Son séjour au Mexique
Le 18 juillet 1862, Louis Testory est promu Aumônier de 1re Classe au Corps expéditionnaire du Mexique. Le dimanche 24 août 1862, il embarque à Toulon avec les 5e et 6e Compagnies (351 hommes et 351 chevaux) du 12e Régiment des Chasseurs à Cheval sur le transport des troupes « L’Ardèche ».
Le 15 octobre, après avoir fait escale à l’île Madère et en Martinique, le bâtiment arrive à Veracruz.
Quand Louis pose le pied sur le sol mexicain, il est loin de se douter que son séjour va durer cinq longues années et que cette période sera la plus importante de sa vie.
Quelle situation politique prévaut au Mexique ?
Depuis le début du 19e siècle, le Mexique est troublé par les guerres civiles et les coups d’Etat. L’insécurité règne dans tout le pays. Les ressortissants étrangers sont l’objet de rackets et d’assassinats. L’Angleterre, la France, et l’Espagne envoient à la fin de l’année 1861 leurs flottes devant les ports mexicains dans le but de saisir les droits de douane pour se rembourser des pertes subies par leurs ressortissants. Alors que l’Angleterre et l’Espagne se satisfont d’une démonstration de force et se retirent rapidement, la France s’engage dans une campagne militaire. Napoléon III veut renverser le gouvernement du Président Juarez et établir un régime impérial en offrant la couronne à un frère de l’empereur François-Joseph, l’Archiduc Maximilien. Pour réussir, il faut que tout le territoire du Mexique soit envahi et occupé. Une telle mission sera irréalisable en raison des difficultés géographiques, climatiques, politiques, sanitaires et sociales du pays, qui ont été mal évaluées.
Les troupes françaises fortes de 7.000 hommes, mais dotées d’une artillerie insuffisante pour conduire un siège, subissent au début du mois de mai 1862, un retentissant échec devant Puebla. Napoléon III décide alors d’envoyer des renforts importants, à savoir 30 000 hommes et 6 000 chevaux, au cours des mois de juillet, août et septembre. En raison de la durée de la traversée qui atteint parfois deux mois, les derniers régiments n’arriveront au Mexique qu’en novembre.
Durant toute la traversée, Louis a écrit à sa famille à chaque escale et, à peine arrivé à Veracruz, il envoie le 28 octobre une longue lettre à sa sœur Joséphine pour la « tranquilliser, car je me porte très bien et je suis admirablement nourri », et plus loin, il affirme qu’il ne tombera pas malade, car il s’administre « tous les jours un bon Pounchut et parfois deux ! ». Il donne cette précision, car à la saison des pluies, la région de Veracruz devient marécageuse et propice au développement de la fièvre jaune (le vomito negro : maladie qui se traduit par des vomissements de sang noir ainsi que par des délires furieux) qui fait des ravages chez les nouveaux débarqués.
A la fin de sa lettre, il évoque le naufrage, causé par un ouragan, de douze bateaux qui ont coulé, le 25 octobre 1862, alors qu’ils étaient au mouillage dans la rade de Veracruz. Parmi les bateaux qui ont sombré se trouvait « Le Chaptal », sur lequel Louis avait embarqué à Toulon pour partir en Crimée.
Quelques jours plus tard, le 8 novembre, il arrive à Orizaba, toujours heureux de son sort bien que le danger soit toujours présent. En effet, il précise dans sa lettre du 9 novembre : « je vois très bien de la fenêtre de ma chambre de l’Hôtel San Pedro, les postes ennemis ». Mais de la même fenêtre, il peut admirer : « le Pic d’Orizaba dont le sommet est le cratère d’un volcan entouré de neiges éternelles ».
Dans sa lettre du 11 novembre, il annonce avec joie et fierté qu’il a été nommé Aumônier en Chef du Corps expéditionnaire. Cette nomination est très importante, car elle va lui permettre de côtoyer les plus grandes personnalités. Dès le 16 novembre, il est invité à dîner avec l’évêque local par le Général Forey, Commandant en Chef des troupes au Mexique. En outre, il droit à deux chevaux et deux « ordonnances », l’une pour s’occuper des chevaux et l’autre de sa personne !
