Causses et vallées

Pierre Delmas (1734-1790), poète de la vallée du Tarn

Pierre Delmas, fils de Pierre Delmas et de Jeanne Conducher, est né le 9 août 1734 à Paulhe, en amont de Millau, sur la rive gauche du Tarn, dans une famille parmi les plus nobles du pays. Très jeune, comme nous le rappelle Jacques Cros-Saussol, « le spectacle de la beauté de la nature frappait sa sensibilité. Agé de huit ans, il aimait errer avec les bergers pour embrasser d’un coup d’œil les profondes gorges et ravins, où la vaste étendue des cieux » (Midi Libre, 26 novembre 2007). Son oncle, curé de Paulhe, l’envoya terminer ses études à Toulouse vers 1750, comme l’avait fait quelques années auparavant son compatriote Claude Peyrot.

Ainsi, adolescent de dix-sept ans, il se trouva tout à coup transporté loin de son paisible village. Sa timidité, son accent, son patois du Rouergue, sa tournure « qui sentait peu la ville » furent sujet de plaisanteries pour ses condisciples, et de gêne pour lui.

Ordonné prêtre, il enseigna les humanités et la rhétorique dans plusieurs collèges du Midi. En 1773, il fut nommé, à la demande de l’évêque de Montauban, curé de Saint-Orens à Villebourbon, une des paroisses de Montauban. Il en fut le desservant pendant dix-sept ans. Comme Peyrot, pour se reposer de ses tâches pastorales, il se mit à la poésie.

F. Hermet nous donne un aperçu de son œuvre : « Il laisse la réputation d’un saint prêtre et d’un poète de marque. On a de lui une traduction en vers français de l’Imitation de Jésus-Christ qui ne manque pas de mérite. Mais le plus beau fleuron de sa couronne poétique est son livre intitulé : “Ars Artium”, œuvre didactique en vers latins, où l’auteur résume les devoirs du ministère pastoral. Le style est d’une élégante et d’une pureté toute virgilienne » (Revue historique du Rouergue, 15 février 1928).

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Paulhe, village natal de Pierre Delmas.

Son Ars Artium, « l’Art des Arts », est un poème sur le devoir des pasteurs, paru à Montauban en 1786. Il y revient en songe au vallon de Compeyre et à l’ermitage qui domine le village, évoquant, tout empreint de réminiscences virgiliennes, ses premières promenades, les lumineuses visions de son enfance, entre le pittoresque, sévère et grandiose des plateaux caussenards et le charme infini de la rivière, sensible à l’incomparable harmonie qui se dégage de l’ensemble.

Même si certains éléments paraissent un peu conventionnels, on remarquera l’étonnante modernité de sa vision paysagère, attentive aux couleurs, aux formes du relief, à la végétation et au travail des hommes. Au début de son livre, il évoque un ermitage : « L’ermitage est accroché à mi-côte de la colline, juste au sortir d’un petit bois, s’étageant sur les bords pentus surplombant le Tarn, presque torrent l’hiver, douce rivière chuchotante l’été… Un vieux noyer ombrage l’ermitage et le défend de la froideur du vent rude et cinglant. A l’entour s’étend la prairie en pente raide, mais prolifique de ses arbres fruitiers. Tous semblent tendre leurs offrandes. Ils paraissent cligner de l’œil avec les pêchers de plein vent et les cerisiers regorgeant de fruits… Si vous partagez avec moi cette indépendance, si vous voyagez pour voyager, suivez-moi sur les bords de cette rivière bien aimée, simple et modeste cours d’eau. Je ne sache pas de route plus pittoresque et surtout originale. »

Par la suite, il décrit avec de gracieux détails, le temple qu’il voudrait élever sur les bords du Tarn dans un paysage cher à son cœur, un sanctuaire consacré à l’étude et à la sagesse.

Le Père Delmas décèdera le 7 octobre 1790. Peu après paraîtra son deuxième ouvrage, une traduction en vers français de l’Imitation de Jésus-Christ. Les exemplaires de ces livres sont devenus très rares.

Citons pour terminer les propos de Jacques Cros-Saussol sur notre poète : « Paulhe peut se flatter d’avoir donné naissance au Père Delmas, Père de l’Oratoire et plus tard curé, qui mourut sous la Révolution, laissant après lui une réputation de saint prêtre et d’écrivain de mérite trop mal connu, c’est certain » (Procès Verbaux, Société des Lettres, tome XLV, 2e fascicule, 1988).

Marc Parguel

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