Politique

Arnaud Viala : « Je n’ai jamais autant ressenti ce besoin de proximité »

Le rythme des réformes

Une année particulière, puisqu’elle correspond à l’arrivée au pouvoir d’une nouvelle majorité et de la succession rapide de réformes introduites au parlement.

« Le rythme des réformes est à regarder positivement parce que les Français ont fait un appel du pied très fort en 2017 en demandant à ce qu’un gouvernement de format inédit et nouveau transforme la France ». Et s’il ne fait pas partie de la majorité présidentielle, le député Viala (LR) assure avoir jusqu’à présent « soutenu beaucoup de réformes qui ont été portées par le gouvernement. Dès lors qu’elles allaient dans le bon sens, je les ai votées sans état d’âme, et pas toujours en conformité avec les consignes que pouvait donner mon groupe parlementaire ».

A l’heure actuelle, trois textes sont sur la table. La réforme constitutionnelle, « un moment assez crucial du quinquennat », la loi Pacte (Plan d’Action pour la Croissance et la Transformation des Entreprises, une loi supposée donner aux entreprises les moyens d’innover, de se transformer, de grandir et de créer des emplois, NDLR), qui va être confiée à une commission spéciale dont Arnaud Viala fera partie, et une série de lois plus thématiques (agriculture, logement, formation professionnelle et apprentissage…).

« Je me suis beaucoup impliqué sur ces textes, notamment celui sur l’agriculture, avec une forme de déception à l’arrivée, parce qu’il y a eu loin de l’intention initiale à la réalité finale de ce qui est contenu dans le texte, mais aussi une insuffisance de prise en compte de la globalité des problématiques de l’agriculture ». Et de donner pour exemple le foncier, de la transmission des exploitations, ou encore de la question du poids des normes et des réglementations. « Au final, un texte faible par rapport à l’attente du tissu rural », regrette Arnaud Viala.

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La baisse du nombre de parlementaires

En revenant sur le sujet de la réforme constitutionnelle, le député du Sud-Aveyron est revenu sur la baisse annoncée du nombre de parlementaires, « une réforme que le candidat Macron a portée, que la Majorité va faire passer et qu’à mes yeux, les Français veulent majoritairement ». « Mais il y a des réglages qui seraient nécessaires. A l’heure actuelle, seul le critère démographique permet de définir la taille des circonscriptions électorales et donc le nombre de représentants, et en face de ça, il y a une réalité de la France qui n’est pas identique aux autres pays européens. La France a conservé une répartition de sa population beaucoup plus homogène. Mais il faut maintenant que ces gens qui sont restés là (dans les zones rurales, NDLR), bénéficient d’une activité économique pour qu’il y ait de l’emploi et que les jeunes y restent, et il est nécessaire que leur représentativité ne soit pas complètement diluée. »

Décentralisation

« J’ai travaillé au cours des derniers mois sur deux choses. D’abord, j’ai présidé la commission sur la décentralisation. Le rapport qu’a remis cette commission est assez touffu, et elle ne peut trouver de déboucher que dans la réforme constitutionnelle. » En parallèle de ça, Arnaud Viala est vice-président de Délégation aux collectivités territoriales. Cette délégation, qui va travailler par missions flash. « J’ai fait une des premières missions flash, avec Jean-René Cazeneuve (REM). Nous avons travaillé sur la modification de l’article 72 de la constitution (article qui porte sur le droit à l’expérimentation locale par les collectivités territoriales, NDLR). Je crois beaucoup que cet article qui a été déjà touché en 2008 lors d’une précédente réforme, mais on souhaite rendre beaucoup plus facile l’expérimentation en faisant par exemple valoir une particularité territoriale qui va permettre qu’on n’applique pas la loi à La Cavalerie comme au centre-ville de Toulouse, et d’autre part que soit prise en compte les particularités territoriales chaque loi qui sera votée par le parlement ». Derrière ça, vient s’articuler la disposition principale du rapport sur la décentralisation, qui est la notion de contrat entre le territoire et l’Etat. « Pour que l’Etat puisse aider les territoires, il faut que l’Etat puisse contractualiser de manière spécifique avec chaque territoire. »

« Moi j’imagine par exemple que l’on peut demander l’expérimentation de la Loi littoral sur les lacs du Lévézou, explique Arnaud Viala. Il faut pour cela que le processus soit relativement simple ! S’il nous faut embaucher 10.000 avocats pour monter le truc, on n’y arrivera pas. Dans l’article 72 actuel, on a compté 9 verrous successifs qu’il faut enlever avant que l’on puisse expérimenter. Entre 2018 et 2018, aucun territoire urbain ou rural en France n’a fait valoir cette disposition. Nous, ce que l’on veut, c’est alléger le dispositif. Et il faut redonner aux Préfectures des moyens qu’elles n’ont plus pour qu’elles puissent accompagner les territoires. »