Avant la fin de l’année, Louis Testory retourne à Veracruz. Il visite les ambulances qui se trouvent sur sa route. Il rencontre un grand nombre de malades qui sont tous morts lorsqu’il repasse pour revenir à Orizaba. A son retour il tombe malade, victime sûrement d’une crise de paludisme. Pendant trois jours il est fiévreux, mais il se remet rapidement sur pied de ce qu’on appelle « les fièvres d’acclimatation », contrairement à beaucoup de soldats qui n’en réchappent pas.
Le 23 février 1863, l’armée quitte Orizaba pour aller faire un nouveau siège de Puebla. Pendant quatre mois il a été procédé à l’acheminement des provisions, des munitions, des gros canons de siège, à la mise en place de postes et de patrouilles pour assurer la sécurité des itinéraires, et principalement celui de Veracruz à Puebla, via Orizaba.
Après 6 jours de marche, l’armée se concentre devant Puebla. Le Général FOREY dispose d’environ 25.000 soldats dont 1 500 cavaliers, et d’une soixantaine de canons.
L’investissement de Puebla débute le 16 mars 1863. Les Mexicains ont organisé la défense intérieure de la ville. Ils ont divisé la cité en îlots de maisons. Les Français les appellent « cadres » : ils portent chacun un numéro, il y en a 158, séparés par des rues qui se coupent perpendiculairement. En outre, l’ennemi a renforcé les points stratégiques sur tout le périmètre extérieur, notamment, les Forts de Guadalupe, de Loreto, du Pénitencier et de Carmen.
L’effectif des troupes mexicaines commandées par le Général Ortega s’élève à 22.000 hommes.
Le général Forey a décidé de porter son attaque sur le Fort du Pénitencier à partir du 23 mars. Pendant une semaine, les Français, notamment le 1er Bataillon de chasseurs et le 2e Régiment de Zouaves, s’élancent courageusement à l’assaut du Fort. Louis est là pour s’occuper des blessés et assister les mourants. La résistance des Mexicains est acharnée et le Fort ne tombe que le 29 mars à 20 heures.
Le 31 mars, Louis écrit : « depuis dix jours le canon gronde, les boulets tombaient autour de nous, mon cheval a été tué à côté de moi par un obus, mais je me porte très bien…depuis qu’on a pris le fort du Pénitencier, nous pouvons dormir sans danger…le Général de Laumière a été blessé à la tête par une balle…Monsieur Chassous, le frère du Sous-Préfet de Millau va bien… ».
Si la prise du Fort du Pénitencier préserve le camp des Français des obus mexicains, la ville de Puebla résiste toujours. Maintenant les cadres numérotés de la ville doivent être pris un par un, en enlevant maison après maison. Les combats sont d’une extrême violence. Des atrocités, des massacres sont commis de part et d’autre. Une fois de plus, Louis est témoin des horreurs de la guerre. Lui-même va être blessé par une balle à la jambe droite lors de l’attaque meurtrière du Couvent de Santa Inès le 25 avril 1863.
Dans cette terrible bataille de rues, les Français subissent des pertes importantes, aussi le commandement décide de changer de tactique. Il ne va plus chercher à progresser, mais il va interdire toute sortie et toute communication de la ville avec l’extérieur en vue d’affamer la garnison.
Le 8 mai, près de Puebla, une armée de secours de 6.000 mexicains, commandée par le Général Comonfort, est battue par les troupes françaises du général Bazaine à San Lorenzo. L’aumônier Testory était présent à cette bataille.
Le Général Ortéga qui ne peut plus recevoir de secours est contraint à déposer les armes. La ville se rend le 17 mai après 62 jours de siège.
Quelques heures plus tard, Louis Testory entre dans une ville à moitié détruite par les bombardements, dont certains quartiers ont été néanmoins épargnés, car il s’extasie devant les beautés de la cité que les Mexicains appellent « Puebla de Los Angeles ».
L’armée française quitte Puebla le 5 juin et entre triomphalement dans Mexico le 10 juin. Le lendemain, Louis a participé au grand banquet donné par le Gouverneur. Le 16 juin, il célèbre la messe à la cathédrale devant une foule immense.
