impression de dénuement et de sacrifice qu’inspirait à tous l’œuvre elle-même.La chapelle de la Salette, promue au rang de chapelle du Couvent des Sœurs Blanches, reçut quelques décorations nouvelles, en particulier le vitrail en forme de rosace, où l’on distingue les armes du Cardinal Lavigerie, croix archiépiscopale à double croisillons – chapeau de cardinal et sa devise  » Caritas  » qu’il écrivait avec un h (Charitas) accompagnée du pélican. L’installation des sœurs eut lieu le 1er septembre 1896, cinq religieuses suivies d’une petite Kabyle au teint bronzé, qu’elles amenaient d’Afrique. »

Mais les Sœurs blanches ne purent se maintenir longtemps à la Salette. Les lois liberticides contre les congrégations, votées une dizaine d’années après, les obligèrent à quitter ce couvent où étaient instruits et formées les jeunes filles qui désiraient se consacrer à la grande civilisation, si chrétienne et si française, des missions africaines. Elles furent expulsées en janvier 1903, au grand désespoir de la population catholique de Millau, puisqu’aussi bien la loi de Séparation de l’Eglise et de l’Etat avait saisi les biens d’église, dont la chapelle.

Marc Parguel

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