« Mes inquiétudes »

Même s’il assure avoir soutenu beaucoup de réformes, Arnaud Viala ne cache pas qu’il a des inquiétudes,  notamment sur « la cadence de ces réformes et le manque d’un fil conducteur ». « On empile les réformes, mais la mise en cohésion de tout ça n’est jamais rendue apparente par le Gouvernement. La rapidité des réformes exigerait pourtant que le fil conducteur soit très clair. Cela m’inquiète parce que j’ai peur qu’à l’arrivée on mette bout à bout des choses qui ne sont pas articulées avec les autres. Or un projet politique, c’est un projet qui doit être cohérent et qui doit avoir un but ». « Ma deuxième inquiétude est liée à nos territoires, parce que je reste habité de l’obsession de travailler aussi pour nos territoires. Et nos territoires sont perdants dans ce manque de cohérence. On le voit sur les déplacements : on prend dans la figure les 80 km/h, on prend dans la figure la fiscalité du gasoil, et on prend dans la figure le diesel bashing. En Aveyron, le diesel bashing, c’est triple peine : la facture à la pompe, le prix des véhicules non-diesel, et Bosh, premier employeur privé du département qui suscite chez moi de très grandes inquiétudes. On le voit aussi sur la baisse du pouvoir d’achat des retraités, ou encore sur le prélèvement de l’impôt à la source sur le revenu, qui sera une charge lourde au regard de notre tissu économique composé essentiellement de TPE et de PME. Au final, le manque de finesse du projet politique conduit à léser les territoires ruraux ».

« Les Français veulent des élus accessibles »

Tout cela incite aujourd’hui le député Viala à considérer que la principale leçon à tirer de ce qu’il s’est passé en 2017, « c’est que les Français veulent des élus libres, au sens pas complètement asservis aux consignes des partis, et accessibles. Moi, jamais autant que maintenant, je n’ai autant ressenti ce besoin de proximité, d’échange, de partage des préoccupations qu’ont les gens. Je m’efforce de continuer à être trois jours par semaine à l’Assemblée nationale et le reste du temps disponible vis-à-vis de mes concitoyens ». « Il faut préserver cette capacité des Français à accéder aux parlementaires, sinon on va perdre de la tonicité de démocratie », conclut Arnaud Viala.


Glyphosate : « La facilité pour moi, c’était d’aller pisser »

Interrogé sur son vote contre l’interdiction du glyphosate dès 2021 en France, Arnaud Viala « assume clairement ». « L’Europe nous est indispensable, rappelle-t-il. Ça ne justifie pas que l’Europe prenne le pas sur les desiderata nationaux. Moi, je ne suis pas du tout un fédéraliste européen. Sur le glyphosate, l’Europe a pris une directive visant à supprimer cette substance à une date donnée. Sur la loi sur l’agriculture, un membre de la majorité pond un amendement pour inscrire dans une loi française la déclaration du président de la République qui souhaite aller plus vite, contre l’avis des ministres, contre l’avis du rapporteur. Cette disposition, même si elle avait été votée, était parfaitement inopérante. Et si par un subterfuge juridique on arrivait à la rendre opérante, on placerait l’agriculture française en perte de compétitivité majeure par rapport à ses concurrents européens, et on ment aux consommateurs français. Ils mangeront des cerises et des choux sans glyphosate s’ils proviennent de producteurs français, par contre il va continuer à en bouffer en achetant des produits d’Espagne ou d’un autre pays européen. Je n’ai pas voté contre l’interdiction du glyphosate, j’ai voté contre le mensonge qui consistait à faire croire que par cet amendement, on réglait la question et on la réglait plus vite qu’ailleurs. Les Français en auraient mangé autant qu’avant, si ce n’est plus. Parce qu’il faut être conscient que quand on crée une rupture de compétitivité, le prix du produit français augmente ».

En France, le glyphosate devrait être interdit d’ici à 2021.

Et de prendre pour exemple l’interdiction du diméthoate en France avant qu’il ne le soit en Espagne, ce qui aurait été préjudiciable par exemple aux producteurs de cerises de la vallée du Tarn. « Le portage politique de ces questions-là, il faut ne faut pas le faire par un amendement lâche et stupide au parlement français, il faut le faire par un portage collectif au niveau européen. » Et d’assumer une nouvelle fois son vote : « La facilité pour moi, c’était d’aller pisser pendant le vote, comme l’ont fait pas mal de mes collègues… »

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