Le même jour, il écrit à sa sœur Joséphine de s’imaginer qu’il « est à Paris, bien logé, bien nourri, bien payé, mais buvant de l’eau » !!! Il occupe une chambre de l’hôtel Iturbide, ancien Palais de l’Empereur Iturbide.
Louis est heureux. Comme toujours, il est content de son sort quand il est en campagne. Toutefois dans sa lettre, s’il affirme qu’il n’est pas à plaindre, il s’étonne qu’on ne lui ait pas encore attribué la « croix d’honneur », surtout qu’il avoue à sa sœur « qu’il a failli être tué plus de mille fois par les balles et les boulets au siège de Puebla ».
C’est le 14 août 1863, fête de l’Empereur, que le Maréchal Forey nomme Louis, Chevalier de La Légion d’Honneur. Il lui remet la « Croix », le dimanche 13 septembre, sur La Grande Place de Mexico. Louis voit enfin ses mérites éminents récompensés.
Depuis l’occupation de Mexico, l’armée mexicaine s’est divisée en petites unités pour harceler l’armée française ou pour procéder à des coups de main sur des objectifs précis. Pour lutter contre cette guérilla, le commandement français va créer un corps de volontaires qui vont utiliser les mêmes méthodes que les guérilleros. A la tête de ce commando d’un effectif d’environ 200 soldats se trouve le Colonel Du Pin. Il va obtenir des résultats probants, mais au prix d’atrocités, de crimes, et de saccages.
Le 1er octobre, Napoléon III remplace le Maréchal FOREY par le Général Bazaine. Le nouveau Général en Chef a la lourde charge de mettre sur le trône le futur Empereur du Mexique, Maximilien, Archiduc d’Autriche : mission délicate, car il hérite d’une succession militaire et politique difficile et compliquée. Le Président Juarez est toujours reconnu comme chef par la majorité des Mexicains et l’armée française ne contrôle que l’axe reliant Veracruz à Mexico sur une largeur ne dépassant pas cent kilomètres.
Ainsi contrairement aux souhaits de Napoléon III et de Maximilien, l’empire mexicain est proclamé par une assemblée de notables mexicains alors que la population mexicaine n’est pas favorable à la venue d’un empereur qu’elle ne connaît pas et dont elle ignore jusqu’à l’existence.
Napoléon III ne pouvant pas se désengager va charger le corps expéditionnaire de faire reconnaître l’empire aux populations. L’armée va se consacrer à cette mission pendant plus de trois ans. Son effectif s’élève à 45.000 hommes, dont 10.000 soldats mexicains.
En vue de pacifier l’intérieur des terres, le général Bazaine décide d’entreprendre une expédition jusqu’à Guadalajara, la deuxième ville du Mexique, située à quatre cents kilomètres de Mexico.
Louis qui veut retrouver la vie des bivouacs va accompagner les troupes « qui espéraient rencontrer l’ennemi, mais les mexicains se sont tous sauvés et il n’a pas été tiré un seul coup de fusil dans toute l’expédition ». C’est un extrait de sa lettre du 20 janvier 1864 dans laquelle il précise « que le dimanche 10 janvier il a dit la messe militaire dans la cathédrale qu’on prétendait minée ».
Début février, Bazaine met fin à l’expédition et rentre à Mexico. Il rend compte à Napoléon III de ce que le Mexique attend avec impatience le nouvel empereur. Mensonge de courtisan !!! Louis retrouve ses habitudes : le dîner hebdomadaire chez le général en chef, les réceptions chez les plus grandes familles de Mexico, l’hospitalité chaleureuse de la famille aristocratique qui l’héberge et les marques de considération des officiers qui l’appellent « l’envoyé du Père éternel » !
Enfin, sous les pressions de Napoléon III, de son frère François-Joseph, empereur d’Autriche et de son épouse, Charlotte, Maximilien se décide à accepter de devenir l’empereur du Mexique.
Le couple qui vit sur l’île de Lokrum en face de Dubrovnik (appelée autrefois Raguse) s’embarque pour le Mexique le 14 avril 1864 à bord de la frégate autrichienne « La Novara». Elle est escortée par le navire français « La Thémis ».
Le 28 mai, « La Novara » mouille devant Veracruz et le lendemain, les nouveaux arrivants partent pour Mexico, d’abord en train, puis en diligence. Ils sont accueillis par le Général Bazaine entouré des personnalités de la ville. Après avoir été présenté à Maximilien, Louis Testory rencontre la future impératrice. Il est immédiatement subjugué par la beauté de Charlotte, qui apprécie que Louis lui rappelle respectueusement ses origines bourboniennes. L’empereur Maximilien est installé sur le trône impérial le dimanche 12 juin.
Le 24 juillet, Testory est convoqué au Palais Impérial par Charlotte, devenue Carlota au Mexique. L’Impératrice le charge d’écrire un ouvrage sur l’instruction religieuse à dispenser dans les écoles du Mexique. Louis se met : « … à travailler de suite et de son mieux… Cette impératrice est des plus aimables, des plus charmantes, des plus gracieuses, elle plaît à tout le monde et tout le monde l’aime ».
Le palais républicain de Mexico ayant besoin d’être rénové, le couple impérial décide de s’installer au château de Chapultepec , bâti sur l’emplacement de l’ancien palais d’été des empereurs aztèques. Il est construit au milieu d’une forêt de cèdres millénaires. Louis qui a des talents de sculpteur va réaliser, dans le bois des cèdres de l’époque de Montezuma, des oeuvres d’art qui sont toujours conservées par les familles Balsan et Crébassa.
L’empereur Maximilien 1er part visiter l’intérieur du pays du 11 août au 30 octobre 1864. Durant son absence, les affaires du pays sont confiées à l’impératrice.
Louis continue d’écrire à sa famille tous les 15 jours. Dans ces lettres il ne fait plus référence à son Larzac ou à son Rouergue comme au début de son séjour, mais continue d’affirmer qu’il va très bien. Il est au Mexique depuis deux ans, il est parfaitement intégré, d’autant plus qu’il parle couramment l’espagnol.
Par contre il se montre très pessimiste quant à la situation et à l’avenir du pays dans son analyse en date du 27 octobre 1864 : «… Le pauvre empereur qui passait pour si intelligent ne fait que des sottises. Il est détesté de plus en plus par tous les partis, même des Français. L’impératrice seule a de la tête… Elle se plaint amèrement d’avoir été trompée par l’empereur des Français. On lui disait que Maximilien était demandé par tout le Mexique : elle voit tout le contraire… Elle pleure et veut partir… C’est le commencement de la fin ». Tout est dit.
La situation est en effet dramatique dans tous les domaines, même sur le plan militaire, puisque les armées de Juarez se permettent d’attaquer les Français dans la région de Mexico.
L’aumônier Testory, lui, continue à remplir parfaitement et consciencieusement ses fonctions. En présence du Maréchal Bazaine, le 2 novembre 1864, dans la cathédrale de Mexico, Louis prononce une oraison funèbre en hommage aux victimes de l’armée française qui ont succombé au Mexique. Maximilien 1er a écrit à Louis pour lui annoncer qu’il avait donné l’ordre de conserver deux exemplaires de l’oraison funèbre dans sa bibliothèque.
Louis, fidèle au couple impérial et à ses convictions, va s’impliquer dans la querelle qui oppose l’empire mexicain à la papauté. A la demande de l’Impératrice, il publie le 1er janvier 1865, une brochure intitulée « L’Empire et le clergé mexicain » qui va faire l’effet d’une bombe à Mexico, à Rome et à Paris. Il y traite de l’avenir du clergé mexicain et de ses rapports avec l’Empire en prenant parti pour les adversaires de la papauté! Rome ne lui pardonnera jamais la publication de cette « petite brochure ». Son ouvrage est rapidement condamné et interdit par la Sacrée Congrégation de l’Index. Le pape Pie IX, en signant le Décret du 13 mars 1865, approuve la mise à l’index de la brochure de Louis.
Afin de contrôler dans de meilleures conditions les régions du sud-ouest de Mexico, le Maréchal Bazaine part début janvier faire le siège de la ville d’Oaxaca. Louis participe à l’expédition qui met 15 jours pour parcourir dans des conditions difficiles en raison du relief escarpé, les 500 kilomètres qui séparent les deux villes. Le Général Porfirio Diaz s’est enfermé avec 7.000 Mexicains dans la ville qu’il a fait fortifier. Pourtant après 52 jours de siège, le 9 février 1865, le général DIAZ se rend.
De retour à Mexico, Louis Testory est nommé Officier de l’Ordre de Guadalupe par L’empereur Maximilien 1er. Le 9 mars 1865, Louis écrit à sa sœur Joséphine : « L’Impératrice m’a fait cadeau de la croix en or d’une valeur, écrit-il le 9 mars, de 300 francs !… Je me porte à merveille grâce à Dieu… Ces jours derniers, j’ai dîné au Palais de Chapultepec avec Leurs Majestés l’empereur et l’Impératrice ».
Le couple impérial donne les réceptions officielles dans le palais de Mexico, tout en se réservant le palais de Chapultepec pour y recevoir les amis et les proches collaborateurs dont Louis fait partie. Il a l’honneur, en effet, d’avoir la confiance de l’Empereur et surtout de l’Impératrice, ce qui ne le retient pas, dans sa lettre du 8 juin, de juger sévèrement l’Empereur : « … Sa Majesté est toujours à voyager, je ne sais pourquoi et comment, il va s’occuper à chasser les hannetons lorsqu’il faudrait qu’il s’occupe des affaires de l’État ! » La situation du Mexique reste très préoccupante : la stagnation politique et militaire crée un marasme économique. D’ailleurs Louis montre certains signes de découragement et pense qu’il est au Mexique encore pour longtemps. Afin de pouvoir tenir quelques années de plus, il souhaiterait venir passer plusieurs mois en France.
Le 27 juin 1865, le mariage du Maréchal Bazaine âgé de 54 ans avec une Mexicaine de 18 ans est célébré par l’archevêque de Mexico en la cathédrale. Louis est invité au déjeuner de 80 couverts offert par l’Empereur et le dimanche suivant au dîner de 30 couverts seulement chez le Maréchal Bazaine. Sa présence à ses repas importants montre à l’évidence qu’il est apprécié aussi bien par le couple impérial que par le Maréchal Bazaine. Celui-ci va signer le 26 septembre 1865 l’ordre n° 49 du Grand Quartier Général qui stipule : « L’abbé Lanusse est nommé aumônier en chef par intérim en remplacement de l’abbé Testory, qui rentre en France pour jouir d’un congé de convalescence de six mois ». Louis qui a toujours affirmé dans ses lettres à sa famille qu’il se portait à merveille a néanmoins, selon Bazaine, besoin de repos. Il est tout heureux de revoir la France, Millau, et surtout sa famille.
Louis débarque à Saint-Nazaire à la fin du mois de décembre et se rend à Paris où il est reçu à l’archevêché par Monseigneur Darboy. Il lui rend compte de la situation au Mexique et des missions assurées par les aumôniers. Il part ensuite à Millau où il est attendu dans la maison familiale du Boulevard Saint-Antoine.
Durant son séjour il rend visite au Sous-Préfet, à la famille du Général Clément Vernhet de Laumière au château de Laumière, au clergé et en particulier à son ami l’abbé Bonal, le curé de Lapeyre dans la vallée de la Sorgues. A la demande de Louis Testory, l’Etat a fait don à la paroisse de Lapeyre d’une vierge à l’enfant en marbre de Carrare qui peut être admirée dans le chœur de l’église. Elle est l’œuvre du sculpteur allemand Carl Johann Steinhauser.
Après un passage à Paris où il défend à nouveau sa cause et celle du couple impérial, Louis embarque à Saint-Nazaire le 16 avril 1866, à midi, sur le « France ».
Louis « trouve ce bâtiment magnifique, mais, bien longues et bien pénibles les journées de traversée ». Pourtant le « France » est un bâtiment rapide qui a traversé l’océan en 24 jours, puisque le 10 mai, Louis débarque à Veracruz et arrive à Mexico au début du mois de juin.
Durant son absence la situation militaire et diplomatique ne s’est pas améliorée. Elle est devenue désastreuse ! La guerre de Sécession terminée, les Etats- Unis apportent leur soutien à Juarez en hommes et en matériels. En outre, ils exercent une pression sur Napoléon III pour l’inciter à retirer son armée. Pour prévenir une attaque des Etats-Unis, Bazaine regroupe ses forces. Mais en les retirant des territoires conquis, il permet aux troupes mexicaines de les réoccuper. Maximilien est dépassé par les événements (le Colonel DU PIN le traite de « misérable crétin » !) et Carlota, bien qu’elle déploie une activité débordante, ne trouve que le soutien de … Louis ! L’Impératrice décide donc d’aller à Paris voir l’Empereur Napoléon III pour lui demander une aide plus efficace. Elle quitte Mexico le 9 juillet 1866. Il est trop tard…
Le 15 août, l’Empereur Maximilien invite Louis à dîner pour la fête de Napoléon III. Il lui dit qu’il a de bonnes nouvelles d’Europe, sûrement par Carlota, arrivée à Saint – Nazaire le 10 août. Depuis un an, les liaisons entre les continents sont devenues beaucoup plus rapides grâce au câble télégraphique transatlantique, installé depuis le 27 juillet 1865, après neuf ans de travaux et cinq tentatives infructueuses. Louis reste cependant lucide, car il écrit le 8 septembre : « La politique va très mal au Mexique, l’Empereur Maximilien ne tiendra pas sur son trône après le départ des Français… C’est un désordre complet et une anarchie horrible… » Il poursuit le 28 septembre : « … tout le nord de l’Empire qui a été quitté par les Français est dans une révolution complète. »
En octobre 1866, les Mexicains de Porfirio DIAZ reprennent Oaxaca, après avoir battu des colonnes françaises à Carbonera et à Miahuatlan, où le Chef de Bataillon Testard disparaît. Cet excellent officier est un ami de Louis Testory qui va partir à sa recherche. Dans une de ses lettres, le Général Saussier écrit : « …Testory est reparti aussitôt en mission dans le sud, seul et sans escorte, à travers un pays infesté de guérilleros, à l’effet de recueillir des renseignements sur le commandant Testard massacré par les bandes de Porfirio Diaz ». Après plusieurs jours de recherches, Louis rencontre dans un village une Mexicaine qui lui remet les épaulettes et les papiers du Commandant. Ils ont été oubliés chez elle par un guérillero qui s’est vanté d’avoir tué l’officier. Une fois de plus, la chance a souri à Louis, une fois de plus, encore, il a montré un courage exceptionnel.
Le 18 octobre 1866, par deux télégrammes, l’Empereur apprend l’insuccès des interventions de l’Impératrice, et, qui plus est, la maladie grave de son épouse. Cette dernière nouvelle le désespère complètement. Le 21 octobre, Louis fait ses adieux à l’Empereur qui part pour Orizaba. Toujours fidèle et reconnaissant, il écrit le 27 octobre : «… on assure qu’il ne reviendra plus à Mexico. Je regrette beaucoup l’Empereur et je regretterai toute ma vie l’Impératrice. Ces deux souverains ont été pour moi d’une excessive bonté et il est impossible de ne jamais oublier cela… » C’est seulement le 7 janvier 1867 que l’Empereur revient à Mexico où il décide de rester, alors que les troupes françaises se préparent à quitter le Mexique.
C’est la fin. Le 5 février 1867, le drapeau français ne flotte plus sur le quartier général de Buenavista. Le Maréchal Bazaine quitte Mexico à la tête des troupes françaises. Louis Testory l’accompagne, mais avant de partir il a écrit à Maximilien 1er qui lui répond en ces termes : « Mon cher Monsieur Testory, votre lettre m’a vivement touché… je conserverai toujours un agréable souvenir des belles qualités que vous possédez… je suis votre affectionné Maximilien », montrant ainsi toute l’estime qu’il porte à Louis.
Les 28.000 hommes du corps expéditionnaire se regroupent à Orizaba, pour rejoindre progressivement Veracruz où ils embarquent sur 30 transports de troupes et 7 paquebots. Le 8 mars 1867, Louis Testory monte à bord du transport de troupes la « Cérès » avec 950 soldats. Il partage sa chambre avec le médecin militaire Chevassu. Peu après le départ, ils vont lutter tous les deux contre une épidémie de fièvre jaune qui sévit à bord. Chaque soir, les morts du jour sont jetés à la mer, accompagnés des prières de Louis. La Cérès arrive à Brest au début du mois de mai.
Quatrième épisode, vendredi 21 septembre sur Millavois.com.